Pop Culture : C’est pas parce qu’on est petit…
…qu’on ne peut pas faire grand.
C’est dans le sang des gens d’ici. Ils sont venus abattre les plus gros arbres, construire les plus gros barrages de l’époque. Ils ont défriché et cultivé les terres les moins hospitalières. Ils ont littéralement ouvert le Nord, au prix de leurs larmes, au prix de leur sang.
C’est dans l’eau, peut-être. C’est bien connu, et ils sont nombreux à s’en gargariser depuis quelques jours. C’est ici qu’on a vécu l’un des plus grands déluges. Mais c’est aussi les traversées du lac Saint-Jean, et les promesses d’un fjord que certains voudraient bien voir chatouillé par d’immenses bateaux de croisière. Que l’on soit d’accord ou non, l’argument est le même: c’est gros.
C’est dans l’air. C’est dans les rythmes du Festival international des rythmes du monde, ceux du Festirame, de Jonquière en musique. Ce sont les grands spectacles de QuébecIssime, qui s’expatrient à qui mieux mieux, pour séduire le public et le ramener dans le coin. C’est le Ecce Mundo des Farandoles qui attire un nombre impressionnant de touristes. Tout ça fait partie de l’histoire fabuleuse d’un royaume: le nôtre.
Certains bien-pensants de la culture régionale ont la gâchette facile lorsqu’il s’agit de critiquer les spectacles à grand déploiement qui ont bourgeonné dans la région et qui ont aujourd’hui des échos partout au Québec. C’est lorsque j’ai rencontré Ghislain Bouchard, créateur de la Fabuleuse, au hasard des entrevues que je devais accomplir pendant l’année, que ma perception du phénomène s’est transformée. Son verbe chargé de fougue et de passion… Ces premières années où le show a impressionné jusqu’en Europe, alors que toute la production y avait été déménagée pour quelques spectacles mémorables…
Alors quand on m’a invité cette année à prendre place parmi les spectateurs de la première de la Fabuleuse Histoire d’un Royaume, j’ai accepté volontiers. C’est ridicule, mais je n’y avais jamais encore assisté. J’avais bien eu quelques commentaires, mais rarement dithyrambiques, et je n’avais jamais donné sa chance au coureur.
Voilà. J’étais assis dans une salle bondée, encore tout vierge, ouvert et en même temps craintif. Sans attentes, j’avais cette attitude un peu mièvre de celui qui s’est laissé convaincre.
Eh bien, on s’en surprendra peut-être, mais j’ai été profondément touché – j’ai même caché quelques larmes. Parce que j’ai vu 200 citoyens de La Baie rendre un superbe hommage à leurs ancêtres. Pas des comédiens, mais de vraies bonnes gens, rassemblées dans un projet commun et qui osent participer à cette célébration par excellence de la force de nos racines.
Je ne louangerai pas outre mesure la Fabuleuse. C’est vrai que la narration est parfois un peu dérangeante. Peut-être a-t-on le droit de reprocher à la production de n’avoir pas su se renouveler. On nous promet des changements importants pour l’an prochain. Mais d’ici là, je suis bien content d’être allé voir ce que les gens de La Baie réussissent à faire. Si toutes les communautés du Québec étaient aussi fières, notre culture se porterait sans doute mieux.