Culture: Montréal-New York, même combat : Culture: Montréal-New York, même combat!
Selon Robin Keegan , consultante américaine en planification culturelle, Montréal et New York font face à des défis similaires pour maintenir leur statut de grands centres de culture et de créativité.
Comment mieux aider les artistes pour qu’ils trouvent en ville des lieux pour bien créer et bien vivre, plutôt que de les fuir? Comment soutenir les essentiels organismes sans but lucratif du secteur culturel pour qu’ils participent encore à l’effervescence urbaine? Comment financer des infrastructures culturelles? Comment favoriser la croissance d’entreprises culturelles au coeur de la cité? À l’heure où les budgets municipaux et gouvernementaux naviguent entre déficits accumulés et équilibre précaire, la culture en est trop souvent le parent pauvre.
Loin de s’apitoyer sur leur sort, les acteurs du milieu se mobilisent à New York comme à Montréal, où un sommet se prépare pour l’automne 2007. Vendredi dernier, le mouvement citoyen Culture Montréal tenait une journée de réflexion devant servir de "rampe de lancement" pour le sommet Montréal, métropole culturelle. Pour son président, Simon Brault, "l’heure est au pragmatisme et à l’action" et non plus à une "logique de consultation et de concertation à répétition". Benoît Labonté, élu de Montréal et responsable de la culture, est du même avis: "La culture, affirmait-il vendredi, est la force du Montréal actuel et futur"… Une ville qui "sera une métropole culturelle ou ne sera pas une métropole du tout".
L’exemple new-yorkais pourrait inspirer Montréal dans cette urgence d’agir pour éviter un effritement de son statut de métropole culturelle. Robin Keegan, consultante américaine en planification urbaine et culturelle et conférencière invitée par Culture Montréal, en est bien convaincue. Membre du Center for an Urban Future, elle a publié en décembre le rapport Creative New York, qui a eu l’effet d’une petite bombe dans les arènes municipales et même au-delà. Au point qu’une grande conférence, intitulée "Creative New York", aura lieu le 4 avril pour aller plus loin! Dans son rapport, Robin Keegan dresse d’abord un bilan inédit de la "création" new-yorkaise: plus de 300 000 personnes (dont 28 % de travailleurs autonomes) et près de 12 000 entreprises et organismes sans but lucratif composeraient ce secteur "économique" crucial de la métropole américaine. Leur rôle dans le développement économique a été largement sous-évalué, avance-t-elle. Avec le déclin des industries traditionnelles, les villes voudraient bien "utiliser leurs atouts artistiques et culturels pour revitaliser les centres-villes et les quartiers, retrouver la voie de la croissance économique", mais, prévient Robin Keegan, la réputation "culturelle" de grandes villes comme New York ou Montréal ne suffit pas pour y parvenir. Non plus que de miser seulement sur une hausse de subventions dans ce secteur.
Le plus important, selon elle, est de combattre avec force les pressions énormes que subit le milieu culturel (artistique ou industriel) dans ces métropoles. Le secteur culturel y est souvent "victime de son propre succès"… On se rue sur certains quartiers in, et le manque d’espaces de travail ou de logements à prix abordables pour les artistes, les studios de danse ou les compagnies de théâtre, devient un problème majeur. Et de citer le cas de promoteurs qui ont mis la main sur le front de mer new-yorkais: un vieux secteur industriel investi par des artistes, puis devenu à la mode et transformé en quartier commercial et résidentiel huppé, au point de faire fuir les artistes… Le même genre de spirale qui a atteint autrefois le Plateau et plus récemment notre canal Lachine. Pour empêcher l’escalade "foncière", Robin Keegan suggère de ne pas attendre avant de planifier "notre" développement culturel urbain, en veillant par exemple à empêcher la promotion immobilière sur certains bâtiments qu’on veut réserver au milieu culturel.
Revaloriser la culture impose, selon elle, qu’on mise d’abord sur les ressources locales existantes et qu’on réponde aux besoins de la communauté. Il faut aussi élaborer une vraie stratégie globale de développement culturel et des plans "centrés sur les individus" (qui stimulent l’inspiration créatrice). "La ville, ajoute-t-elle, devrait être perçue comme un incubateur, un laboratoire pour créateurs. Ce serait une erreur de croire que New York ou Montréal attireront toujours les talents et que la vie culturelle y sera toujours vibrante. La mondialisation de l’économie touche aussi la culture et les artistes, qui iront ailleurs si l’on ne répond pas à leurs besoins!"
À New York, le rapport de Robin Keegan a sonné l’alarme pour regrouper les énergies – municipales, industrielles ou artistiques – et préparer une stratégie d’ensemble pour le développement culturel, puisant aux meilleures pratiques existantes. Robin Keegan pousse l’idée londonienne d’un organisme fédérateur, regroupant tout le milieu culturel, les entreprises et associations du secteur pour "parler d’une seule voix", en toute connaissance des besoins de chacun, et pour mettre en place des programmes d’aide bien ciblés. Exactement le chemin qu’emprunte Culture Montréal! On souhaite qu’il ne soit pas encombré de nids de poule…