André Paradis : Citoyen du monde
Société

André Paradis : Citoyen du monde

André Paradis, parrain de la première édition du Festival de films sur les droits de la personne de Montréal, nous invite à nous battre pour un monde meilleur.

Du 23 au 26 mars, le Festival de films sur les droits de la personne de Montréal prend l’affiche au Cinéma Beaubien dans le cadre de la Semaine d’actions contre le racisme. Entretien avec le parrain de cette première édition, André Paradis, membre du conseil d’administration d’Amnistie internationale et ancien directeur général de la Ligue des droits et libertés.

En tant que militant, qu’attendez-vous de ce Festival?

"Le cinéma a une capacité unique d’ouvrir les yeux, l’esprit, l’âme et le coeur aux réalités de la violation des droits de la personne dans le monde. Le Festival va donc permettre de donner une voix, un visage aux victimes d’injustice, de concrétiser le combat que mènent les organisations de défense des droits humains. Il s’agit aussi de rendre hommage aux cinéastes engagés qui nous prêtent leurs yeux pour voir le monde."

Quelles seront les principales thématiques discutées lors de ce Festival?

"Le Festival va aborder, à travers plusieurs films, la question des droits économiques et sociaux et les problèmes d’exclusion liés à la pauvreté. Je pense que c’est très important. L’accès à l’eau potable, à la nourriture, à un environnement sain, à un logement décent… Ces problématiques touchent tout autant les populations du Sud que celles du Nord. On a longtemps limité le combat pour les droits humains au combat pour les libertés politiques et individuelles. Pourtant, une personne uniquement préoccupée par sa survie quotidienne n’aura pas la capacité d’exercer ses droits politiques, même si elle vit dans un pays démocratique. Avec le développement du mouvement de contestation sociale altermondialiste, la réflexion sur les droits humains s’est élargie. Au Québec, on produit de plus en plus de documentaires à caractère social qui s’inscrivent dans ce combat pour »un autre monde », plus juste, qui refuse la logique dominante de la mondialisation néolibérale. Le Festival de films sur les droits de la personne veut participer à ce bouillonnement d’idées."

Quels sont les films qui vous ont le plus interpellé?

"Le Festival aborde la question de la reconstruction du Rwanda après le génocide à travers deux films (Mères courage de Léo Kalinda et Après de Denis Gheerbrant). C’est un sujet qui me touche profondément. Moins d’un an avant le génocide, en 1993, j’ai passé trois semaines au Rwanda pour participer à une commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme qui avaient cours depuis plusieurs années dans ce pays. Nous avons découvert des charniers et entendu les dépositions de dizaines de témoins de violences, de meurtres et de viols. Ensuite, nous avons présenté à l’ONU un rapport qui indiquait que la situation risquait de dégénérer en génocide au Rwanda et qu’il fallait prendre des mesures pour négocier la paix et le partage du pouvoir dans cette région. Quand le génocide a effectivement éclaté, nous avons tenté de faire pression sur l’ONU afin que les Casques bleus interviennent pour stopper cette tragédie… en vain. Le plus terrible, c’est que les gens avec qui j’avais travaillé au Rwanda, les membres de l’opposition, les militants des droits de l’homme, les personnes qui avaient accepté de témoigner, ont été les premiers à être assassinés. Grâce à ces films, les gens vont pouvoir, tout comme moi, mettre un visage sur les victimes de ces atrocités."

Après une telle expérience, vous pensez toujours que le militantisme peut changer les choses?

"Dans notre propre société, s’il y a eu des avancées, c’est parce que les gens se sont battus. Je suis né sous le gouvernement de Duplessis, à une époque où l’on interdisait aux communistes ou aux Témoins de Jéhovah de se réunir et où le gouvernement réprimait violemment les manifestations. Des gens se sont battus pour que les droits de l’homme deviennent une valeur fondamentale au Québec, et je pense que c’est ainsi que l’humanité peut progresser. La grande force des films qui vont être présentés pendant ce festival, c’est de montrer justement des militants et des gens ordinaires qui se battent pour leurs droits. Ces films abordent des problématiques très diverses, ils ont été tournés dans différents pays, dans des contextes variés, certains sont des fictions, d’autres des documentaires… Mais au-delà de ces disparités, ils montrent tous la capacité de la solidarité humaine à triompher de l’adversité. J’espère que cela aidera les gens à prendre conscience que l’engagement collectif peut changer le monde."

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GROS PLAN SUR LA PROGRAMMATION:

Filmées aux quatre coins du monde, les 46 oeuvres présentées lors du Festival de films sur les droits de la personne (16 fictions et 30 documentaires, courts, moyens et longs métrages, en provenance de 13 pays) portent un regard engagé sur l’actualité et témoignent du combat quotidien des peuples pour le respect de leurs droits fondamentaux. Le Festival s’ouvrira d’abord avec la projection en première canadienne du film Roble de olor (Parfum de chêne), du réalisateur cubain Rigoberto Lopez Pego, qui raconte l’histoire d’amour impossible entre un colon blanc et une femme noire dans la Saint-Domingue raciste du 19e siècle.

Cette première édition explorera ensuite des sujets plus contemporains comme le génocide au Rwanda et la détermination des femmes à reconstruire leur pays avec le documentaire Mères courage de Léo Kalinda, le conflit israélo-palestinien avec le film Check Point de Yoav Shamir, la condition des femmes au Moyen-Orient filmée par le réalisateur iranien Mehrad Oskouei dans The Other Side of Burka ou l’esclavage moderne avec Bonne à vendre, un documentaire réalisé par la Libanaise Dima Al Joundi qui explore le sort de femmes originaires du Sri Lanka venues travailler comme employées de maison chez de riches familles libanaises pour un salaire de 100$ par mois. Durant ces quatre jours, le public pourra également débattre avec des militants qui se battent pour défendre les droits des exclus au Québec. Par exemple, des membres du FRAPRU (Front d’action populaire en réaménagement urbain) viendront parler des activités quotidiennes de leur association à l’occasion de la projection du documentaire Un toit, un droit, réalisé par le Collectif (…) Parenthèses.

Pour la programmation détaillée, consultez le site www.ffdpm.com.