Pop Culture : Un jeu dangereux
Société

Pop Culture : Un jeu dangereux

Ils se démènent comme dans l’eau bénite, ces pauvres diables. Des heures de travail pour produire un spectacle attendent toujours ces simples soldats qui répètent les mêmes efforts, et qui arrivent à concentrer la même énergie, année après année, afin d’avancer sur l’un des fronts les moins conviviaux.

L’un des problèmes les plus marqués du théâtre est financier. Comme depuis toujours, les amateurs ne paient pas au service, mais à la confiance. Ça allait toujours quand un Molière bénéficiait de l’assentiment royal – et encore, nous connaissons les problèmes que ce pondeur de classiques a dû vivre. Mais à notre époque de méfiance, alors que tout est calculé, puis évalué en fonction des profits rapportés, le théâtre trouve difficilement sa place. Chaque troupe dépend de ses productions passées, de ses succès ou de ses échecs, mais aussi du travail des autres artisans de la scène. Car un nouveau spectateur déçu par sa première expérience n’accordera probablement pas sa confiance à une production subséquente.

Heureusement, il y a toujours quelque philanthrope qui contribue au développement de l’art – des commerces, entre autres, qui perçoivent la vie culturelle autrement que comme un caprice ou une extravagance. Lorsque vous ouvrirez le programme de la soirée, la prochaine fois que vous irez au théâtre, portez une attention particulière à ces bienfaiteurs dont le logo meuble le prospectus. Je ne vous dirai pas d’aller acheter chez eux, vous ferez bien ce que vous voulez de votre argent… Par contre, si vous êtes de passage, je vous invite à simplement leur dire merci. Qu’ils sachent qu’au-delà de la publicité qu’ils peuvent se faire, ils gagnent aussi – peut-être surtout – sur le plan de la réputation. Parce qu’au-delà des bienfaits qu’ils peuvent nous offrir directement lorsque nous requérons leurs services, ils contribuent à notre qualité de vie en revitalisant la culture régionale, ce qui est primordial.

Confrontées à des considérations financières fâcheuses, plusieurs productions théâtrales doivent se contenter de peu pour arriver à nous séduire. La pièce Ceci n’est pas une pipe, produite par Josée Gagnon, ayant alors partagé la scène avec Patrice Leblanc, avait, sur ce plan, admirablement bien réussi son pari.

C’est aussi le cas du Théâtre du Faux Coffre, qui doit sa naissance à la collaboration inespérée d’un mécène. C’est un défi de chaque instant pour cette jeune compagnie de théâtre, mais ses créateurs étaient conscients de la difficulté. Ils se sont d’ailleurs donné le mandat de "faire des spectacles à la mesure de [leurs] moyens pour assurer [leur] durabilité".

Pour assurer un peu plus de faste à leur prochaine production, ils cherchent maintenant à s’adjoindre des partenaires commerciaux, auxquels ils proposent une alliance qui fera froncer bien des sourcils… Leur prochaine pièce, qui s’intitule déjà En attendant l’dégât d’eau, est prévue pour la fin de l’été. À l’image de la publicité insidieuse qui est intégrée à certains films, ils offrent de mettre le texte de leur pièce au service de quelque produit, à condition qu’en soit payé le prix. Le danger de ce jeu, d’être associés à quelque putasserie ou de devoir se vautrer obséquieusement dans un univers duquel le théâtre ose peu s’approcher en général, ne semble pas les inquiéter outre mesure. De toute façon, rien de mieux qu’une décision controversée pour stimuler le débat et peut-être – qui sait – faire avancer les choses…

Si spontanément cette nouvelle m’a fait sourciller, après mûre réflexion, je me dis: pourquoi pas? Les fameux clowns noirs nous ont déjà montré qu’ils sont capables de réinventer le théâtre, à leur façon. Et quand on veut vivre de notre passion, tous les moyens sont bons!

ooo

Dans un tout autre ordre d’idées, voyez sur le blogue Saguenay/Alma: À perte de vue mes critiques des spectacles Entre-deux, Expressio et Pique-nique en campagne.

ooo

DÉRACINEMENT

Même si l’autogare a fait peau neuve, il n’est toujours pas très agréable de s’y retrouver. C’est que le problème est plus profond…

Si vous allez sur la Racine le vendredi soir, au cours des prochaines semaines, il se pourrait bien que vous soyez un peu dépaysés… Les 14, 21 et 28 juillet, ainsi que le 11 août, de 19h à 23h, la partie haute de la rue Racine sera réservée aux piétons. Plusieurs spectacles sont à prévoir, mais aussi des amuseurs publics – cracheurs de feu, unicyclistes – et les commerçants envahiront le trottoir pour tenter de vous séduire.

Il faudra donc se résigner à stationner sa voiture à l’autogare, dont la réfection n’a eu d’effet bénéfique que de très loin. De l’intérieur, toujours ces graffitis obscènes, et le béton malodorant des escaliers, suintant l’urine de quelque ivrogne s’étant délesté de ses fluides superflus… Mais l’important, c’est que les touristes trouvent ça beau, Saguenay, lorsqu’ils marchent sur le Vieux Port!