Société

Ennemi public #1 : Le sacré, l’amoral et le sein des seins

On touche ici au sacré. Non pas parce qu’il s’agit de religion, de foi, mais plutôt parce qu’il est question de l’enfance, de la maladie, du handicap. Et surtout du rêve, tellement sublime quand c’est un mioche qui vous le décroche.

On touche ici au sacré, et c’est pour cela que presque tout le monde ferme sa gueule et prend un air attendri en se disant qu’il est tout de même mignon, le petit Jérémy.

On touche ici au sacré, je le répète encore, parce que tous ceux qui en profitent ne le savent que trop bien. Il savent que cela muselle la critique, peureuse de se montrer insensible devant le merveilleux, devant le miracle de la vie.

Le diocèse de Québec sait bien, par exemple, qu’on peut varloper la religion, l’Église, et que cela ne risque d’irriter qu’une ou deux grenouilles de bénitier et les freaks de l’Opus Dei. Mais les enfants: oh là! On touche pas à ça. Surtout quand ils sont malades, et qu’ils sont innocents. Ce serait juste… universellement mal.

Mais vous croyez peut-être que le cardinal Ouellet a pistonné le petit gars auprès du pape en bon chrétien? Et vous croyez sans doute que le prochain rêve du petit Grégory, qui est d’évangéliser des peuples impies, c’est son rêve à lui, qu’il a imaginé cela tout seul, qu’un voyage à Rome en compagnie d’un chapelet d’évêques et de cardinaux n’a rien à y voir? Vous croyez aussi que c’est par bonté de coeur que le diocèse de Québec s’occupe des relations de presse du petit Anthony, nous envoyant par courriel l’heure de son arrivée à l’aéroport, ainsi que le numéro de téléphone de son gérant, auquel on rend, nous dit-on, cet aimable service de le relayer alors qu’il se précipite vers le tarmac?

Votre naïveté est presque aussi touchante que celle du petit Barthélémy.

Elle profite d’ailleurs au réseau TVA et à toutes les filiales médiatiques de Quebecor, qui savent eux aussi que l’on touche ici au sacré. Sinon, ils n’auraient jamais contribué à réaliser ce rêve. Et par réaliser, j’entends aussi son sens médiatique. Comme dans: on réalise une émission, on investit, on négocie une entente d’exclusivité, on paye pour le voyage en calculant les éventuels bénéfices, on mousse le truc en usant habilement de la convergence et on récolte le fric.

Ils savent qu’on touche au sacré, et que cela leur permet les pires bassesses, les plus détestables entorses à l’éthique, puisque cela contribue à réaliser un rêve. Ils savent qu’ils font d’une pierre deux coups, et allègent ainsi leur conscience. Car ils n’exploitent pas seulement, ils aident aussi.

Si vous voulez, la morale ambiante leur permet d’être amoraux en toute quiétude.

Sauf qu’en réalité, il n’y a pas de miracle ni de rêve. Il y a un petit garçon bien intentionné que l’on utilise comme posterboy de la chrétienté, et comme appât pour les cotes d’écoute et la vente de journaux. Le rêve est truqué, arrangé du début à la fin, patenté pour servir les intérêts du clergé local et d’un empire médiatique.

Et les parents? Gageons qu’on n’a pas manqué de rappeler à leur souvenir le conte de fées d’un vilain petit canard qui a chanté pour le pape, un jour, et qui a aujourd’hui une salle juste pour elle dans un casino de Vegas.

C’est drôle, toute cette histoire me rappelle justement un passage de l’Évangile. Ben quoi, faut bien que six ans de catéchisme servent à quelque chose, non?

Ce passage, il me semble, provient du livre de saint Jean, mais je n’en suis pas tout à fait sûr. Ce dont je suis certain, par ailleurs, c’est que cette histoire pose les bases de l’intégrité de la religion chrétienne, et de la sincérité morale qui va avec.

Cette histoire, c’est celle de Jésus chassant les marchands du temple.

Il faudrait peut-être la relire au Cardinal, puisqu’il semble que sa dogmatique mémoire lui fasse momentanément défaut.

ooo

Un peu beaucoup de légèreté, maintenant. Parce que c’est presque l’été.

Un été qui, en mai, arrive par petites injections. Mesurées, quantifiées. Comme s’il s’agissait d’une drogue dure à ne s’administrer qu’avec parcimonie pour éviter l’overdose.

C’est une posologie que la saison applique surtout pour les garçons, sensibles que nous sommes à la beauté des corps qui se dénudent au gré de la météo. Des pattes qui apparaissent de sous les jupes qui virevoltent dans le vent chaud. Des seins qui dansent un peu quand les filles traversent la rue en courant. Dans des camisoles, la partie du haut, visible, se trémousse comme le ventre d’une danseuse dans les mauvais restaurants moyen-orientaux.

À ce sujet, je lisais ce matin dans le journal qu’une étude absolument sérieuse avait observé le mouvement effectué par les seins pendant la course à pied. Ils se balancent en suivant une trajectoire "en forme de huit", et "se déplacent de quelques centimètres à chaque pas", dit l’article. Ce que n’importe quel obsédé du téton aurait pu vous dire. Ce que je ne savais pas, c’est qu’une femme dont la poitrine est de taille moyenne et qui court 1,6 km (1 mille) fait parcourir à ses seins pas moins de 135 m.

Leçon de vie estivale: rien ne sert de courir trop loin pour atteindre une paire de ces mirobolantes glandes mammaires, puisque plus vous faites de millage, plus elles prennent de l’avance sur vous.