Attention! École contaminée
Société

Attention! École contaminée

Les 260 marmots de l’école primaire Saint-Roch, déjà aux prises avec les héroïnomanes, vagabonds et prostituées qui fréquentent la cour d’école, ne sont pas au bout de leurs peines. Voir a appris que le terrain de l’établissement recèle un taux élevé de contaminants industriels. Vestige d’une époque, pas si lointaine, où la qualité de l’environnement n’était pas à l’ordre du jour.

Les tests effectués sur le terrain de l’école bordant la rivière Saint-Charles révèlent un taux de contamination du sol supérieur à la norme prescrite pour la construction résidentielle, en raison des dangers pour la santé des enfants.

Avare de commentaires, la commission scolaire de la Capitale (CSC), propriétaire du terrain, se veut rassurante. Le volume d’hydrocarbures, de résidus d’asphalte et autres polluants découverts sous le sol n’est pas assez élevé pour condamner l’établissement. Le résultat des analyses de toxicité a néanmoins forcé l’établissement à revoir de fond en comble le plan d’aménagement de son parc-école, dont la réalisation, initialement prévue au printemps 2005, n’a cessé d’être remise depuis.

"Il n’y a pas de danger majeur pour les jeunes enfants parce que le sol est recouvert d’asphalte et de gazon", explique Marcel Chiasson, directeur de la culture, des loisirs et de la vie communautaire de l’arrondissement de La Cité. La plupart des sondages effectués indiquent en effet que les matières toxiques se trouvent généralement à plus d’un mètre sous une couche de bonne terre. Une saine distance, clament les intervenants.

Un sondage isolé a néanmoins révélé la présence de contaminants à seulement 30 centimètres sous un carré de sable, une découverte qui a forcé l’école à effectuer une "opération éclair" pour recouvrir de gazon les surfaces restées à nu à la suite du retrait des anciens modules de jeux.

Opération réussie? Pas forcément puisqu’une inspection sommaire révèle de larges espaces où la tourbe, posée il y a quelques mois, n’a pas survécu à l’été. Résultat: de larges bandes de terre sont toujours à découvert en bordure du Centre récréatif Saint-Roch – zone la plus contaminée du terrain de l’école – offrant un terrain propice aux trous de billes et autres jeux d’excavation qui pourraient mettre les enfants en contact avec le sol contaminé.

LE CENTRE RÉCRÉATIF AUSSI TOUCHÉ

C’est la Ville de Québec qui a alerté la direction de l’école après que des relevés, effectués sur le terrain du Centre récréatif Saint-Roch, voisin de l’école, eut révélé un taux de contamination supérieur à C, la cote la plus élevée établie par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. La municipalité ne songe même pas à réhabiliter le terrain de son centre récréatif. "C’est un ancien garage avec station-service. C’est donc contaminé avec des hydrocarbures", explique Diane Bouchard, du Service de l’environnement de la Ville de Québec, qui souligne que, tant qu’on ne dérange pas le sol, le terrain ne présente aucun risque pour la santé des citoyens. Par contre, s’il faut faire des travaux d’excavation – pour reconstruire le bâtiment – on n’aura pas d’autre choix que de dépolluer le site. Ce n’est donc pas demain la veille que Québec va reconstruire la salle communautaire, constate Diane Bouchard. "C’est clair que, le jour où on va refaire le bâtiment, la Ville n’aura pas le choix de décontaminer le terrain. Il va falloir trouver les fonds pour faire ça!"

PAS DE DÉCONTAMINATION EN VUE

Du côté de la commission scolaire de la Capitale, la priorité est à la construction d’une aire de jeux. L’arrondissement de La Cité a d’ailleurs accordé deux subventions de 50 000 $ pour aider l’école primaire à construire son parc, un passe-droit qui témoigne de l’importance de cet espace récréatif pour la communauté. "Du fait que la cour de l’école Saint-Roch n’est pas clôturée, elle est accessible à tous, pas seulement aux écoliers, mais également aux jeunes qui fréquentent le centre de loisirs", note Marcel Chiasson, qui ne cache pas l’intérêt de la municipalité pour la construction de balançoires et de modules récréatifs dans le secteur.

Avec les 100 000 $ de l’arrondissement, on est encore loin du compte, souligne cependant l’urbaniste, qui stipule que, pour l’instant, on chiffre à 280 000 $ la facture globale du projet. "Parce qu’il faut extraire du sol et l’amener dans un site approprié, les frais sont exponentiels, [la question], c’est de savoir de quelle façon on peut faire des jeux tout en respectant les normes." La balle est désormais dans le camp de l’école et de la commission scolaire, qui doivent trouver une façon de boucler le budget d’aménagement du site en tenant compte de l’état du sol.

Question d’éviter une inflation des coûts, la commission scolaire envisage présentement la méthode douce. Pas question de déplacer de la terre contaminée ou de refaire le bâtiment, une solution jugée trop onéreuse.

Plutôt que de nettoyer le site, la CSC jongle avec l’idée de construire des aires de jeux au-dessus du sol contaminé. "On a engagé une firme spécialisée en risque pour la santé, qui suggère de ne pas déranger le sol, de le laisser comme tel, en créant des îlots avec un drainage", explique Jean-Pierre Blanchet, directeur du Service des ressources matérielles de la commission scolaire. "La problématique quand on trouve des sols comme ça, c’est comment les traiter? Comment ne pas les remuer? On est donc venu à la conclusion que, tant qu’à creuser et déplacer du sol [contaminé], ce qui serait très dispendieux, la solution est d’ajouter du sol par-dessus, de faire du drainage et de mettre les modules de jeux sur des dormants."

Reste à savoir quelle option sera privilégiée par la direction de l’école. Malheureusement, ni la directrice, Johanne Bissonnette, ni la présidente du conseil d’établissement, Annie Demers, n’avaient retourné nos appels au moment de mettre sous presse.