Cinéma du Parc : L’autre cinéma
Quand le rideau tombera ce jeudi sur le Cinéma du Parc, resteront les souvenirs. Que deviendront les autres "autres" cinémas?
Après la projection d’Eraserhead ce soir, il faudra peut-être bien s’effacer de la tête le cinéma souterrain de l’avenue du Parc. Car, rappelons-le pour ceux qui viennent d’arriver en ville, le Groupe Daniel Langlois a annoncé le 4 juillet qu’il arrêtait de gérer le Cinéma du Parc à partir de cette semaine pour cause de "baisse significative de la fréquentation", pouvait-on lire dans le communiqué émis sur le site Web du Cinéma.
Il y a tout de même un peu d’espoir dans l’air. Le Cinéma du Parc pourrait annoncer dès la mi-août qu’il passe le flambeau à un acheteur prêt à conserver l’esprit des lieux. "Quand on a annoncé que le Cinéma fermait ses portes, l’idée était d’attirer d’autres groupes. On a reçu différentes propositions, dont une qui respecte la mission du Cinéma du Parc, indique Sylvie Deslauriers, porte-parole du Groupe. Les négociations vont bon train. Le principal intéressé s’organise présentement avec des partenaires financiers."
Car il est bien question encore une fois de sous quand il s’agit de la diffusion du septième art. En décembre 2000, Daniel Langlois rachète le cinéma de Don Lobel avec l’idée "de le rendre opérationnel". Il éponge les dettes et investit l’année suivante plus d’un demi-million dans la rénovation des trois salles. Le Cinéma atteint sa rentabilité dès la première année, la maintient les deux suivantes, mais fonctionne à perte depuis 2005. "Il a réduit au minimum le personnel", ajoute Don Lobel, qui a été l’un des programmateurs jusqu’à son licenciement en février 2006. Et si aujourd’hui c’est la fin des courses pour le Cinéma du Parc, c’est que sont survenus "des changements importants dans le partage du marché à Montréal", peut-on lire dans le communiqué.
On a pointé du doigt l’AMC Forum qui projette sur quelques-uns de ses 22 écrans des films de répertoire, d’auteurs, indépendants, et en version originale; bref, des films d’art et d’essai. "C’était devenu impossible avec ces énormes compétiteurs et puis il y a aussi un million d’autres choses. Dans les années 80, il n’y avait ni le piratage sur Internet, ni les canaux spécialisés, ni le câble", explique Don Lobel. Sans oublier le délai de plus en plus court entre la sortie en salle et la sortie en DVD, l’émergence des cinémas maison, le manque de temps libre, etc.
L’AVENIR A-T-IL UN AVENIR?
Dans ce contexte, les quelques cinémas d’art et d’essai tentent de concilier survie financière et programmation de qualité. "Quand j’ai racheté l’ancien Dauphin il y a cinq ans, ç’a été toute une aventure car il y avait une longue liste de choses à faire pour garder le cinéma en vie. Aujourd’hui encore, on y va goutte à goutte, confie Mario Fortin, directeur général du Beaubien, dernier cinéma de quartier à Montréal. Par exemple, on a englouti les profits de l’année dernière dans la nouvelle climatisation. Certaines personnes se plaignent des sièges, mais c’est qu’on n’a tout simplement pas d’argent pour les remplacer."
À Ex-Centris, comme ailleurs, l’éternel défi réside dans le choix d’une programmation qui saura attirer le public. "Le cinéma d’auteur est plus pointu, car généralement venant d’une autre culture. C’est pourquoi il faut faire alterner des cinéastes connus, comme Woody Allen, et d’autres moins connus, comme Stéphane Brizé, qui a récemment causé une belle surprise, précise Marie-Christine Picard, programmatrice. On est rentable, mais c’est plus difficile ces derniers mois. On arrive pile-poil. Le cinéma Parallèle marche bien, la clientèle est là, mais les jeunes sont moins là."
Si, au Beaubien et à Ex-Centris, on s’entend pour dire que le Cinéma du Parc est victime du cycle naturel de vieillissement et de renaissance des cinémas, Mario Fortin croit que le cinéma de répertoire est voué à une longue vie. "L’homme est un animal de meute qui aime s’asseoir autour du feu, voir un chaman faire des ombres et l’entendre raconter des histoires qui font rire ou pleurer", conclut celui qui a présidé l’Association des propriétaires de cinémas et de ciné-parcs du Québec.
HOLLYWOOD, P.Q.
Si le cinéma d’art et d’essai ne fait pas courir les foules, est-ce parce que l’offre n’est pas assez diversifiée ou parce que la demande n’est tout simplement pas là? Il n’en demeure pas moins que les multiplex et les petits cinémas ont enregistré 90 % et 5 % respectivement des admissions en 2004-2005, selon une récente enquête de Statistique Canada. À la suite d’une compilation maison des cinémas sur le territoire de diffusion de Voir Montréal, il appert que 54 cinémas et ciné-parcs présentent quotidiennement des films hollywoodiens sur 512 écrans. Les films américains occupaient 85 % du "temps-écran", même s’ils ne représentaient que moins de la moitié des sorties en salle, d’après les chiffres de 2004 de Téléfilm Canada.
"Les distributeurs de Toronto font pression sur les salles pour qu’elles programment les films sortis d’Hollywood, sinon ils menacent de les boycotter", explique Louis Dussault, président de K-Films Amérique, une maison qui distribue des films étrangers au Québec.