Retour aux sources
Société

Retour aux sources

Au cours des dernières années, notre souci du bien-manger s’est mâtiné de curiosité autant que de nostalgie.

Dans son plus récent ouvrage, Le Fruit de ma passion (dont nous avons déjà parlé), Daniel Vézina écrit: "Lorsque vous vous promènerez au marché et que vous verrez de petits ou gros légumes bizarres, dites-vous bien que ce ne sont pas nécessairement des produits transgéniques, mais probablement des légumes qui refont surface après une longue absence. Et que si vous ne les cuisinez pas ou ne vous y intéressez pas, ils pourraient disparaître à nouveau." Deux phrases suffisent à l’auteur pour résumer une préoccupation qui s’est fait jour depuis quelques années, au Québec aussi bien qu’en Europe, et dont l’ampleur se mesure au nombre de producteurs, de marchés, d’épiceries, de livres de recettes et de sites Web qui mettent un point d’honneur à revaloriser l’ortie sauvage, le potimarron ou le persil-racine (Petroselinum crispum, var. tuberosum). Ainsi, dès 1977, Bernard Lafon mettait sur pied Oh! légumes oubliés, importante exploitation agricole située aux environs de Bordeaux et regroupant une ferme, un "potager conservatoire", un "parc touristique" et un "labyrinthe gourmand" où petits et grands redécouvrent l’histoire des fruits et des légumes. À défaut de pouvoir s’y rendre en personne, on peut aller y faire un tour virtuel à l’adresse www.ohlegumesoublies.com. Cet ingénieur "recyclé" a d’ailleurs publié chez Aubanel Le Potager de ma grand-mère – Saveurs de légumes oubliés. Omelette aux orties sauvages et crosnes et persillade sont au nombre des recettes regroupées dans cet ouvrage de 160 pages. Plus près de nous, à Saint-Jean-Port-Joli, on peut encore visiter le Potager de la Nouvelle-France, dans l’ancien moulin de Philippe Aubert de Gaspé (515, chemin du Moulin). Si sa fondatrice, Louise Saint-Pierre, a abandonné le commerce des semences (fruits, légumes et fines herbes d’autrefois), elle a tout de même conservé son petit potager de démonstration, ouvert au public de juillet à septembre. Et c’est sans hésiter qu’elle aiguille les horticulteurs, professionnels ou amateurs, vers la Société des plantes, à Kamouraska ([418] 492-2493; [email protected]). Libre à vous, dès lors, de cultiver vos tomates Ceylon ("petit bijou côtelé"), vos carottes Dragon (bicolores), sinon la "mâche à grosse graine" ou l’aromatique persil-racine Bartowich Long, voire la betterave Crapaudine du XVIIe siècle, le tomatillo (cher aux Latino-Américains) et toute une gamme de cucurbitacées. La plupart des consommateurs préféreront le "tout-fait", ces légumes minuscules, anciens ou étranges auxquels s’intéressent depuis peu les grandes chaînes elles-mêmes. Depuis la petite révolution amorcée par Jean Leblond, dont la réputation n’est plus à faire, nombre de producteurs ont emboîté le pas. Mini-bokchois, mini-haricots, bébés épinards, asperges filiformes, tomates cerises de plus en plus minuscules… on n’en finirait pas d’inventorier les "curiosités" sous lesquelles croûlent certains étals du Marché du Vieux-Port de Québec, par exemple. La Ferme R. et Al. Marcoux de Beauport ([418] 661-5261), pour ne citer qu’elle, vous propose sa panoplie de couleurs et de saveurs en termes de pâtissons (jaunes ou verts), de mini-courgettes, de rattes, de betteraves jaunes (réputées anti-cancérigènes), de fleurs comestibles (courgettes, capucines, mauves, pensées, etc.). Elle fait aussi honneur à ce grand oublié qu’est le topinambour, cette "pomme de terre des pauvres" longtemps réservée à l’alimentation du bétail. Simplement cuit à l’eau, ce tubercule (peu énergétique, mais très nourrissant) n’enchante pas grand-monde. Mais quel régal en purée (subtilement assaisonnée) ou sous forme de potage! En chips? On s’en mord les doigts. Pas étonnant qu’il suscite un intérêt croissant de la part des restaurateurs, à Québec comme en région.

FINES BOUCHES

L’une est toute jeune et l’autre pas tout à fait. Pulcinella a ouvert ses portes en novembre dernier et, depuis, ça ne dérougit pas. Dans cette véritable caverne d’Ali Baba, vous vous étonnerez qu’on ait, sans désordre, casé autant de victuailles dans un local de si modestes dimensions. Huiles d’olive réputées, gelées et confitures rares, café Illy, chocolats de Bernard Castelain, Broyé du Poitou (galette pur beurre), sucre roux à la coriandre, fleur de sel aux épices grillées, fleur de sel à la vanille, gros sel de Guérande occupent étagères et comptoirs, en plus des pâtes, nougats et autres confiseries. Du côté des plats cuisinés, on fait bombance: poulet et penne au sésame noir, cailles confites, bouchées d’artichauts gratinées, paupiettes farcies de gibier, croustillants au canard confit, charcuteries, fromages, sauces diverses aux herbes fraîches et toutim… À ma énième visite, je n’ai pas encore pu goûter à tout, et ce n’est pas faute d’avoir fait provision chaque fois. À Sillery, dans un minuscule centre commercial, on découvre ce joli nom: Deux gourmandes un fourneau. Le service de traiteur existe depuis sept ans. En le déménageant du parc industriel à son emplacement actuel, les deux jeunes propriétaires ont eu l’heureuse idée de le compléter d’une épicerie, où l’on vous accueille avec le plus beau des sourires. Dumplings, tartelettes et rouleaux impériaux complètent les buffets froids de salades, bruschetta, rillettes et autres hors-d’oeuvre. On vous propose aussi de nombreuses assiettes: carpaccio, tartares, rillettes, mescluns, antipasto, gâteau de crabe, etc. En plus des accessoires de cuisine (passe-légumes, fouets, spatules et ustensiles divers), l’épicerie-boutique offre de beaux étalages d’huiles d’olive, de vinaigres balsamiques, des mélanges pour crêpes de pommes de terre, confitures de tomates rouges à la vanille ou d’oranges amères au laurier, des chocolats fins, du sucre candi. Les produits sont de France, d’Italie, d’Israël, de Montréal.

Pulcinella
1038, avenue Cartier, Québec
Téléphone: (418) 529-3668
Deux gourmandes un fourneau
1960, rue Saint-Michel, Sillery
Téléphone: (418) 687-3389
Courriel: [email protected]