Université de Sherbrooke : L’UdeS contre le crime économique
L’Université de Sherbrooke offre le seul programme francophone en Amérique du Nord consacré à la lutte contre les crimes financiers. Entretien avec le responsable de cette formation, Michel Picard, qui remarque que la réalité dépasse parfois la fiction.
Diffusée sur les ondes du réseau TVA l’hiver dernier, la série Un homme mort, qui avait pour toile de fond le milieu bancaire et les malversations d’un groupe de puissants criminels financiers, pourrait certainement être le reflet de fraudes réelles. "La moindre idée que vous avez, si elle n’est pas déjà faite, peut se faire. On n’invente rien", affirme Michel Picard. Selon lui, l’explosion technologique et la multiplication des échanges internationaux ont entraîné la démocratisation des délits économiques. "Plus de gens ont accès aux techniques qui leur permettent de commettre ce genre de crimes. Je n’ai pas l’impression qu’il y en a plus, mais ils se sont raffinés."
Depuis l’époque d’Al Capone, ils sont également davantage médiatisés. Le scandale financier Enron, qui a eu un impact socioéconomique majeur aux États-Unis, défraie encore sporadiquement les manchettes. Plus près de nous, l’affaire Norbourg a déjà fait couler beaucoup d’encre, et ce n’est pas terminé. "Plus de 9000 investisseurs ont été touchés. Certains retraités ont dû réintégrer le marché du travail parce qu’ils ont perdu leurs économies", explique Michel Picard, qui soutient par ailleurs que la criminalité financière affecte l’ensemble de la société.
FORMATION EXCLUSIVE
La Conférence internationale sur le blanchiment d’argent, qui a eu lieu à Montréal en octobre 2001, réunissant quelque 650 participants originaires de plus de 40 pays, a mené à un constat unanime: "Tous déploraient l’absence de formation en matière de criminalité financière." C’est ce qui a convaincu Michel Picard de la nécessité de mettre sur pied un programme dédié à la lutte contre les délits économiques. La formation, exclusive à l’Université de Sherbrooke, a débuté en 2004 au campus de Longueuil avec la création d’un groupe-pilote. "C’était pratiquement sur invitation. Nous avons réuni des experts, des enquêteurs de la GRC qui ont une grande expérience sur le terrain. Les professeurs ont été minutieusement évalués, ce qui nous a permis de nous assurer que le contenu répond aux besoins de façon très réaliste. Nous arrivons donc avec un produit bien testé, bien rodé et bien huilé."
Le corps professoral est composé d’experts issus du marché financier et de praticiens spécialisés dans le domaine du blanchiment d’argent et des produits de la criminalité. Ces derniers privilégient l’aspect pratique plutôt que la théorie. "Il n’est pas question de faire de l’histoire. L’objectif est de faire bien comprendre la mécanique d’une transaction normale afin de pouvoir déceler les indicateurs de fraude." Le diplôme de 2e cycle de lutte contre la criminalité financière s’adresse particulièrement à des juristes, comptables, professionnels des services financiers, membres des corps policiers et employés des ministères du Revenu et de la Sécurité publique. Preuve de son succès, l’Université de Sherbrooke a reçu 50 demandes d’admission en 2006, soit le double d’en 2004. Environ 10 % de la clientèle suit la formation au moyen de la vidéoconférence.