Pop Culture : Haché fin
Petit jeu, cette semaine. Prenons un livre de notre corpus, presque au hasard. Servons-nous-en pour aborder autrement la culture.
Je viens de lire le récit La Hache, de Larry Tremblay, récit que l’on trouve dans son recueil intitulé Piercing. C’est un récit percutant mettant en scène un professeur de littérature et un étudiant taciturne, effacé, et inquiétant. Derrière les lignes du récit, se dessine un discours profond sur la naissance des génocides et des conflits armés, comme vous le découvrirez dans l’article réservé à Larry Tremblay. On y lit aussi, et c’est ce qui nous intéressera, une préoccupation marquée pour une littérature paniquée, se cherchant une justification, se débattant dans un monde où l’utilitaire est de rigueur – pas le sport, l’utile au sens large -, cherchant une justification raisonnable à tout.
Le professeur de littérature, seule voix du récit de Tremblay, l’exprime ainsi: "Toi tu le sais que la littérature est morte, que l’art n’a plus de sens, que l’homme n’en a plus besoin." (La Hache, p. 14). Plus tard, il se décrit lui-même pathétiquement: "Un individu qui ne berne personne mais que la société tolère parce qu’il le faut bien, autrement, hein, qui serait à l’abri, qui pourrait encore prétendre justifier sa place dans cette société? Personne. Alors il faut bien que cette société tolère les improductifs et les parasites comme moi." (La Hache, p. 20).
Nous voilà donc dans la crise des arts, qui, par définition et par conviction, ne "servent" à rien – ou ne servent rien, c’est selon. Des artistes qui créent des bulles impossibles autour d’un réel qui n’admet plus le rêve. Un réel qui refuse tout masque, se coordonnant à l’utile plutôt qu’à l’agréable.
Nous nous offusquons sans réserve de la philosophie utilitariste soutenue par le fascisme hitlérien, qui a servi à justifier les pires massacres. Mais à l’échelle artistique, un utilitarisme moins excessif mais tout de même dommageable gangrène la vie culturelle.
Qu’exige-t-on d’un événement comme un festival ou un symposium? Il est redevable en retombées économiques. Il doit attirer des touristes et, si possible, ceux qui ont de l’argent à dépenser. Mais l’équation n’est pas toujours aussi claire.
Qu’exige-t-on de la culture? Qu’elle soit digeste, un argument cherchant à convaincre la population de rester en région… Ou mieux, qu’elle séduise quelque survenant au point où celui-ci élira domicile dans notre patelin.
Bien sûr, sans l’économie culturelle, je me retrouverais dans la rue – en fait, sans l’économie culturelle, nous serions, j’espère, plusieurs à sortir dans la rue… Je n’ai pas la prétention d’être utile, mais j’ai conscience du vide où j’aime me jeter. Alors, je fais semblant. Je joue le jeu, conscient et quiet. Et je me sers d’un livre pour écrire une chronique. Et je me sers de la culture pour vivre.
Que l’artistique et le culturel aient un effet sur l’économique? Bravo. La vie s’enfermerait dans les plus sombres catacombes sans ce rapport effectif. Or, là où je décroche, c’est lorsque l’on justifie les arts essentiellement par leurs retombées économiques. Que la culture soit entièrement tributaire de l’importance du signe de piastre engendré? Oh là!
Mes plus belles expériences culturelles ne sont pas nécessairement celles qui m’ont coûté le plus cher ou qui m’ont fait dépenser le plus – peut-être suis-je radin, mais alors on ne se refait pas…
S’il y a de la place pour une culture de masse – à condition qu’elle ne soit pas trop abêtissante -, il ne faut pas qu’elle étouffe le travail qui est fait en marge des préoccupations économiques. Parce que je suis sincèrement convaincu que c’est dans la diversité que se trouve notre salut.
PAS UN SOU
Pour découvrir la diversité du travail des acteurs culturels de la région sans trop amoindrir vos moyens, une occasion en or nous est offerte, du 29 septembre au 1er octobre. Sous le signe des Journées de la culture, près de 60 activités gratuites sont offertes à la population, parsemées sur tout le territoire du Saguenay – Lac-Saint-Jean. Si les arts ne servent à rien, vous y trouverez peut-être quand même votre compte…
CONNAISSEZ-VOUS FERNANDE BOUDREAULT?
Un peu inquiétant de voir comment les souvenirs se perdent… ou se retrouvent. Connaissez-vous Fernande Boudreault? |
Une boîte de photos et de cartes postales trouvée dans un marché aux puces. Autant de souvenirs vendus à la pièce au plus offrant. Peut-être une lignée s’est-elle éteinte? À l’occasion du Salon du livre, l’artiste Véronique Bouchard propose un projet intitulé Une lointaine parenté. Interpellée par ces souvenirs achetés d’un brocanteur, elle cherchera auprès des visiteurs des indices permettant de lever le voile sur la vie de cette femme, Fernande Boudreault, afin qu’elle ne sombre pas dans l’oubli. L’artiste organisera aussi un atelier de typographie traditionnelle pour imprimer son avis de recherche.