Québécois et musulmans : Salam!
Société

Québécois et musulmans : Salam!

Dans l’ouvrage collectif Québécois et musulmans main dans la main pour la paix, l’éditrice Marie-Ève Martel a rassemblé les points de vue de 30 auteurs sur la présence musulmane au Québec.

La communauté musulmane du Québec compte aujourd’hui près de 100 000 membres. Près de 90 % d’entre eux vivent à Montréal. Dans Québécois et musulmans main dans la main pour la paix, un ouvrage collectif rassemblant les contributions de 30 auteurs d’origines diverses, les éditions Lanctôt font le point sur l’intégration musulmane dans notre province. "Aux nouvelles, depuis le 11 septembre, on parle toujours de l’islam et de l’Occident pour les opposer, pour évoquer un choc des civilisations brutal. Avec cet ouvrage, on a voulu renverser la vapeur, montrer qu’au Québec, on se démarque par notre pacifisme, que malgré nos diversités, nous pouvons parfaitement vivre ensemble", explique l’éditrice Marie-Ève Martel, qui a dirigé la rédaction de cet ouvrage.

Passionnée par le monde musulman et auteure d’un récit de voyage sur l’Iran, elle reconnaît elle-même que cet ouvrage n’est pas exhaustif. "La plupart des collaborateurs musulmans que nous avons sollicités sont d’origine arabe. Je sais bien que tous les Arabes ne sont pas musulmans et que tous les musulmans ne sont pas arabes, même si c’est souvent ainsi que les choses sont perçues dans nos sociétés occidentales, mais cela me semble un bon choix d’avoir fait appel à ces gens. D’abord, parce qu’ils sont francophones, ensuite, parce que dans les médias, on parle beaucoup du Moyen-Orient et aussi, parce qu’ils forment une très grande part de la communauté musulmane de Montréal", justifie-t-elle.

Québécois, musulmans, Québécois d’origine ou de confession musulmane, Québécois convertis à l’islam, chacun aborde la question de l’intégration musulmane sous un angle différent. Professeur à HEC Montréal, Omar Aktouf dénonce les violences verbales dont il est parfois victime et nous invite à réfléchir aux origines économiques et géopolitiques du terrorisme. Le journaliste Mathieu-Robert Sauvé adopte la position d’un citoyen moyen s’étonnant devant la différence des musulmans. Lise Coupal, l’institutrice filmée par Sylvie Groulx dans son documentaire La Classe de Madame Lise réalisé en 2005, parle de son expérience d’enseignante dans un quartier multiculturel de Montréal. La jeune Sonia Djelidi, née à Montréal de parents tunisiens, évoque sa quête d’identité d’immigrée de la 2e génération dans un très beau texte intitulé Ni d’ici ni d’ailleurs…, qui affirme qu’avant de nous définir par notre origin,e nous sommes tous des êtres humains. L’écrivain Robin Philpot rappelle qu’historiquement, les Québécois ont toujours été à l’avant-garde pour la promotion des libertés individuelles, politiques et religieuses au Canada. Porte-parole pour le Conseil canadien sur les relations islamo-américaines, la jeune Sarah Elgazzar, née en Ontario de parents égyptiens, explique pourquoi elle a choisi de porter le hidjab, tandis que l’humoriste Nabila Ben Youssef, qui s’amuse souvent des préjugés que les Canadiens entretiennent envers les Arabes dans ses spectacles, parle, elle, de son combat contre le voile islamique. "Je savais très bien que tous les membres du collectif ne seraient pas d’accord avec mes opinions", commente cette dernière. "Je pense que c’est très bien ainsi. En Occident, on pense souvent que tous les musulmans sont pareils; en lisant le livre, on se rend compte des différences. Être musulmane, pour moi, c’est avant tout une culture, c’est ma civilisation, mon mode de vie, même si je me suis éloignée de la religion. Au Québec, il y a des gens comme moi et aussi, même s’ils sont minoritaires, des personnes très pratiquantes. Il y a également des professeurs qui théorisent sur notre identité, des intellectuels, des experts. Le livre reflète bien cette diversité. J’espère que les gens, en le lisant, nous comprendront mieux et qu’ainsi, leurs craintes seront apaisées", affirme Nabila Ben Youssef.

Symboliquement, les droits d’auteur de cet ouvrage conçu pour promouvoir la paix ont été rassemblés pour permettre au sculpteur Jacques Huet de réaliser une statue représentant le dialogue entre les communautés québécoises et musulmanes. "Je suis extrêmement émue par ce projet", confie la députée Maria Mourani, à qui les auteurs ont décidé d’offrir la statue. "Dernièrement, j’ai vécu mes origines dans le sang, en visitant pour la première fois le Liban, pays de mes parents, alors qu’il était ravagé par les bombes. Je ne me suis jamais sentie aussi fière d’être Québécoise. C’est la mixité des cultures qui fait notre richesse. Un tel ouvrage montre que si nous étions invités à la table des nations, ce serait pour y délivrer un message de paix et pour dire comme Gilles Vigneault que "tous les humains sont de notre race"".

Québécois et musulmans main dans la main pour la paix
ouvrage collectif sous la direction de Marie-Ève Martel
éditions Lanctôt 2006
250 pages