CKRL : Pour la suite des ondes
Société

CKRL : Pour la suite des ondes

À 33 ans, CKRL tiendra son 25e Radiothon, du 24 au 26 mars. Avec la nouvelle conjoncture radiophonique et les rudes dernières années, la première radio communautaire francophone d’Amérique a besoin d’aide.

Maigres subventions, cotes d’écoute en baisse, diminution du nombre de membres, roulement incessant de personnel… La situation n’est pas aisée pour CKRL. Forte de l’expérience acquise à la même fonction de 1989 à 1992, la directrice générale Brigitte Duchesneau espère bien remettre la station sur les rails. "Ce que je trouve le plus difficile, c’est le manque de reconnaissance pour ce qu’on fait", confie-t-elle, soulignant l’apport de la station dans les domaines social et communautaire, en plus du secteur culturel. "Les gens pensent qu’une radio communautaire, ça ne coûte rien, que tout le monde est bénévole, qu’on vit d’air pur et d’eau fraîche, mais ce n’est pas ça. On fait des miracles avec peu. Et de toujours chercher de l’argent, c’est essoufflant. CKRL a un déficit accumulé depuis quelques années, et il faut l’éponger sinon on ne passera pas à travers les changements du paysage radiophonique", ajoute-t-elle, faisant allusion à la percée des radios satellite et Internet combinée à la venue de nouveaux joueurs dans la région.

À cet effet, dans un mémoire au CRTC publié sur son site Web, CKRL s’oppose à l’augmentation de puissance de Radio Charlesbourg de même qu’à l’ajout sur les ondes de Radio-Classique, de Radio Couleur jazz et d’une antenne spécialisée en musique francophone du groupe Corus. "Proportionnellement à notre population, on doit avoir plus de stations que Montréal, soulève Mme Duchesneau. Radio Charlesbourg, on ne s’oppose pas à eux; ils ont le droit d’être là. Ce qu’on veut, c’est qu’ils gardent le rayon de diffusion prévu au départ. Parce que s’ils élargissent et se tournent vers Québec, ils se tournent vers notre marché. Il faudrait essayer de ne pas se marcher sur les pieds! Quant à Couleur jazz, nous, on fait plus d’une vingtaine d’heures de jazz par semaine. Alors c’est sûr que rajouter une radio jazz, ça nous rentrerait dedans. Même chose pour Radio-Classique; ça fragmenterait encore plus l’auditoire, et cette fragmentation est déjà épeurante: ça fractionne la tarte publicitaire…" Car au-delà des subventions (moins de 20 %), du Radiothon et des cotisations des membres (environ 30 %), la publicité génère plus de 50 % des revenus de CKRL.

Autre difficulté éprouvée par cette grande pépinière de talents: le roulement excessif de personnel aux postes clés. Environ 4000 personnes seraient passées par "la radio des découvertes" depuis ses débuts en 1973. "Ces dernières années, ça a été très difficile. On perd les gens parce qu’on les essouffle, puis on ne les paie pas correctement. Il y a eu un gros roulement depuis quatre ans, et si on veut offrir quelque chose de qualité, il faut être capable de garder des gens avec des salaires décents. Les gens font souvent leurs premières armes ici puis s’en vont ailleurs. Et ça, c’est correct. Mais s’ils passaient trois ou quatre ans chez nous au lieu de seulement un an, un an et demi, ils auraient une meilleure expérience et nous, ça nous assurerait une certaine stabilité. Parce que ça crée des incertitudes d’avoir toujours une équipe à refaire; c’est toujours à recommencer", poursuit-elle, ajoutant souhaiter implanter une meilleure complémentarité entre l’expérience et la relève. "Il faut s’assurer qu’on a ce qu’il faut d’anciens pour assurer un mentorat, puis éventuellement faire du parrainage. Ça ne s’est pas beaucoup fait dans le passé. On a peut-être à renouveler et à revoir certaines pratiques. On a encore du développement à faire, même si ça fait 33 ans qu’on existe! Et ça, c’est très stimulant!"

Pour ce 25e Radiothon, placé sous le thème des noces d’argent, Marie-Thérèse Fortin et Antoine Gratton agiront à titre de couple d’honneur. Les 24, 25 et 26 mars feront place à trois jours de programmation spéciale, mettant notamment en vedette Mara Tremblay, Jorane, Éloi Painchaud, Steve Normandin, Gilles Valiquette, Polémil Bazar et Senaya, sans oublier les concerts-bénéfice du samedi 25 mars: Michel Pagliaro à l’Impérial (21h), puis Dee et Plaster à la Galerie Rouje (23h). Objectif cette année: 50 000 $. "Et même plus! Pas juste parce qu’on le souhaite, mais parce qu’on doit le dépasser; on a besoin d’argent. Et c’est important aussi pour nous d’avoir ce message de l’auditeur; qu’il tient à nous et nous aime. Ça ne fait pas juste nous apporter de l’argent, ça nous donne aussi l’énergie de continuer. C’est la tape dans le dos pour nous faire avancer et nous faire sentir qu’on sert à quelque chose…"