L'Opinion du monde : Ce qu'en pense le monde
Société

L’Opinion du monde : Ce qu’en pense le monde

L’Opinion du monde est la plus vaste enquête jamais réalisée. Près de 54 000 habitants de la Terre, provenant de 68 pays et dispersés sur cinq continents, se sont exprimés sur les enjeux de l’heure. Échos du village global.

Les intervieweurs de la firme Gallup International Association n’ont pas lésiné sur les moyens afin de tâter le pouls du globe. De la savane africaine jusqu’au Grand Nord canadien, ils ont posé une foule de questions sur la démocratie, l’immigration, la religion, le bénévolat. Les résultats de ce sondage colossal (Voice of the People) sont pour la première fois publiés dans un livre, L’Opinion du monde 2006. Un ouvrage touffu, mais accessible; un panoramique des idées qui circulent aux quatre coins de la planète.

"C’est un peu un complément à l’État du monde", dit Jean-Marc Léger, président de la maison de sondage Léger Marketing et représentant canadien de Gallup. Or, cet ouvrage nous apprend des choses parfois surprenantes. Aux États-Unis par exemple, presque deux répondants sur dix ont dit ne pas avoir mangé à leur faim au cours des 12 derniers mois. Une donnée embarrassante pour la première puissance mondiale. C’est tout de même 4 % de plus qu’au Sénégal!

LA PAUVRETÉ: NON

Pour le citoyen du monde, le plus grand problème à l’heure actuelle est l’écart grandissant entre les riches et les pauvres (26 %). Le terrorisme arrive en deuxième position (12 %).

Fait curieux: les problèmes environnementaux ne sont prioritaires que pour 6 % de la population mondiale. Ils sont moins préoccupants que le chômage, les guerres et les problèmes économiques. "Les répondants ne devaient faire qu’un seul choix, dit Jean-Marc Léger. C’est donc 6 % de gens qui sont préoccupés en premier par l’environnement. Évidemment, si l’on tient compte du fait que 49 % de la population de l’Afrique subsaharienne, par exemple, vit avec moins de un dollar par jour, on ne peut pas demander à ces personnes de se préoccuper de l’environnement. Ce sont les pays riches qui placent l’environnement à des taux plus élevés."

LA DÉMOCRATIE: OUI, MAIS…

La vaste majorité de la population mondiale s’entend pour dire que la démocratie est le meilleur système qui soit. Du moins, en principe. Car en pratique, à peine 30 % des Terriens estiment que leur pays est gouverné selon la volonté du peuple (la base de la démocratie). "Curieusement, dans certains pays d’Afrique où les élections ne sont pas libres du tout, les habitants ont néanmoins l’impression que leurs dirigeants agissent selon la volonté de la population, souligne Jean-Marc Léger. Parfois même plus que dans certains pays où les gouvernements ont été dûment élus! Cela nous force à nous poser des questions sur la démocratie. Est-ce uniquement le geste de voter tous les quatre ans?"

Ces statistiques sur la démocratie camouflent toutefois une donnée. "Quand on réussit à faire un sondage dans un pays, dit Jean-Marc Léger, c’est parce qu’il est suffisamment ouvert et démocratique." Or, au moins deux humains sur dix n’ont toujours pas le droit de livrer leur opinion. Et j’ai nommé: les Chinois.

L’enquête ne tient pas compte de la Chine, seulement de Hong Kong. La raison est d’abord structurelle: Gallup n’a pas d’antenne dans l’Empire du Milieu. Mais ce n’est pas tout. "Il est impossible de poser des questions sociales aux Chinois, explique Jean-Marc Léger. Je peux leur demander si la pinte de lait devrait être de deux litres ou de un litre, mais il m’est interdit de solliciter leur opinion sur l’avortement, la peine de mort, l’environnement ou le terrorisme."

Cette enquête, bien que vaste, a donc ses limites. "Dans certains pays, comme le Viêt Nam ou l’Égypte, nous n’avons pas pu poser des questions sur la perception qu’a la population de ses dirigeants", dit Jean-Marc Léger. Ce sondage exprime en fait l’opinion d’environ 1,3 milliard d’humains.

Jean-Marc Léger soutient malgré tout que la "valeur statistique" de cette enquête est bonne, que les opinions exprimées sont fidèles à celles de la planète. "Si la Chine avait été sondée, dit-il, cela n’aurait pas forcément changé les données globales en ce qui concerne la démocratie, par exemple. D’autres pays très démocratiques, comme le Brésil, n’ont pas non plus été sondés et auraient pu contrebalancer les résultats obtenus en Chine."

Malgré des lacunes, L’Opinion du monde 2006 demeure un outil pratique pour les universitaires, les décideurs, mais aussi le grand public. Car qui peut, à l’ère de la mondialisation, ignorer l’avis de la planète?

L’Opinion du monde 2006, Éd. Transcontinental, 192 p.