Pierre Verville : Oiseau moqueur
Société

Pierre Verville : Oiseau moqueur

L’humoriste Pierre Verville nous revient avec L’Actualité encapsulée, une compilation de ses meilleurs sketchs radiophoniques de l’année 2006. Il commente pour nous les derniers rebondissements de la course à la direction du Parti libéral.

"Demain, c’est ma journée de congé: je vais pouvoir passer mon après-midi à regarder le congrès des libéraux à la télévision. Ca va être un grand moment: le jour des discours! Ce qui risque d’être rigolo, c’est qu’ils ont le droit de voter avant d’avoir entendu parler tous les candidats! Les soirée d’élections, les congrès, les débats… pour moi c’est un peu comme la coupe Stanley, j’adore ça!" s’amuse Pierre Verville. Chaque jour, l’humoriste traque sans relâche les failles des héros du journal télévisé. À la radio pour C’est bien meilleur le matin, il emprunte les voix d’André Boisclair, Stephen Harper, Jean Charest, Gérald Tremblay ou Paul Martin dans des capsules rythmées; à la télévision, il prête vie aux caricatures de Serge Chapleau pour l’émission Et Dieu créa… Laflaque et nous donne à voir notre quotidien politique sous un oeil irrévérencieux.

LES VOIX DES ONDES

Pour une deuxième année consécutive, le caricaturiste sonore a rassemblé ses perles radiophoniques dans un album en forme de revue de l’année épinglant les rebondissements étranges de l’actualité, de l’élection de Jean Charest aux démêlés de Gérald Tremblay avec les cols bleus, de la sauvegarde du mont Orford au succès du film The Da Vinci Code. En bonus, il nous offre un extrait vidéo de son spectacle Le P’tit Gala de l’actualité, présenté l’été dernier dans le cadre du Festival Juste pour rire avec le comédien Christopher Hall.

"J’aime l’idée d’être un humoriste de l’actualité. Cela me permet de sortir des voix sur le vif, d’imiter une foule de personnages que je n’aurais jamais pu appréhender sans ça. Les sketchs que nous faisons avec l’équipe de scripteurs de Radio-Canada, Jacques Beaudry, Michel Lessard et Réjean Paré, sont périssables, c’est une réaction immédiate aux nouvelles. Au P’tit Gala de l’actualité, même si on a plus de temps pour préparer le spectacle, on essaie de s’aventurer vers des choses jamais testées, en collant le plus possible à ce que les gens ont lu dans les journaux le jour même", explique l’imitateur.

DÉLIBÉRATIONS LIBÉRALES

Sa matière première du moment, c’est bien sûr l’issue de la course à la direction du Parti libéral, qui fait la une des médias cette semaine. "J’ai regardé, jeudi, l’hommage à Paul Martin… Il avait vraiment l’air tout triste! Ça m’a rappelé un gag du P’tit Gala qu’on peut voir sur le disque… C’est devenu difficile d’être libéral, c’est mal accepté dans les familles, c’est le nouveau tabou! De nos jours, mieux vaut prétendre être un athlète des jeux gais plutôt que d’avouer participer au congrès libéral!" lâche-t-il, un petit sourire au coin des lèvres. "C’était un débat très intéressant pour un caricaturiste: entre Ignatieff qui changeait tout le temps d’idée, Bob Rae qui s’appliquait à ne rien dire pour ne pas faire de gaffe… il y avait beaucoup de choses à dire. Quand Kennedy a donné son appui à Dion alors que celui-ci venait de le battre par deux ou trois voix, c’était comme un coup de théâtre! Dion pour représenter les libéraux, je ne l’avais pas vue venir, je misais plutôt sur Ignatieff! Depuis, je lis tout sur lui, pour moi, c’est un personnage à travailler. Je l’imitais déjà mais c’est surtout son côté rigide que je retenais… Maintenant qu’il est élu, il va sûrement travailler son image, alors il faudra que je m’adapte, que je peaufine mon interprétation… C’est étrange qu’une fois encore, on ait affaire à un candidat libéral québécois mis en place par les autres provinces… Comme Chrétien, comme Trudeau… Égoïstement, je suis heureux car Dion est aussi arrogant que les deux autres! Ça va être un beau personnage!" commente-t-il.

CARICATURES TOTALES

Quand il parle de son métier, Pierre Verville s’anime, passant rapidement d’un personnage à l’autre, changeant sa voix aussi bien que sa physionomie, rythmant son discours d’un petit rire machiavélique quand il évoque Jean Charest, "je trouve que ça montre bien son côté habile, son talent pour les coups bas!", dédoublant sa mâchoire comme s’il portait un dentier pour livrer son imitation chuintante de Paul Martin, "ce personnage un peu gauche", ou faisant semblant de manger en parlant pour prendre les traits de l’acteur français Gérard Depardieu.

"Mon travail, c’est de mettre le doigt sur un détail que personne n’a remarqué, un tic révélateur, une attitude caractéristique. Il y a plusieurs années, quand j’ai fait ma première imitation de Jean Charest, je le faisais parler à la troisième personne. Quand je l’ai rencontré sur un plateau de télé, il était complètement déstabilisé, lui-même n’avait jamais pris conscience de cette mauvaise habitude… j’avais vu quelque chose qui avait échappé à ses directeurs de campagne! Mais il y a des personnages plus difficiles à saisir que d’autres: André Boisclair, par exemple. C’est une imitation que je veux encore beaucoup travailler: aujourd’hui, j’arrive bien à adopter le ton carré de ses discours, mais sa façon de parler au naturel m’échappe encore… peut-être parce que je n’arrive pas complètement à le cerner, à savoir ce qu’il peut faire… Il peut encore nous surprendre!" prédit-il.

DRÔLE D’OISEAU

Dans ses rares temps libres, Pierre Verville se passionne pour l’ornithologie. Un loisir où il retrouve les mêmes plaisirs que dans son travail. "Au lieu de traquer des personnages publics, je pars à la découverte des oiseaux, mais c’est la même chose: j’essaie d’apprendre leur chant, de découvrir leur habitat, leur mode de vie, pour pouvoir les identifier plus facilement… Les humoristes sont comme des ornithologues: ils doivent donner des repères à ceux qui les entourent pour leur permettre de reconnaître sans peine les drôles d’oiseaux qu’ils imitent, mais ils peuvent modifier la perception des gens en leur faisant observer des détails nouveaux: un plumage moucheté ou une drôle de grimace!" analyse-t-il en riant.

L’Actualité encapsulée
De Pierre Verville
Analekta
Avec en bonus un extrait vidéo du P’tit Gala de l’actualité 2006, avec Christopher Hall.

Pierre Verville incarnera bientôt "Martin le Doyen" dans le conte musical Les 7, de Sylvain Cossette et André Ducharme. Un rôle chanté et dansé! À partir du 18 décembre au Théâtre Saint-Denis.