Qualité de l’air : Smog à Québec: il n’y a pas de fumée sans feu
La qualité de l’air à Québec est plutôt bonne. Chaque hiver, la population ne doit s’attendre qu’à environ cinq épisodes de smog, ce qui est nettement sous la moyenne canadienne. Mais, actuellement stable, la qualité de l’air pourrait bien se dégrader dans les années à venir et avoir un effet direct sur la santé des Québécois.
"Au Québec, on a dormi sur nos lauriers depuis trop longtemps. La qualité de l’air ne s’améliore pas, elle se dégrade", fait valoir André Belisle, président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). Selon lui, le mal est connu. Et il en est de même de ses origines. "Une fois qu’on connaît ces problèmes et leurs sources, on pourrait s’attendre à ce qu’on règle ce problème, mais on y va à l’envers au Québec", poursuit-il. Le fait que le taux de smog à Québec soit sous la moyenne canadienne ne devrait pas nous réjouir. "Quand on en arrive à dire que c’est normal au lieu de travailler à régler les choses, on se donne une espèce de logique qui dit qu’on ne peut pas faire grand-chose", indique M. Belisle.
Pour le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, la situation est restée stable dans le passé. Entre 1994 et 2003, les moyennes annuelles de dioxyde de souffre et de particules en suspension ont été constantes, alors que celles du monoxyde de carbone et des oxydes d’azote ont diminué. Toutefois, le rapport sur la qualité de l’air ambiant à Québec couvrant cette période relate que "la qualité de l’air est parfois mauvaise dans la région, à cause d’épisodes de smog résultant de concentrations moyennes élevées de particules fines ou d’ozone, qui sont causées par des conditions météorologiques particulières".
Au moment de mettre sous presse, aucun représentant du Ministère n’a cependant pu commenter la situation entourant le dossier à Québec.
Du côté d’Environnement Canada, on indique qu’il est présentement difficile d’évaluer quantitativement l’évolution de la qualité de l’air, puisque des outils de mesure ne sont disponibles dans la région que depuis peu. "Il y a toujours eu des épisodes de smog à Québec, sauf que dans les années passées, il n’y avait pas d’indicateurs pour nous permettre d’évaluer les particules fines", explique Jacques Rousseau, météorologiste en qualité de l’air. Selon lui, actuellement, "il n’y a pas de conditions qui feraient que Québec soit une ville plus polluée que d’autres villes canadiennes".
Malgré ces quelques considérations, il ne faut pas cesser d’agir, selon Pierre Lajoie, spécialiste en médecine environnementale et professeur au Département de médecine sociale et préventive à l’Université Laval. À son avis, advenant que la population double au cours des prochaines décennies, les sources de pollution vont se multiplier, alors que les conditions climatiques et géographiques resteront les mêmes. "On n’est pas à l’abri. La qualité de l’air peut se détériorer de façon insidieuse. Il n’y a rien qui nous garantit que d’ici une cinquantaine d’années, ce sera la même chose", poursuit M. Lajoie. Et les solutions doivent être élaborées à l’avance. "Décider d’avoir un tramway, un métro, ça se fait plutôt sur des décennies. Il est difficile d’apporter ces solutions-là de manière urgente", explique-t-il.
CHAQUE HIVER
"Ça arrive chaque hiver dans la région de Québec, c’est assez fréquent, et c’est peut-être plus problématique que le smog pendant l’été", explique Pierre Lajoie. C’est qu’en été, Québec est au bout du corridor de vents du Saint-Laurent. La pollution de l’air qu’on y trouve est donc influencée directement par l’Ouest. Toutefois, en hiver, la donne change et la qualité de l’air de la Vieille Capitale dépend moins de ces sources extérieures. "L’été, on a une responsabilité de l’ordre de 50/50, mais l’hiver, c’est plus local, on est plus impliqués parmi les causes", poursuit-il.
Et, dans tout ce dossier, il est d’abord et avant tout question de la santé des gens. "Il ne faut pas oublier que l’objectif principal, c’est la qualité de vie des gens, la santé des gens", indique M. Lajoie, soulignant qu’en parallèle, de plus en plus d’enfants sont victimes d’asthme ou d’allergies. De son côté, Mathieu Castonguay, directeur général de l’AQLPA, déplore qu’il n’y ait pas actuellement "de critères qui permettraient de dire qu’en deçà de tel niveau, il n’y a pas d’impact sur la santé".
Selon lui, il faudrait que le ministère de l’Environnement prenne ses responsabilités… "Mais le Ministère n’est pas celui qui est le plus prompt à faire appliquer ses règlements. C’est une question de financement. Il n’a pas suffisamment d’argent pour effectuer son travail", déplore M. Castonguay. L’inefficacité du Ministère dans le dossier environnemental a été visible, selon lui, tout particulièrement avec la question des cyanobactéries. "Mais c’est la pointe de l’iceberg: la même chose se produit avec la qualité de l’air et la gestion des ressources naturelles", poursuit-il.
SOURCES DE POLLUTION
Selon les données de l’AQLPA, sur les quelque 500 000 véhicules présents sur les routes du Québec, environ 20 % ne respectent pas les normes minimales en matière d’émissions. Ainsi, 11,9 % de la pollution de l’air serait due aux véhicules lourds, qui représentent par ailleurs 2,5 % du parc de véhicules provincial. Les automobiles, elles, y contribuent pour 11,6 %, et les autres véhicules, comme les motoneiges ou les engins de chantier, pour 18,4 %. "Et il n’y a aucune réglementation qui vise ces véhicules", note M. Castonguay. La contribution du chauffage au bois s’élève quant à elle à 7,8 %. "Ce n’est pas la principale cible, pourtant il y a beaucoup de ressources mises sur cette cible-là. Mais quelle énergie est mise sur l’entretien des engins de chantier?" lance-t-il.
La base industrielle a aussi sa part de responsabilité. Mais des usines comme la Stadacona ou l’incinérateur auraient moins d’influence que l’on pourrait le croire. D’ailleurs, des études du ministère de l’Environnement datant de 2004 et 2005 ne les présentaient pas comme des dangers importants pour la qualité de l’air en basse-ville. "Peu de substances mesurées dans l’air ambiant (…) ont pu être associées aux émissions des deux usines sous étude", peut-on lire dans le relevé de 2004. En 2005, on spécifie que "les concentrations de dioxines et de furannes chlorés mesurées (…) sont du même ordre de grandeur que celles obtenues ailleurs au Québec au cours des dernières années".
CONCERNANT L’INCINÉRATION
Le dossier reste toutefois problématique et, à côté du transport en commun, l’incinérateur est l’un des axes d’intervention de la Ville dans le dossier de la qualité de l’air. "Il y a encore plus de millions pour la mise aux normes de l’incinérateur qui sont prévus cette année", assure Alain Thériault, conseiller en communications pour la Ville. Il faut dire que l’incinérateur de Québec avait défrayé la chronique, en 2003, alors qu’il avait été classé troisième en Amérique du Nord quant aux émanations de dioxines et de furannes. "Dans ce dossier-là, on vise l’objectif zéro déchets. Moins on va produire de déchets, moins l’incinérateur va fonctionner", suggère Anne-Marie Turmel des AmiEs de la Terre.
Afin de redresser ce problème, un plan de gestion des matières résiduelles avait été adopté en 2005. "La Ville prend quand même ses responsabilités, mais c’est long… Nous sommes presque en 2007, et il n’y a encore rien de fait", déplore Loïc Lévesque, membre du comité de vigilance de l’incinérateur pour les AmiEs de la Terre. Parmi les mesures à venir, on parle d’installation de filtres plus performants et d’une reconfiguration des fours, qui favorisent actuellement certaines émanations. Tout cela et plus d’ici 2009, alors que les nouvelles normes du ministère de l’Environnement devront être appliquées par la Ville.