L’AgitéE : La Taverne Dorchester est morte? Vive L’AgitéE!
La nouvelle a presque été passée sous silence: la Taverne Dorchester, l’une des dernières en ville, a fermé ses portes il y a quelques jours. Ce qui fait du bruit aujourd’hui, c’est l’ouverture au même endroit du café-bar L’AgitéE, une coopérative de solidarité qui se veut un lieu de convergence pour la scène culturelle émergente et la présentation de divers événements à caractère sociopolitique.
La Taverne Dorchester, située sur la rue du même nom dans le quartier Saint-Roch, faisait partie du mobilier urbain depuis une cinquantaine d’années. Aussi connue sous la dénomination de Taverne Pat Mercier, du nom de son propriétaire du temps, l’agent de la Sûreté du Québec Roland Mercier, la Taverne Dorchester a servi bucks, bières tablette et oeufs dans le vinaigre pendant des décennies. Il faut s’être fait apporter une grosse quille de Laurentide par Jean-Baptiste, le serveur à la crinière blanche, et avoir pissé dans l’urinoir en forme d’abreuvoir à cheval, pour avoir une idée de l’esprit de bonhomie qui régnait en ces lieux. Quand le tavernier Mercier a passé l’arme à gauche en novembre dernier, ses héritiers ont tenu le fort pendant quelques mois avant de décider de vendre la place. C’était l’occasion qu’attendaient les fondateurs de la coop L’AgitéE, lesquels venaient de terminer leur montage financier après avoir tenu des activités-bénéfice pendant deux ans. Une offre d’achat et une assemblée générale d’organisation plus tard, ça y était. Diverses demandes, faites entre autres à la Caisse d’économie solidaire et au Réseau d’investissement social du Québec, étant pour l’instant restées lettre morte, c’est avec le seul appui de sympathisants qui ont prêté de l’argent que L’AgitéE a réussi à amasser les dizaines de milliers de dollars nécessaires pour se lancer dans l’aventure.
OPTION CULTURELLE ET SOCIALE
On a dit et redit que Québec est en déficit de salles pouvant accueillir quelques centaines de spectateurs. Avec sa capacité d’une centaine de places, L’AgitéE ne comblera pas ce besoin précis mais viendra tout de même offrir un tremplin de plus à la scène émergente de la ville. Éventuellement, on pourrait y voir deux concerts par semaine en plus d’autres spectacles moins bruyants et présentés plus tôt, question entre autres d’épargner le voisinage habitué à cohabiter avec une tranquille taverne fermant ses portes autour de minuit. Cela dit, et considérant que certains des meilleurs spectacles underground à Québec se dégustent dans la promiscuité la plus totale (Bal du Lézard, Scanner, Arlequin) et que plusieurs de ces scènes sont réservées des mois à l’avance, l’arrivée de L’AgitéE dans le paysage de la capitale ne peut être qu’une bonne nouvelle. Sans compter les projections, conférences, ateliers et autres événements sociaux qui parsèmeront la programmation. Déjà, au cours des dernières années, on a pu sentir l’intérêt de la faune militante de Québec pour l’emplacement central que représentait la Taverne Dorchester. Ainsi, on a pu y assister, parfois dans un cadre surréaliste, à des conférences publiques sur l’après-Sommet des Amériques et la résistance populaire.
L’AGITÉE: PLUS QU’UN SIMPLE CAFÉ-BAR
Les coopératives sont plus ou moins connues dans la population. On connaît les coops d’habitation, les coops de travail, on entend parler des coops d’investisseurs, mais pas beaucoup des coops de solidarité, formule qu’a choisi d’adopter L’AgitéE. Afin que l’expérience soit couronnée de succès, ses artisans ont rencontré les architectes de projets semblables ayant tenu la route (La Barberie, Le Temps Partiel) ou ayant échoué (La Petite Gaule, Café Humaniterre) afin d’apprendre des bons coups et d’éviter les écueils et difficultés. "Il faut savoir que les coopératives ont une durée de vie plus longue que les entreprises traditionnelles, lesquelles ferment souvent après une année d’opération", observe Joseph Bergeron, coordonnateur à la vie associative. "Le café-bar n’est pas une fin en soi, il doit être un outil dont se serviront les gens pour autoproduire des événements", explique-t-il. Notons qu’une coopérative de solidarité rassemble diverses catégories de membres: travailleurs, utilisateurs, de soutien et sympathisants, d’où les diverses possibilités de mettre la main à la pâte, dans les comités culturel et social, par exemple. "Ce qui est différent avec la coopérative de solidarité, c’est qu’il y a un espace pour l’implication des membres, qui viennent donner sa couleur à la place, ajoute Évelyne Dubuc Dumas, du conseil d’administration. On vise la diversité afin que des gens qui ne se rencontreraient pas ailleurs puissent le faire." "Nous entendons nous tailler une place dans la scène de Québec et être un lieu de bouillonnement culturel, un pont entre le communautaire, le culturel et le social", ajoute Joseph Bergeron, qui dit rejeter le concept de "nouvo" Saint-Roch, associé, selon lui, à une bourgeoisie parachutée dans le quartier. Repaire d’anarchistes, L’AgitéE? "Nous voulons que ce soit le plus éclectique possible et qu’il y ait des rencontres d’idées. Nous sommes contre le dogmatisme", répond Dominique Fiset, trésorière. "On gardera toujours un créneau progressiste basé sur des valeurs d’égalité et de solidarité. La forme idéologique ne résume pas le contenu des événements que nous présenterons", dit Évelyne Dubuc Dumas. Comptant pour l’instant une trentaine de membres, le café-bar entend en recruter de nouveaux et lance une invitation à ceux qui désirent organiser des événements cadrant dans sa mission. Pour ce qui est de la programmation culturelle, L’AgitéE débute sur les chapeaux de roue. La soirée d’ouverture du 14 septembre, qui débute par un 5 à 7, laissera place à plusieurs musiciens, dont ceux des Stouts. Puis, MAP procédera au lancement de son nouvel album le 16 septembre, expérience qui sera répétée par Fifth Hour Heroe le 22 septembre. On pourra entendre Not for Pigs, Code d’éthique et les Garçons Émotifs le 30 septembre. Le 6 octobre, ce seront Les Loubards, Operabong et Simon Pierre Beaudet qui fouleront la scène. Information: 647-9382, www.agitee.org.