Le Bytowne : Un cinéma en couleurs
Le Bytowne est l’un des plus vieux cinémas de la capitale fédérale et l’endroit par excellence pour qui affectionne le cinéma indépendant et étranger. Suite et fin d’un entretien avec son propriétaire, Bruce White.
On le constate de plus en plus: les cinémas indépendants tombent comme des mouches dans les grandes villes canadiennes. Mais dans la capitale nationale, envers et contre tous, un joyau résiste toujours à cette vague destructrice: le cinéma Bytowne. Ce cinéma voyait le jour il y a près de 60 ans sous le nom de Nelson Cinema, pour ensuite tomber entre les mains de Famous Players, avant d’être racheté pour devenir le fameux cinéma indépendant Towne de l’avenue Beechwood. En l’honneur du nom original de la ville d’Ottawa, il se faisait alors rebaptiser Bytowne et devenait la salle de cinéma incontournable qui présente du cinéma "alternatif".
Rencontré dans son local jauni, dont une armoire est pleine d’affiches de films roulées et empilées jusqu’au plafond, le propriétaire et programmeur Bruce White se fait volubile sur son métier qu’il affectionne, bavardant de son travail et de ses différents enjeux, dont celui des films en français… Morceaux choisis.
DECRIRE SON CINEMA…
"Comme pour la lecture, il y a véritablement deux mondes en cinéma: il y a les livres que tu lis parce que tu es dans l’autobus et que tu veux passer le temps, comme les Sydney Shelson et Stephen King et il y a la littérature. Nous jouons en quelque sorte la littérature du cinéma. Plusieurs croient que, parce que ce sont des films et que c’est sur grand écran, la business est la même, mais ce n’est pas le cas. C’est comme comparer les livres de Margaret Artwood à ceux de Stephen King: Artwood ne vend peut-être pas autant, mais elle gagne davantage de prix."
FACTEURS DE SELECTION
"La rareté est certainement un des facteurs importants dans mes choix de films, mais je crois que la meilleure chose, c’est de chercher des films que les gens aimeraient voir ensemble, où le regarder n’est pas suffisant et où ça devient un événement. Le plaisir d’avoir des gens autour et de s’asseoir dans la pénombre, quand c’est épeurant ou captivant, touchant ou drôle. Le Rocky Horror Picture Show est devenu un phénomène puisque les gens ne sortaient pas uniquement pour le film, mais pour l’événement qui l’entoure. C’est difficile de reproduire cela parce que les gens ne veulent plus voir le même film à répétition. Et ils peuvent juste le louer quand ça leur chante. Même la durée de vie en salle des blockbusters a diminué."
LES FRANCOS AU CINOCHE
"Ce que je trouve des plus intéressants chez l’auditoire francophone, c’est qu’il semble être un plus grand supporteur de films étrangers provenant de l’Italie, de l’Allemagne, de la Chine… Linguistiquement, les spectateurs sont plus ouverts à différentes choses que les anglophones. C’est impressionnant puisque les francophones lisent les sous-titres anglais en dessous du slovène ou du chinois, alors que c’est même pas leur langue maternelle. Et dire qu’il y en a qui trouve ça exigeant lire des sous-titres dans sa langue…"
V.O.F.
"Pour les films en français, je dois garder un oeil sur ce qui se fait du côté de Gatineau, mais je reçois quand même quelques films français et même québécois qui n’y ont pas tenu l’affiche. Mais souvent, c’est trop tard: avant que je ne le reçoive, le film est déjà sur TV5 et disponible en vidéo. Alors, je fais beaucoup de pression sur mes distributeurs torontois, qui ne connaissent rien à la situation du Québec, pour qu’on sorte les films plus rapidement dans leur version sous-titrée. Dans l’industrie canadienne du film, si on veut que les films québécois soient plus connus, on doit les sortir à peu près en même temps qu’au Québec, dans le momentum, alors que les médias veulent encore en parler!"
FRENCH SUBTITLES
"Le Québec a sa façon particulière de faire des films, et le reste du Canada est très différent; on n’a pas de célébrités canadiennes du cinéma en dehors du Québec. Mais cela n’excuse pas le fait que les Canadiens anglais ne semblent pas vouloir aller voir des films québécois. Une bonne partie est redevable au fait qu’ils ne veulent pas voir des films sous-titrés en général. Tu pourrais enligner une centaine de personnes sur le trottoir et leur demander: "Irais-tu voir un film sous-titré?" et 95 répondront: "Es-tu fou? Je ne vais pas au cinéma pour lire!" Ils pensent que ça représente beaucoup de travail."
L’ENVERS DE LA MEDAILLE
"Ce qui est drôle, c’est que les gens lisent le programme bimestriel du Bytowne et le choix de films que j’ai fait et se disent: "C’est vraiment bon! Je crois que je vais louer quelques-uns de ces films!" (rires) Donc, je donne des idées pour les prochaines visites au vidéoclub! Et je le comprends! Avec ma série sur l’amnésie du mois d’octobre par exemple, huit films sont au programme, chacun ne jouant qu’à deux reprises. Alors, si ce soir-là, tu as ton cours de yoga et tu continues de penser que c’est une bonne idée que Bruce White ait mis ça à l’horaire, tu vas aller le louer et puis, c’est tout!"
Pour consulter l’horaire et en savoir plus sur le Bytowne, visitez www.bytowne.ca.