Taslima Nasreen : Rumeurs de haine
Société

Taslima Nasreen : Rumeurs de haine

Souvent comparé à celui de Salman Rushdie, le combat de Taslima Nasreen, auteure bangladeshi victime depuis 1993 du courroux des fondamentalistes musulmans, est, aux yeux des Occidentaux, un symbole de la résistance des femmes persécutées au nom de la religion. Après avoir raconté son adolescence dans Vent en rafales, Taslima Nasreen aborde dans Rumeurs de haine, récit autobiographique, ses premiers pas de femme et d’écrivaine, avant la fatwa, la violence et l’exil en Europe.

Au début des années 90, Taslima Nasreen est médecin, divorcée, féministe et athée. C’est beaucoup. Pour certains, c’est trop! Ses écrits, comme son mode de vie, dérangent. Lajja, son premier roman, attire sur elle l’ire des mollahs. La voilà interdite de la Foire du livre, sujette d’une campagne nationale de diffamation, molestée même.

Ne manque plus que la fatwa, qui fera basculer sa vie en enfer. Elle tiendra pourtant tête à ses ennemis, refusant de négocier avec les censeurs du gouvernement, marionnettes des islamistes dont l’influence ne cesse de grandir au Bangladesh. La foule, galvanisée, descend dans la rue. En gros titre d’un grand quotidien: "La nation unanime exige le châtiment de Taslima Nasreen."

Nasreen défend la sécularisation, la liberté de ne pas croire, l’égalité des hommes et des femmes alors que les fondamentalistes de son pays tentent de mettre fin à la liberté d’expression, seul rempart pour l’individu face à la répression. Elle met en cause la violence au service de l’islam, l’amalgame explosif de la politique et du religieux. "L’islam n’est plus ici, écrit-elle, une religion, c’est un programme politique dont la popularité enfle en une vague plus puissante de jour en jour". Dans un tel contexte, le cas Nasreen devient un prétexte à la mobilisation. De faux écrits incendiaires sont volontairement distribués par ses détracteurs pour envenimer la situation. Chacun au Bangladesh se trouve alors obligé à choisir entre Nasreen et la foi. Cette petite guerre sainte dont Taslima et ses proches sont les sujets est, comme toujours, une guerre d’opinion.

Nous retiendrons ce beau passage, terriblement d’actualité au moment où quelques caricatures mettent à mal les relations déjà houleuses entre l’Occident et l’Islam. Taslima, tapie dans un cagibi, se cache des hordes de fanatiques qui demandent sa mort dans les rues de la capitale. Pour ne pas céder à la panique, elle dessine: "Avec le crayon que je tiens à la main, je me dessine: au cou une corde de pendue, un poignard au cœur, le crâne troué par balles… J’écris: à mort! à mort! À MORT!". Un petit dessin de plus pour exprimer l’implacable violence du fanatisme liberticide.

Rumeurs de haine
de Taslima Nasreen
Éd. Philippe Rey, 2005, 400 p.