Le parc Cartier-Brébeuf : Jacques Cartier dans la cale du 400e
Société

Le parc Cartier-Brébeuf : Jacques Cartier dans la cale du 400e

Jacques Cartier peut bien rester dans la cale. Le parc Cartier-Brébeuf, lieu historique de l’hivernage de l’explorateur français en terre d’Amérique, ne tirera pas un denier des commémorations du 400e.

Limoilou sera-t-il le grand oublié de la fête? C’est ce que craint la conseillère municipale Anne Létourneau, qui a rencontré la députée conservatrice Sylvie Boucher pour dénoncer l’état lamentable du site patrimonial, propriété de Parcs Canada.

Il faut dire que l’anse où Jacques Cartier et ses compagnons affrontèrent l’hiver de 1535 n’en est pas à ses premières vicissitudes. Dans les années 90, l’agence avait laissé la réplique de la Grande Hermine (le navire amiral de Cartier) tomber en ruine. La relique a finalement été démolie, faute d’entretien adéquat.

Plus récemment, le parc Cartier-Brébeuf s’est mis à rapetisser de l’intérieur. L’affaissement de la rivière Lairet, qui coule sous le parc, a forcé le gestionnaire à clôturer plus de 500 m2 pour créer un périmètre de sécurité au-dessus de l’antique canalisation. Et cette "cicatrice" pourrait encore s’agrandir, craint la conseillère municipale.

"Si Parcs Canada veut avoir des activités sur le site lors du 400e, il faudrait d’abord qu’il répare la canalisation de la rivière Lairet", estime Anne Létourneau, qui rappelle qu’avant de parler du parc comme d’une partie importante de notre patrimoine historique et naturel, on devrait effectuer un minimum d’entretien et de mise en valeur. "Pour l’instant, on n’investit pas du tout. Le fédéral va démontrer une réelle volonté à partir du moment où il va faire les réparations qui s’imposent, avec le budget qu’on devrait normalement avoir. C’est quand même un parc qui est reconnu et on le laisse pour l’instant dans un état déficient", déplore la conseillère du Renouveau municipal, déterminée à mettre de la pression pour qu’Ottawa fasse de l’ordre dans le parc. "Je laisse un peu de temps [au fédéral], mais pas trop. Parce que les fêtes du 400e s’en viennent et que je veux en profiter pour obtenir une reconnaissance du site, pas seulement dans les écrits, mais également dans les gestes."

PAS DE DEGEL AVANT L’HIVER

Pourquoi le parc Cartier-Brébeuf n’a pas sa part d’investissements dans le cadre des commémorations de la fondation de Québec? Selon le commissaire fédéral à la Société du 400e anniversaire de Québec, Laurent Tremblay, qui renvoie la balle dans le camp de Parcs Canada, il ne faut pas mêler ce qui se passe à l’heure actuelle dans les legs fédéraux avec les responsabilités d’une agence qui gère des parcs dans tout le pays.

À Parcs Canada, on espère pouvoir corriger la situation au cours de l’hiver… si on parvient à dégeler les fonds. Une chose est sûre, c’est que quoi qu’il arrive, on va être loin des trois à quatre millions de dollars qu’il faudrait pour refaire la canalisation en entier. Il faut donc s’attendre à voir certains tronçons de clôture cercler des bouts de gazon pour encore quelques années, soutient Jean Desautels, directeur régional de Parcs Canada à Québec, qui espère obtenir un million de dollars pour effectuer les travaux urgents. "Tout le monde met l’épaule à la roue, mais je ne peux pas vous dire qu’aujourd’hui, j’ai [le financement]. Je ne l’ai pas. Notre plan d’intervention va être à la hauteur des ressources qu’on va trouver. Si on nous donne un million de dollars, on va programmer nos interventions en fonction de ce million."

Il ajoute que la priorité n’est pas aux infrastructures. Les cinq prochaines années vont être consacrées à la recherche archéologique. On veut s’assurer d’avoir les bonnes assises pour développer un projet d’aménagement du site. Un travail d’autant plus important que le sol pourrait receler des vestiges des premiers moments de la colonie, explique Jean Desautels. "Ce qu’on a l’intention de faire, ce sont des recherches pour retrouver des traces de la présence de l’équipe de Jacques Cartier. La Ville a déjà entrepris certaines fouilles à proximité et a trouvé des choses très intéressantes. Nous, on va arrimer notre plan d’intervention [à celui de la Municipalité] et partir des découvertes qu’ils ont réalisées."

ENTRE DEVELOPPEMENT DURABLE ET COUP D’ECLAT!

Pendant que Parcs Canada rechigne à avancer les trois ou quatre millions de dollars nécessaires pour la revitalisation du site où débarqua Cartier, le fédéral déballe les millions pour emballer la Vieille Capitale en vue de 2008.

En aval du campement de Jacques Cartier, l’Espace 400e et le bassin Louise ont gagné le gros lot: un budget de 24 millions de dollars. Un peu plus loin, la baie de Beauport, la Pointe-à-Carcy et l’anse Brown se sont vu octroyer rien de moins que 46 millions de fonds fédéraux destinés à redonner aux citoyens l’accès à ces sites longtemps inaccessibles.

Ces nouvelles infrastructures bénéficieront ainsi d’un total de 70 millions de dollars, pendant que le parc Cartier-Brébeuf s’en tirera à bon compte s’il touche 1 million de dollars pour qu’on y effectue les travaux urgents.

Faut-il craindre que, comme le site historique, les legs du gouvernement fédéral à la population de la capitale soient abandonnés au lendemain des célébrations? Pas du tout, estime le commissaire fédéral à la Société du 400e de Québec, Laurent Tremblay. "Si on regarde ce que sont devenus les Champs-de-Bataille, le premier legs du gouvernement fédéral, qui a été fait dans le cadre du 300e anniversaire de Québec, on ne peut pas dire qu’ils aient été délaissés! Avec un constat comme celui-là, il faut se fier à ce qu’on a fait par le passé." Il souligne que la gestion du site, qui avait été cédée à un organisme fédéral, la Commission des champs de bataille nationaux, a permis d’en faire un des fleurons de la région.

Cette approche sera d’ailleurs préconisée avec les legs fédéraux du 400e, qui échapperont tous à l’administration de Parc Canada. "Dans le cas des infrastructures fédérales, il y a des négociations en cours à l’heure actuelle pour que des organismes les prennent sous leur aile."

Des négociations sont présentement en cours avec l’administration municipale, à qui on souhaite confier la gestion de la baie de Beauport, alors que l’anse Brown serait remise à la Commission des champs de bataille nationaux. Pour sa part, la Pointe-à-Carcy demeurera sous l’administration portuaire, puisque des activités navales vont continuer de s’y dérouler après les commémorations.

Il est toutefois impossible de savoir si les héritiers des legs fédéraux bénéficieront de grenailles ou d’un budget à la hauteur du cadeau qui leur est fait. Même si la gestion du legs fera l’objet d’ententes à très long terme, leur propriété demeurera fédérale.