Mon pays est meilleur que le tien
Société

Mon pays est meilleur que le tien

Dans Les (autres) meilleurs pays du monde, l’auteur Stéphane Batigne nous offre le Canada… comparé au reste du monde.

L’ex-premier ministre Jean Chrétien, dans une de ses savoureuses répliques, a déjà dit que le Canada était le "plus meilleur" pays du monde. Une interprétation colorée de l’Indice de développement humain (IDH) établi par l’ONU chaque année. Ce nombre exprime la richesse d’un pays, mais aussi le niveau d’instruction et l’espérance de vie de ses habitants.

En 1992, le Canada avait donc l’IDH le plus élevé du monde. Plus maintenant. Pire, nous ne sommes plus sur le podium! En 2005, notre beau et grand pays figurait au quatrième rang des "plus meilleurs"; derrière la Norvège, la Suède et l’Australie. Heureusement, nous coiffons toujours les États-Unis (8e) et la France (16e).

Le rapport annuel de l’ONU sur le développement humain, d’où est tiré cet indice, fait plus de 200 pages. Bourré d’informations, c’est un état de l’humanité hyper-touffu. Pourtant, tout ce qu’on y retient, c’est le classement du Canada par rapport aux autres pays.

"C’est rassurant de se comparer", lance Stéphane Batigne. Cet ancien journaliste, aujourd’hui rédacteur en chef d’encyclopédies aux éditions Québec Amérique, vient de publier Les (autres) meilleurs pays du monde. Une plaquette qui démontre que le Canada n’est pas toujours le "plus meilleur"… Sans prétention, le livre regroupe 50 palmarès mondiaux, toutes catégories confondues, où le Canada n’arrive pas (toujours) en tête.

Au fil des pages, on y apprend que le Canada n’est pas le pays le plus corrompu (c’est la Finlande), ni le plus grand consommateur de bière (c’est l’Irlande). De plus, notre pays n’a aucun Prix Nobel de littérature parmi ses citoyens, ne compte aucun chameau par 1000 habitants et n’est pas un acteur important sur l’échiquier mondial de la production de riz.

En revanche, le Canada décroche la médaille d’argent en ce qui concerne le nombre de restaurants McDonald’s par million d’habitants. Et nous fournissons plus de joueurs de la Ligue nationale de hockey que n’importe quel autre pays.

Mais à quoi, diable, riment tous ces classements? À rien. Avec son livre, Stéphane Batigne a voulu montrer l’absurdité de ces palmarès. "Tout est question de contexte, dit-il. Les chiffres, on peut leur faire dire ce que l’on veut. Le meilleur pays du monde, ça ne veut strictement rien dire."

Parlant de contexte, on découvre parmi ces palmarès que le Rwanda est le pays qui compte le plus de femmes au Parlement. En présentant la chose ainsi, on ne peut que saluer l’ouverture d’esprit des Rwandais. Or, en y regardant de plus près, on comprend mieux. "Après le génocide, dit Stéphane Batigne, des organismes internationaux comme l’ONU sont débarqués dans le pays pour reconstruire les institutions. En ce qui concerne les élections, ils ont imposé un quota de 25 % de femmes." Le pays aura donc dû traverser un génocide pour avoir plus de femmes au Parlement…

Pour expliquer cette fascination que l’on a pour les classements, Stéphane Batigne avance une thèse. "C’est peut-être à cause de la mondialisation, dit-il. Les identités nationales sont aujourd’hui diluées dans un grand magma." D’où ce patriotisme de survie, qui atteint immanquablement son paroxysme lors des Jeux olympiques.

Ce sont d’ailleurs les derniers Jeux olympiques d’Athènes qui ont inspiré l’idée de ce livre à l’auteur. "Je n’ai pas de télévision, raconte-t-il. Je n’avais donc accès qu’aux informations diffusées à la radio. Et les seules informations que j’obtenais, c’était le nombre de médailles qu’avait remportées le Canada. Je me suis rendu compte à quel point ça comptait pour la population."

Le judo a commencé à fasciner les foules lorsque Nicolas Gill a gagné sa première médaille olympique. Et avant que Myriam Bédard ne devienne championne de biathlon, qui s’intéressait à cette discipline? Nous sommes cependant très forts en curling, mais tout le monde s’en fout. Au Québec du moins. C’est peut-être l’exception qui confirme la règle…

En pleins Jeux olympiques de Turin, on ne s’attend pas à ce que notre avidité pour les médailles connaisse de répit. On n’en aura que pour les gagnants, et tant pis pour les autres…

Les (autres) meilleurs pays du monde
de Stéphane Batigne
Québec Amérique, 128 pages, 8,95 $