Au nom de la mère et du fils, de MaryseLegagneur : Vue du 67
Société

Au nom de la mère et du fils, de MaryseLegagneur : Vue du 67

Pour son premier film, la réalisatrice Maryse Legagneur s’inscrit dans son terroir. Chroniques du quartier Saint-Michel.

Vous sentez-vous plus haïtien ou plus québécois? Quand Maryse Legagneur a posé la question à de jeunes Haïtiens du quartier Saint-Michel, elle a reçu toutes sortes de réponses. "Mais tous, sans exception, m’ont dit: "Je suis du 67"", lance la jeune femme de 29 ans.

67, c’est le numéro du trajet d’autobus qui traverse le quartier Saint-Michel à Montréal. C’est aussi le nom qu’on a donné au territoire, ce coin de ville gris béton où la communauté haïtienne s’est établie. "Il y avait ce besoin de donner un nom au lieu, dit Maryse Legagneur. Pour y donner un sens, en quelque sorte."

Pendant un an, la réalisatrice d’origine haïtienne a rencontré des jeunes du quartier où elle a grandi. Elle est tombée sur James, un jeune de 20 ans au cœur d’enfant, qui fabrique des "bonshommes" avec des fils électriques. C’est que sa mère n’a jamais eu assez d’argent pour lui acheter des G.I. Joe. En apprenant qu’il sera papa, James doit devenir un homme. Maryse Legagneur a aussi connu Le Voyou, un rappeur qui a adopté ce surnom pour porter sur ses épaules le poids des préjugés qui pèsent sur sa communauté.

Du parcours de ces jeunes, la réalisatrice a tiré un documentaire tout en poésie, Au nom de la mère et du fils. Pour elle, ces deux personnages représentent bien le 67. Plus, ce sont des modèles autres que des joueurs de basketball…

Maryse Legagneur, dernière gagnante de la Course destination monde, a voulu montrer un visage différent de son quartier, que les médias observent trop souvent à travers le filtre des gangs de rues, de la violence, de la pauvreté. "Je voulais qu’on puisse nous-mêmes nommer notre réalité", dit celle qui croit que la population manque trop souvent d’ouverture par rapport à sa communauté.

D’ailleurs, dans son film, l’animateur Benoît Dutrizac semble porter l’odieux des à priori racistes. Ce qu’il déplore avec raison. On y voit des extraits d’un reportage, réalisé pour Les Francs-tireurs, dans lequel on l’entend utiliser l’expression "gang de nègres". Le tout pris hors contexte (une entrevue avec un travailleur social de la Maison Haïti). Un raccourci maladroit de la part de la réalisatrice, qui s’ajoute cependant aux nombreux autres raccourcis que prennent souvent les médias lorsqu’ils parlent des jeunes de Saint-Michel…

La preuve que, dans un sens comme dans l’autre, le chemin à parcourir pour abattre les préjugés doit se faire au long.

Au nom de la mère et du fils est présenté conjointement avec le film Petites mères, de Judith Brès, un documentaire sur le parcours de quatre adolescentes noires qui veulent assumer leur maternité. À Ex-Centris du 17 au 23 février, au cinéma ONF le 19 février dans le cadre des Rendez-vous du cinéma québécois à Montréal et les 27 et 28 février au Cinéma ONF dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs.