La Chambre no 13 : Chambre avec vues
La Chambre no 13, dont le premier épisode était diffusé lundi dernier à Radio-Canada, affirme une singularité hors du commun. Par son concept, ses artisans, son lieu de tournage.
"On remarquait une émergence dans le cinéma québécois, évoque Richard Angers, coproducteur et réalisateur-coordonnateur de La Chambre no 13. Et on avait le goût de créer un concept autour duquel plusieurs auteurs et réalisateurs pourraient se greffer." C’est ainsi qu’ils imaginèrent une série ayant pour pivot une chambre d’hôtel capable d’influencer le destin des gens. "Ça permet à chacun d’amener ses personnages, son histoire", fait-il valoir, avant de préciser que le thème n’y est toutefois pas abordé sous l’angle de la fatalité, mais plutôt sous celui de l’inattendu: "Dans l’imaginaire québécois, le chiffre 13, c’est la malchance, mais quand on fouille un peu, dans la kabbale, la numérologie, le tarot, on s’aperçoit qu’il représente la transformation, le passage d’un état à un autre."
Un principe régissant d’ailleurs le projet dans son ensemble, alors que, de semaine en semaine, Louis Bélanger (Gaz Bar Blues), Louis Choquette (Secret de banlieue) – avec Frédéric Ouellet au scénario (Grande Ourse) -, Philippe Gagnon (Premier juillet, le film), Julie Hivon (Crème glacée, chocolat…), Kim Nguyen (Le Marais), Jean-François Rivard (Les Invincibles), Éric Tessier – avec Patrick Senécal au scénario (Sur le seuil) – et Ricardo Trogi (Horloge biologique) se relaient à la réalisation sans avoir vu les autres épisodes. "On cherchait des signatures, c’est-à-dire qu’on voulait des gens avec un imaginaire très particulier, énonce-t-il. Et c’était important pour nous que chacun puisse amener son propre style à l’écran."
RÔLE-CLÉ
N’empêche, ils devaient trouver un moyen de relier le tout de manière concluante, non seulement sur le plan de la forme, grâce à une équipe constante, mais aussi sur celui de l’intrigue. "Il fallait, dans les règles du jeu, que leurs personnages croisent l’hôtelier, explique-t-il. Dans chaque épisode, il choisit la personne à qui il donne la clé de cette chambre. Parce que lui est conscient qu’elle transforme le destin, et il fait des expériences avec ça…"
Ce rôle essentiel, pour lequel il cherchait "une voix très forte, parce que c’est un personnage narratif, philosophe", de même que "quelqu’un qui serait imposant à l’écran, mais plein d’intériorité", c’est à Pierre Lebeau qu’il revient. "Moi, mon travail, c’était de garder une forme de constance, observe le comédien. Et Richard était toujours sur le plateau, de façon à ce que la série n’aille pas dans tous les sens. Parce que, dans certains épisodes, c’est vraiment humoristique, alors que, dans d’autres, c’est dramatique." "Il fallait qu’il soit juste assez malléable pour laisser transparaître le ton de chacun, tout en gardant un ancrage très solide, renchérit le réalisateur. Alors il se situe souvent dans une zone grise, un peu ambiguë. On laisse planer un certain mystère sur ce qu’il est vraiment…"
Pour l’acteur, il s’agissait par ailleurs d’une belle occasion de voir de très près les particularités d’approche de chacun des réalisateurs et de côtoyer différents comédiens (31 en tout!), dont plusieurs issus de la région de Québec et qu’on ne voit malheureusement pas assez souvent au petit écran, selon lui.
CAPITALE DE RISQUE
En ce domaine, La Chambre no 13, entièrement produite dans la Vieille Capitale, fait du reste figure d’exception. "Un des grands attraits de tourner à Québec, c’est qu’aussi étrange que ça puisse paraître, c’est très exotique dans le paysage télévisuel", commente Richard Angers. Pour sa coproductrice, Geneviève Lavoie, il serait cependant souhaitable de renverser cette tendance. "Une ville où les jeunes ne peuvent pas rêver de participer à l’effervescence culturelle et d’où ils sont obligés de s’expatrier, tout le monde sur la même île, je trouve que ça n’a pas d’allure. Ça fait une métropole où il se passe plein de choses, mais quand tu sors de là, c’est mort, déplore-t-elle. Ça prend des idées, des scénaristes, des créateurs, et ça prend des producteurs…" "Des gens qui osent", complète son associé.
Dans cette perspective, la série amène un vent d’espoir. "La conclusion de tout ça, c’est que c’est possible", résume-t-il. "Je ne veux pas jouer au devin, lance pour sa part Pierre Lebeau, mais j’ai l’impression que ça va faire boule de neige." Pour Christian Michaud, comédien de Québec qu’on a pu voir dans le premier épisode, c’est en effet assez encourageant. "Il y a plusieurs de mes amis qui sont partis pour aller faire de la télé et du cinéma à Montréal, mais ça ne leur tentait pas, constate-t-il. Quand on a su qu’il y aurait cette série, tout le monde avait envie d’y être. C’est une super belle chance! Et j’espère que des producteurs vont voir ça et constater qu’il y a du potentiel à Québec, autant du côté des lieux que des comédiens et des techniciens… J’espère qu’il va y en avoir d’autres." Cela, seul l’avenir nous le dira. Pour l’instant, c’est au public de trancher.