Société

Ennemi public #1 : Le département des plaintes, bis, bis, bis

Comme cette chronique se conjugue plus souvent qu’à son tour à la première personne, de nombreux lecteurs s’adressent directement à son auteur. Soit pour l’enguirlander, le féliciter, réclamer plus de rigueur de sa part, lui rappeler l’importance de la tribune dont il dispose parfois bien mal, ou encore pour lui dire qu’il écrit magnifiquement comme s’il s’agissait d’une routine de patin de fantaisie (ce sont presque toujours des filles), qu’il se prend pour plus intelligent qu’il ne l’est (autant de gars que de filles) ou qu’il devrait cesser, séance tenante, d’écrire n’importe quoi.

D’autres s’adressent au rédacteur en chef plutôt qu’au chroniqueur, espérant voir leur commentaire publié, leurs événements publicisés, ou, plus simplement, que l’on parle d’eux. Cela va de l’émule de Zamfir à la relationniste qui m’invite à une conférence de presse avec le ministre de l’Opportunisme – lire du Développement économique -, Raymond Bachand, au Cercle de la garnison.

En tout, cela fait au moins une centaine de courriels par jour. Je ne le dis pas pour me vanter, seulement pour que vous compreniez pourquoi je donne parfois l’impression de faire de la plongée en apnée juste au-dessus d’un abysse de débilité.

Comme maintenant, tiens, quand je lis ce courriel d’André M., qui écrivait pendant les Jeux de Turin: "Le jeune skieur acrobatique qui s’adonne aujourd’hui à cette compétition de "ski à bosses" aurait grand intérêt à consulter un orthopédiste avant d’augmenter cette pratique. L’épreuve des bosses me semble beaucoup trop violente pour les articulations sensibles du corps humain. Le nombre imposant d’opérations qui sont aujourd’hui nécessaires pour des hanches et des genoux devrait nous faire tous réfléchir, avant d’encourager ce sport très spécial qui, à l’instar de la boxe, peut très bien contribuer à détruire son homme plutôt qu’à le construire. (…) Il me semble que les responsables de notre santé devraient s’empresser de prévenir le public et ces jeunes athlètes."

C’est gentil de nous avertir comme cela. Merci. Mais vous oubliez d’autres pratiques sportives à risque. Avez-vous déjà entendu parler du "pétanque elbow"? Les bonhommes qui jouent du cochonnet devant l’Hôtel Belley savent bien de quoi je parle: tu pointes, tu tires, tu bois, tu pointes ou tu tires pis tu bois encore; bref, t’arrête pas de répéter les mêmes gestes, et au bout de quelques semaines à jouer chaque soir, non seulement t’es tout le temps un peu chaud, mais en plus, tu t’es complètement fucké le coude. Vraiment, comme vous le dites, où sont donc les responsables de notre santé quand on a besoin d’eux?

Blague à part, un ancien collègue m’écrivait l’autre jour pour me signifier une erreur plutôt bête dans un de mes textes récents. J’y parlais de jolis cumulonimbus. Mais voilà, écrit-il: "Un cumulonimbus, ce n’est pas les petits nuages cutes qui décorent un beau ciel ensoleillé, tu faisais référence à des cumulus… Un cumulonimbus, c’est l’aboutissement du beau petit cumulus, mais on a tout intérêt à s’en tenir loin car c’est le nuage qu’on voit lors d’un orage."

Merci P., je ne recommencerai plus, promis. D’autant que tu viens d’offrir un argument de plus à ma femme afin de prouver que je ne suis pas parfait. Salaud.

Toujours la perfection. À l’ASULF (Association pour le soutien et l’usage de la langue française), on a envoyé le message suivant à 1400 personnes (médias, organismes, syndicats…) pour les prévenir d’une chose grave: nous prononçons mal le titre du film de Jean-Marc Vallée qui a récolté les prix telle une moissonneuse-batteuse ces dernières semaines.

"Depuis un an, on parle du film "Crazy", mot que l’on prononce en anglais depuis son lancement. On fait comme si le titre du film était le mot anglais signifiant "fou". Il est vrai qu’il s’inspire du titre d’une chanson fétiche de l’un des personnages. Mais on a d’abord affaire à un titre formé de la première lettre des prénoms Christian, Raymond, Antoine, Zacharie et Yvan. (…)

Un redressement s’impose dans le cas du film C.R.A.Z.Y. (on peut prononcer "Crasi": c’est plus naturel et plus facile que "Krézé" pour un palais francophone). Si l’opération réussit, la société québécoise pourrait peut-être accorder à l’oeuvre et aux artisans qui l’ont réalisée une citation ou un mérite de plus, cette fois au titre de la défense et de l’illustration de la langue parlée."

Et si l’opération réussit, notez que ce sera aussi une victoire pour tous les enculeurs de mouches qui confondent respect de la langue et intégrisme. On les félicite d’avance.

ooo

Terminons sur une invitation. Le Salon du livre de Québec arrive à grands pas, et bien que je n’aime pas trop l’événement, tous les prétextes sont bons pour parler de bouquins. Aussi, j’aimerais que vous m’écriviez à propos de vos livres favoris, vieux ou flambant neufs, d’ici ou d’ailleurs. À moins que vous ne me citiez Le Survenant, je ne me moquerai pas, juré. Vous pouvez m’écrire à [email protected] ou soumettez vos commentaires en réagissant au présent article.

Aussi, ne lésinez pas sur les détails. Vous pouvez même m’en citer un bout. On se fera une petite chronique littéraire collective, vous voulez bien?