J’ai passé le plus clair de ma petite enfance dans les jupes de ma mère. Une période dont je ne garde que peu de souvenirs, bons ou mauvais. Rien à voir, donc, avec le traumatisme d’un Proust qui freakait que sa maman ne vienne pas le border, et encore moins avec l’absence d’amour d’un Patrick Modiano qui passera toute sa carrière de romancier à tenter de comprendre le cruel abandon de ses parents.
Bien au contraire. Cette absence de souvenirs chez moi, c’est plutôt le signe d’une enfance comblée, d’un petit bonhomme de vie composée de minuscules attentions au quotidien, qui m’ont construit sans que j’en aie conscience. C’est le travail constant de parents amoureux de leurs enfants, et particulièrement d’une mère qui menait les opérations avec une extrême dévotion, avec le sentiment d’accomplir son devoir en éduquant convenablement ses enfants.
Parmi ces choses que l’on m’a inculquées sans que je puisse me souvenir d’une phrase précise que l’on m’aurait dite, d’un moment particulier, voire d’une remontrance: le respect des femmes. Pas comme une chose faible et fragile qu’il faudrait préserver, mais comme mes égales. C’est le genre de valeur qui se passe par osmose plus que par les mots, anyway. Ma mère est une femme forte qui n’a jamais eu peur d’afficher ses convictions. Intellectuelle s’intéressant à la littérature, à la politique, elle m’a, avec mon père, à la fois inculqué humanisme et intolérance à la connerie humaine, sans jamais donner le monopole de l’imbécillité ou de la vertu à un sexe en particulier.
Pour moi, le destin a donc été providentiel. Je suis bien né, comme on disait autrefois. Mais ç’aurait pu être autrement. Imaginez. J’aurais pu avoir Lise Payette comme mère, par exemple. Et si c’eut été le cas, sans doute m’aurait-elle appris à mépriser mon propre sexe, de peur que je ne devienne un de ces Jean-Paul Belleau qu’elle hallucine en permanence, et plus récemment, dans les pages de sport des quotidiens.
"Il s’est trouvé certains commentateurs pour lever le nez sur les médailles remportées par les filles, écrivait-elle le 27 février. Ces médailles-là, selon eux, n’auraient pas la même valeur que celles des garçons, parce que les filles sont en compétition contre d’autres filles, ou, pire, dans le cas du hockey féminin, contre personne, car les autres équipes féminines étaient inexistantes", délire l’ex-politicienne et auteure de téléromans, aujourd’hui chroniqueuse au Journal de Québec et de Montréal, profitant de l’occasion qu’elle a fabriquée de toutes pièces pour dénigrer le genre masculin au grand complet comme elle seule en est capable.
Pauvre Madame Payette… Personne n’a levé le nez sur LES médailles remportées par LES filles, mais sur certaines DES médailles remportées par DES filles. Ces mêmes journalistes ont aussi levé le nez sur les médailles des hommes en skeleton, ou en bobsleigh, précisant que la pratique de ces sports étant marginale, et donc sans grande compétition, le mérite qu’on pouvait retirer d’une victoire dans ces disciplines n’avait rien à voir avec celui que l’on retire d’une victoire en patinage de vitesse (on n’y compte plus les médailles des filles, dont cinq à Klassen) ou en ski de fond (Renner, Crawford, Scott, toutes des Canadiennes médaillées), où la compétition est autrement relevée.
Quant au hockey féminin, en avez-vous seulement regardé une minute, Madame Payette? Moi, si. Et cela m’a rappelé quand mon père m’amenait voir les Nordiques jouer contre les Whalers de Hartford. À l’époque, Hartford avait une équipe pitoyable. C’était donc joué d’avance: les Nordiques allaient les clancher, leur donner la rince du siècle. Est-ce que cela me faisait plaisir, est-ce que ces victoires avaient autant de valeur à mes yeux que celles qu’ils remportaient contre Saint Louis, Chicago ou Montréal?
Ben non, Chose, je trouvais ça plate à mort. Je n’aimais pas moins les Nordiques, cela n’enlevait rien à leur talent, c’était quand même MON équipe.
Mais à 10 ans, même si je n’avais jamais entendu ni lu la maxime, j’avais déjà compris qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Parlant d’âge, je google votre nom. 43 100 résultats. Selon votre biographie de l’Assemblée nationale, vous êtes née en 1931. Vous aurez donc 75 ans le 29 août prochain.
Oserai-je pour autant vous taxer de sénilité? Mettons que je vous donne le choix: soit vos chroniques témoignent d’une extrême malhonnêteté intellectuelle, d’un désir malsain d’attiser inutilement les conflits entre hommes et femmes en manipulant l’information, soit votre âge vénérable explique que dès qu’il est question de critiquer une femme, même indirectement comme c’est ici le cas, vous perdez les pédales, la notion du temps, et vous croyez revenue à l’époque des Yvettes.
Je vous comprendrai de ne pas excuser ma goujaterie, mais comme je l’expliquais plus haut, si on m’a appris à respecter la femme comme mon égale, on m’a aussi inculqué une intolérance viscérale à la connerie humaine.
Une connerie qui, cela vous fera plaisir, d’autant que vous en faites à nouveau la preuve, n’a pas de sexe. Ni d’âge d’ailleurs.