Société

Pop Culture : Culture du culte

C’est pas facile pour tout le monde, mais il faut l’admettre: l’époque n’est plus à la culture du culte. Les monarques débarquent, les serfs se révoltent, les policiers se rebiffent contre leur maire patroneux…

On en trouve des exemples partout. Les faibles se donnent les moyens de faire grincer les dents des plus forts. Au niveau international, c’est la Corée du Nord qui fait des essais de missiles, l’Iran qui enrichit de l’uranium… Et toutes ces stratégies herméneutiques. Trouver l’argument frappant, la tournure mordante qui laissera des traces, l’arme de persuasion massive. Au niveau local, c’est le Théâtre du Palais municipal qui a trouvé son canon en Roger Hodgson.

Quand on a ouvert le coffret de Pandore où croupissaient les vieilles rancoeurs culturelles divisant toujours les arrondissements de Saguenay, je me suis dit: "Ça y est! Enfin quelque chose à débattre sur le plan culturel!" Pourtant, en fouillant un peu, je devais rapidement me désintéresser du cas Hodgson: le litige est plutôt économique que culturel.

Évidemment, il ne faudrait pas que ça devienne une habitude. Il serait préférable que les shows soient tous produits dans la région. Bien sûr, ça fout les jetons de savoir que de l’argent saguenéen prendra le chemin de la métropole – car je soutiens qu’il faut être un peu illuminé pour croire à un quelconque boycott… Rappelons que personne ne s’est empêché de fouler les allées du Wal-Mart depuis la purge du magasin de Jonquière. En général, le goût du boycott fait saliver, mais, une fois en bouche, n’a plus de substance.

Et pourtant, s’il ne fallait que ça pour que le Théâtre du Palais municipal se fasse entendre… Si ça alimentait l’argumentaire d’un petit, las de se faire duper…

Mais laissons là l’économique. Sur le plan culturel, le phénomène est semblable. L’ère n’est plus à la culture du culte. Les grosses machines n’empêchent plus les petits mécanismes de se développer. Et j’oserai dire que c’est tant mieux. Une telle démocratisation a eu des effets bénéfiques pour le développement de la culture à petite échelle.

Dans notre petit monde de petites gens, nous cherchons de plus en plus à diversifier notre expérience de la vie et de l’art. Elle est loin cette époque où les groupes de musique, provoquant une fascination quasi mystique, étaient élus pour une décade – au moins. Outre quelques zélés qui suivent encore leur groupe préféré à chacune de leurs prestations, la tendance est plutôt à la désacralisation des idoles. Si vous avez la gorge serrée en pensant au temps où vous dévoriez sans relâche la même galette de Metallica, de Megadeth, d’Iron Maiden ou de Dieu sait quel autre groupe culte, faudra vous y faire ou alors vous complaire dans la nostalgie d’un temps révolu.

La démocratisation de la musique a détruit les socles où on érigeait naguère les groupes qui inspiraient nos élans passionnels. Plutôt que de se réserver tout entier à la même entité musicale, l’attitude de l’heure en est une d’ouverture et de découverte, situant l’amateur de culture dans un monde de désir plutôt que de satisfaction – ce qui, en soit, n’est pas si désagréable…

Si les amateurs de musique n’ont plus une loyauté aveugle pour un groupe en particulier, refusant une servilité débilitante à quelques musiciens extravagants, les légendes n’en demeurent pas moins légendaires. Aussi, je me permettrai un court hommage avant de retourner butiner parmi l’abondance de nouveautés musicales qui m’attend.

À LA VIE À LA MORT

Katorz, le dernier album de Voïvod, offre une performance posthume de Denis "Piggy" D’amour qui nous le fera regretter.

Le 26 août 2005, Denis "Piggy" D’Amour, guitariste fondateur du mythique groupe Voïvod, originaire de Jonquière, décédait d’un cancer. Ce qui n’a pas empêché, le 25 juillet dernier, la sortie de Katorz, un album à mi-chemin entre l’hommage et l’oeuvre posthume.

Métal jusque dans les tripes, Piggy, sur son lit de mort, a émis le souhait qu’un album soit tout de même enregistré, révélant du même coup comment avoir accès à des démos qu’il avait enregistrés depuis deux ans: un véritable trésor. C’est ainsi que le guitariste a pu participer, même après sa mort, à la production de Katorz, consacrant son talent et son dévouement pour le métal progressif. Batterie, basse et voix ont dû être ajoutées par le groupe endeuillé à l’oeuvre préenregistrée de feu Piggy. Une histoire qui campe encore plus sûrement Voïvod parmi les légendes du métal, excitant l’imaginaire des fans de partout sur le globe. Car si le groupe n’a jamais eu l’attention qu’il aurait méritée au Québec, il s’est tout de même hissé parmi les plus grands de la scène métal. À découvrir sous l’étiquette The End Record, dont la devise bouleversante est: "The end of music as we know it"…