Pop Culture : Signe de vie
Société

Pop Culture : Signe de vie

Ils sont de retour à la maison après une dure journée de labeur, devenue insupportable par la chaleur. Une fois le barbecue éteint, il ira creuser encore un peu plus le coussin du sofa. Elle le rejoindra et, bien en croûte, ils mijoteront encore toute la soirée dans leur routine, à l’aise dans cette satisfaction béate qui ferme les yeux, et qui endort.

À tous les pantouflards ou aux gueulards de la région, vous qui avez tendance à croire qu’il n’y a rien de mieux à faire que de ne rien faire à la maison, qui croyez que le show est toujours meilleur dans la salle de spectacle du voisin, qui n’avez la satisfaction creuse qu’au bout d’une télécommande… Je dis: "Sortez".

Bon, d’accord. Je suis moi-même un adepte de la pantoufle, promu chevalier de la farniente depuis belle lurette, même si je n’ai plus tellement le temps de me consacrer à ce plaisir coupable. Alors reprenons à la première personne: "Sortons."

Tout ce temps que nous perdons à nous mirer devant un écran plat qui n’arrive à nous renvoyer que quelque grossier reflet de nous-mêmes. Quelques traits gras au fusain, un dessin salissant…

Il me semble qu’il y a des limites à se vautrer dans son cocon. Il existe tellement d’autres façons de se donner l’impression d’exister…

Ranger nos pantoufles, ou mieux, les sortir de la maison, les faire voyager. Détourner la voix de Félix, chanter "Moi, mes pantoufles…".

Pourquoi ne pas écrire à la craie de longs poèmes sur l’asphalte des rues? Ou des romans, pourquoi pas? Recoudre, tous ensemble accroupis sur le bitume, un cadavre exquis nouveau genre.

Se donner rendez-vous, ni chez vous ni chez nous. Mieux: chercher à se rencontrer au détour, sans prévoir de chemin, ni de destination. Simplement, se voir. Sourire. Se serrer la main et se parler.

Je rêve du jour faste où chacun aura son superbe parapluie, unique et coloré. Ainsi, même lors des jours de pluie – oui, nous avons été gâtés – sur les trottoirs d’Alma et de Saguenay, sur la Saint-Joseph, la Saint-Dominique et la Racine, nous déambulerons malgré la grisaille sous un fouillis iridescent.

Qu’on se le tienne pour dit, il y a une kyrielle d’activités possibles, et si elles ne sont pas organisées, il suffit de le faire soi-même. Cesser d’attendre, et proposer. Même s’il y a déjà trop d’occasions pour un seul homme: témoin privilégié de la vie culturelle de la région, j’en ai la preuve à chacune des semaines qui s’enfilent sur le modeste chapelet de ma vie.

À l’Auberge Île-du-Repos. À la Pyramide des Ha! Ha!. À la Zone portuaire. Dans les bars, sur les terrasses. Dans les musées et les centres d’interprétation – non, ce n’est pas seulement pour les touristes… Il y a aussi tous ces "petits" festivals parsemés partout sur le territoire, dont le Festirame, le festival western de Dolbeau-Mistassini…

Roger Hodgson chantera différents succès de Supertramp au Théâtre du Palais municipal.

Plutôt avant-gardistes? Il y a vernissage des oeuvres de Jocelyn Robert à la Galerie Séquence, le 29 juin à 16h. Plutôt nostalgiques? Roger Hodgson (Supertramp) sera au Théâtre du Palais municipal le 30 juin. Un peu de reggae vous ferait du bien? Le One Night Band sillonnera le Saguenay-Lac-Saint-Jean pour une tournée de deux semaines! Et pour tous les amateurs de musique populaire, je n’ai pas encore parlé de Jonquière en Musique… Notre calendrier déborde d’activités! Rien ne se fait? Rien ne se crée? Travestissons l’adage: les insatisfaits auront toujours tort. Qui peut se vanter d’avoir tout essayé?

Le One Night Band passera entre autres au Bistro de l’Anse, au Bar Chez le Diable, au Café du clocher, au Bistro Victoria et au Vox Populi.

Ma dernière chronique m’obligeait à prendre conscience que, même en risquant d’être déçu, il fallait tout de même tenter l’aventure de la littérature. Ce qui était vrai pour la lecture l’est tout autant pour les spectacles et les expositions. Il faut se mettre en appétit, se tremper les lèvres. Peut-être que ce sera amer. Ou trop sucré. Mais peut-être aussi n’aurons-nous jamais rien goûté d’aussi bon.

Pour ne pas s’ankyloser ni se dessécher, il faut peut-être savoir être égoïste… Accepter de se faire plaisir… On peut rêver de changer le monde – il faut y rêver, dis-je. Mais charité bien ordonnée commence par ces joies toutes simples que nous nous permettons de vivre. Revendiquer le droit de penser à soi avant son prochain? Pas vraiment, parce que s’adonner à quelque jouissance culturelle, c’est aussi très souvent contribuer à l’essor de ce milieu. Que nous soyons organisateurs, diffuseurs ou spectateurs, chaque geste est un signe de vie, une preuve de vitalité.

Et si vraiment la paresse leur fait plus envie – il y a des jours comme ça -, ils sortiront tout de même leurs pantoufles, qu’elles reposent dans l’herbe plutôt que sur la moquette. Qui sait, peut-être vivront-ils cet événement quasi extatique qu’ils n’attendaient plus, prisonniers de leur sofa…