Société

Ennemi public #1 : Bon ou pas

Qu’est-ce que vous pouvez m’énarver parfois.

Vous me gossez depuis des jours pour que j’écrive sur les caricatures de Mahomet. Des lecteurs, des amis, des collègues. D’autres qui m’ont entendu en parler à la radio et qui voudraient que je beurre encore plus épais sur la même toast que tout le monde. Z’en avez pas encore eu assez avec mon confrère Martineau, c’est ça? Vous en voulez encore? Eh bien, vous allez être servis, il remet ça cette semaine. Il le fait très bien d’ailleurs, au point où je n’ai pas grand-chose à ajouter à son appel au calme, que vous pourrez lire quelques pages plus loin, sinon peut-être une chose.

Il faut que vous le sachiez. Dans le lot des fameuses caricatures, il y en a de vraiment bonnes. Des mauvaises aussi, mais quelques bonnes. Pissantes, même. Dont une sur la pénurie de vierges au paradis des martyrs qui m’a fait hurler. Cela, très rares sont ceux qui l’ont dit, et s’ils l’ont fait, c’est du bout des lèvres, en se cachant presque pour sourire, de peur qu’on ne les prenne pour des intolérants, des racistes, des islamophobes.

Depuis des jours que tout le monde palabre sur la liberté d’expression, sur les limites du bon goût, sur l’autocensure, sur la menace extrémiste, et presque personne pour dire si elles sont bonnes ou non, ces caricatures.

Cela dépend de qui regarde, dites-vous? Pas vraiment, bien que tout le scandale parte justement de là, de l’oil de celui qui regarde, qui lit, de sa subjectivité, de sa sensibilité. Mais cette sensibilité n’a rien à voir avec la qualité de l’ouvre. S’il fallait s’y arrêter, il faudrait éliminer toutes les blagues sur les nains, Nathalie Simard, les athlètes paralympiques, les lesbiennes noires albinos qui pratiquent le sexe tantrique, voire les jokes sur les cols bleus et Jean Charest. Parce que, bon, il y a des gens qui aiment des gens qui sont cols bleus, et il se trouve que la moitié du Québec a voté pour Charest en plus d’avoir acheté le livre sur Nathalie Simard.

Plus sérieusement, si on parle beaucoup de la censure qu’imposeraient les communautés musulmanes, nous oublions que nous ne sommes pas toujours très loin de ce même esprit javellisant lorsque nous appliquons nos standards du bon goût et de la rectitude politique à ces mêmes humoristes, caricaturistes, chroniqueurs ou autres fanfarons qui critiquent à leur manière le monde dans lequel nous vivons.

Un monde bien schizophrène qui attend impatiemment que se dénouent les ganses des bikinis dans le spa de Loft Story pour ensuite dénoncer l’hypersexualisation de la publicité qui suivra.

Mais où voulais-je en venir, déjà? Ah si, au fait que ce qui compte, c’est si la caricature est bonne ou non. Même chose pour les blagues, pour les chroniques, les films. Et qui décide? Eh ben, c’est vous, c’est moi, c’est nous.

Mais au-delà de cela, à mesurer l’onde de choc qu’elles provoquent, les débats qu’elles génèrent, ces caricatures, drôles ou non, apparaissent finalement comme essentielles, et doivent donc être vues. Comme me le disait un collègue, elle font partie de l’Histoire maintenant, donc il FAUT les montrer.

Sinon, tous les fondements sur lesquels reposent nos sociétés ne seront plus qu’une immense hypocrisie; tout sera lisse, lavé plus blanc que blanc, parfaitement au goût des hygiénistes de la bonne morale.

Juste pour eux, d’ailleurs, j’en ai une excellente dont vous me donnerez des nouvelles. C’est l’histoire d’un imam à la très imposante barbe qui représente le Tadjikistan à la luge aux Olympiques, mais qui se fait prendre avec des traces de Propecia dans le sang…

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Que de messages, de courriels et de téléphones concernant ma dernière chronique sur la Saint-Valentin. Quand je disais que vous m’énervez, parfois, c’est aussi dans ces cas-là: j’écris un truc, mais vous en lisez un autre.

Je vous parle de la Saint-Valentin qui est une figure imposée, plutôt chiante, certes, mais c’est en fait un prétexte pour vous révéler quelques-unes de mes passions du moment, éphémères, puis d’autres qui m’ont à jamais buriné le cour. Et vous, vous vous lancez dans une dénonciation déchaînée de la récupération mercantile de cette fête qui est, je vous le concède sans réserve, passablement nunuche.

Sauf peut-être pour Alice, au bureau, qui a reçu des fleurs pour la première fois de sa vie mardi dernier, et qui se fichait pas mal de la marchandisation de l’amour à ce moment-là.

Mais le pire, c’est quand vous me prêtez des propos que je n’ai jamais tenus, et m’accusez de moi-même m’adonner à cette dénonciation. "Je ne voudrais pas être votre blonde", a même écrit une lectrice dépitée, me traitant à demi-mot de triste sire, d’amoureux pitoyable.

Si vous saviez, chère Madame. Hier soir, j’ai laissé ma femme me piquer la télécommande. Résultat, une heure de curling à me taper les commentaires de l’ancienne joueuse qu’elle est, et comment elle était bonne pour faire tel ou tel truc, et comment la pierre fait ci ou ça. Arrrghhhgg…

Mais ça pourrait être plus pénible. Si vous étiez ma blonde, par exemple, je gage que pour cimenter notre bonheur, il faudrait que nous regardions main dans la main le patin de fantaisie. La danse en couple, genre, avec les commentaires atrocement sucrés d’Alain Goldberg en prime. Et là, en voulant me garder trop près de vous, vous m’auriez perdu. Physiquement, je serais juste à côté, mais dans ma tête, je me serais évadé vers un endroit bien, mieux. En rêve, je serais quelque part où je peux regarder le curling avec ma femme.