Bon coup, Bad coup
Une élection fédérale qui met soudainement la région sur la carte, un 400e anniversaire de la ville qui sème la controverse, une mairesse qui a le sens du spectacle. Nos journalistes de la section Société dressent leur bilan de l’année, opposant réussite et échec, flip et flop.
FLIP
LE MYSTÈRE DE QUÉBEC
Fin janvier. Jour d’élections au Canada. À la sortie des urnes, c’est la surprise générale. Les conservateurs triomphent, et le Bloc se dégonfle. On croyait qu’une percée de Harper dans la Vieille Capitale relevait de la politique-fiction. La région, elle, a décidé de prendre le taureau par les cornes. Les deux tiers des 12 circonscriptions de la grande région de Québec passent aux conservateurs. Il n’en fallait pas moins pour que le Bloc diagnostique "le mystère de Québec". Depuis, le mystère n’est toujours pas résolu, et le Bloc tente de rompre avec son approche Plateau-Mont-Royal en lançant des idées pour la capitale. Avec l’arrivée de Stéphane Dion à la tête du Parti libéral du Canada, on peut toutefois se demander si 2007 sera l’année du retour à la réalité ou si nos politiciens vont continuer, plus que jamais, à tenir compte de notre coin de pays dans leurs calculs politiques. (Y.Turgeon)
FLOP
LES DÉPUTÉS FANTÔMES
La Vieille Capitale a voté pour le pouvoir, pas pour le spectacle. Hormis Josée Verner, qui a obtenu le ministère de la Coopération internationale, et Maxime Bernier, qui a hérité de celui de l’Industrie, les élus conservateurs de la région se sont contentés des banquettes du fond. Si bien que Québec a récolté son lot de députés fantômes. Il faut dire qu’après les élections, Stephen Harper a imposé le bâillon à ses députés d’arrière-ban autant qu’à ses ministres. Pas besoin d’être devin pour affirmer que plusieurs ont poussé un soupir de soulagement en apprenant la nouvelle. La plupart des candidats conservateurs ne pensaient jamais être élus. Certains n’ont même pas fait campagne. Le premier ministre s’est assuré que ses députés soient aussi discrets que des cailloux dans ses souliers, à défaut d’être rayés de la carte politique. (Y.Turgeon)
FLIP
LA PROGRAMMATION DU 400E
Le 400e a commencé à prendre forme en 2006. On l’a vu se construire au jour le jour et on le sait: toute la ville se mettra à ses couleurs. "Ça va être les plus belles fêtes du monde", nous a promis Andrée Boucher. En 2008, l’événement sera l’incontournable… Des Grands Feux, au Festival d’été, en passant par le Marathon des Deux-Rives et Expo-Québec: tous les événements d’envergure souligneront le 400e de la Ville. Et, ainsi, pourront venir bonifier (artificiellement?) sa programmation… On tiendra le Sommet de la Francophonie à Québec, avec moins de gaz lacrymogènes que d’autres sommets. On fêtera conjointement d’autres anniversaires. Des artistes mettront la main à la pâte, avec des productions exclusives de gros noms, comme le Cirque du Soleil ou Robert Lepage et son équipe… En plus de grands spectacles, de grosses constructions, de réfections. Bref: de quoi stimuler les citoyens pour 2008! (R.Poirier)
FLOP
LE MAUVAIS CALCUL DU 400E
Il faut dire qu’au début de son mandat, Mme Boucher craignait de ne pas réussir à engager les citoyens dans le 400e. L’ambiance était au scepticisme. Après un an, la situation a-t-elle changé? Pas vraiment. Le jour de LA grosse annonce des productions du 400e, on a préféré tirer sur la morosité ambiante et renvoyer les médias vers cette bonne vieille rengaine. Bon, il faut dire que des activités annoncées, on en avait déjà parlé. Presque tous les jours. Dès qu’il y avait une fuite. Dès que quelqu’un pensait peut-être faire éventuellement quelque chose pour le 400e. Alors, l’annonce ne faisait finalement qu’office de confirmation aux "je ne peux pas vous le dire officiellement avant l’annonce". D’ailleurs, l’annonce aura aussi confirmé certaines craintes d’artisans de Québec qui se sentent exclus des activités clés du 400e. Finalement, plutôt que de réussir à transformer l’annonce en réjouissance, on a plutôt remis les critiques à flot. Mauvais calcul? (R.Poirier)
FLIP
L’ATTITUDE BOUCHER, DU POSITIF…
La mairesse a-t-elle tenu ses promesses en 2006? Pas vraiment. Il faut par contre admirer l’audace et l’efficacité avec lesquelles elle tient son bout dans les arguments et qui nous font oublier certaines contradictions. photo: Renaud Philippe |
Au fil de l’année dernière, Andrée Boucher a été fidèle à ce que l’on s’attendait. Pas de surprise. Question d’attitude, elle a tenu son bout. Dans les premiers jours de son mandat, on se demandait ce qui allait arriver. Allait-elle réussir à fonctionner avec le RMQ majoritaire d’Ann Bourget? Essentiellement, oui. Pas sans anicroche, mais, jusqu’à un certain point, oui. L’avancée s’est poursuivie aussi malgré les petits problèmes du conseil d’agglomération, source de nombreuses péripéties. Le tout aurait presque pu devenir un soap municipal, mais, finalement, ça n’a pas eu lieu. La mairesse a-t-elle tenu ses promesses? Pas vraiment. Mais, par contre, il faut admirer l’audace et l’efficacité avec lesquelles elle tient son bout dans les arguments et qui nous font oublier certaines contradictions. Pour l’instant, elle n’a reculé devant rien ni personne. Et elle a même réussi à s’inventer une image caricaturale solide à l’aide d’une robe cuvée 1991. Andrée Boucher: directe et colorée. Dix points pour l’attitude. (R.Poirier)
FLOP
… ET DU NÉGATIF
Mais bon, cette attitude aura tout de même rendu la vie difficile à bien des gens sur la scène municipale. C’est que les anicroches, plutôt que de se régler rapidement, peuvent durer des mois et des mois. Remarquez, on l’avait vu venir. Dès le dossier – interminable – de la nomination d’un membre du conseil municipal au conseil d’administration du RTC, ça avait été évident. Et ça s’est poursuivi dans d’autres dossiers… On n’a qu’à penser au déneigement. Au changement des noms de rue. Au budget. "Cul-de-sac"… "Impasse"… Des mots qu’on aura entendus plus d’une fois en 2006. Et, de ces affrontements, en sort-on gagnant ou perdant? Difficile à dire. Le déneigement coûtera, en fin de compte, un peu plus cher… Et les taxes aussi… Et la Ville devra probablement se passer de plusieurs nouveaux pompiers. Tout cela pendant qu’on dépense 8 M $ pour garder en vie l’utopie du tramway, dont on parle depuis Québec 84 (depuis plus longtemps même). Mais bon, les tramways à Bordeaux étaient si sympathiques… On peut féliciter la mairesse d’être fidèle à elle-même… Mais est-ce réellement toujours pour le meilleur? (R.Poirier)
FLIP
VERS UNE RÉÉLECTION DES LIBÉRAUX!
Si l’impopularité du gouvernement de Jean Charest n’était plus à démontrer en 2004 et 2005, il faut accorder aux libéraux provinciaux la palme de la gestion de crise en 2006. Au cours des premières années de la "mission" Charest, les grands bonzes des pronostics pouvaient certifier, après la loi 42 sur la sous-traitance et la plus grande grève des étudiants de l’histoire du Québec, que le gouvernement de Jean Charest ne serait pas réélu. Pourtant, 2006 a vu un renversement stupéfiant. Malgré des dossiers épineux et des tentatives de leurs opposants (tous azimuts) de les coincer, les rouges ont su esquiver les embûches et bénéficier des bons coups. Les scandales ne les font pas reculer; la vente d’une partie du parc Orford ne crée pas autant d’animosités que les opposants l’auraient espéré. Difficultés économiques de l’industrie forestière: après quelques jours d’attente (créant ainsi des circonstances favorables), les libéraux sortent leur plan d’action, rassurant et efficace. Le danseur étoile de la formation politique, le ministre Couillard, a effectué ses pas de danse sans aucune erreur, même si, du côté de la santé, "C. difficile" de rester stable. Même les "révélations" d’une ancienne collabo sur le financement du Parti, à même les heures de bureau, n’ébranlent pas le père Noël de la Santé (il est intéressant au passage de noter que peu de politiciens portent la barbe). Et que dire du plan vert du gouvernement? Le ministre Béchard a réussi à se pavaner aux côtés de Greenpeace à Nairobi, lors de la conférence internationale sur Kyoto, montrant son petit côté "grano". Sans compter que depuis tout récemment la célèbre ONG diffuse une grosse pub dans les médias pour associer Jean Charest à l’industrie forestière, ce n’est pas le gouvernement qui perd sa crédibilité. Ainsi, 2006 aura vu les libéraux regagner la confiance des Québécois. La preuve: même Monique Jérôme-Forget a l’air sympathique… (A.Goutier)
FLOP
LE LIFTING NÉCESSAIRE DU PQ
Quelle consternation devant le PQ tentant de se démarquer sur la scène provinciale! Tant d’entreprises avortées et d’occasions manquées que nous n’avons pas besoin de mentionner la participation troublante d’André Boisclair à une parodie douteuse de Brokeback Mountain pour exprimer notre scepticisme par rapport à l’organisation souverainiste. Regardons les départs de ténors de la formation pour constater la déconfiture. Pauline Marois, dont le Québec a reconnu la valeur seulement à sa sortie, a quitté le Parti parce que "le coeur n’y était plus". Autres termes pour signifier une défaite amère à l’avantage d’un chef qui n’a pas su tirer profit du départ de sa rivale. Tout le monde s’est aperçu, stupéfait, du malaise accompagné d’une certaine satisfaction de la part du camp du chef, incapable de reconnaître la contribution de la Marois, qui partait, lasse de la guerre d’usure. Avec le départ de Jean-Pierre Charbonneau, c’est la gauche intellectuelle qui semble être laissée de côté, de même que le sens critique du Parti. Devant faire face dernièrement à une tempête dans un verre d’eau nationaliste, le PQ a réussi à moins se faire valoir que le Parti libéral du Canada (avec la motion pour reconnaître la nation québécoise) et Stephen Harper qui a pris tout le monde au dépourvu avec la motion sur la nation à la Chambre des communes. Personne dans le camp souverainiste ne savait plus sur quel pied danser. L’anecdote la plus succulente de ce passage "historique" est la prise au piège de Louise Harel. La malheureuse, qui n’était pas dans le secret des dieux, s’apprêtait à "blaster" la proposition de Harper lorsque les journalistes présents l’ont avertie de l’appui du Bloc québécois à cette motion. Le cafouillage qui s’ensuivit n’est pas tant la responsabilité de Mme Harel que le manque de communication au sein des forces souverainistes. Quelle belle manière de la remercier de l’intérim qu’elle a assumé pendant que les autres s’entre-déchiraient pour le pouvoir! Finalement, si quelqu’un avait remarqué les bons coups du PQ en 2006, aurait-il l’amabilité de me les signaler, car je n’en ai aperçu aucun. À moins que de laisser l’espoir à Mario Dumont de gagner en popularité fasse partie d’une stratégie du PQ…(A.Goutier)