Aujourd’hui, la rémunération n’est visiblement plus une affaire de pognon: le chèque de paye s’accompagne désormais d’une liste d’épicerie de petits extras. "Ce n’est pas une question d’altruisme, mais bien de survie, explique Denis Chênevert, professeur en gestion des ressources humaines aux HEC. Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre et de départs des baby-boomers pour la retraite, les entreprises doivent faire tout en leur pouvoir pour attirer et retenir les bons travailleurs".
À l’heure de la conciliation travail-famille, tous les observateurs s’entendent pour dire que les salaires élevés ne suffisent effectivement plus pour séduire les nouveaux diplômés. Alors que la génération "X" plaçait le travail au centre de sa vie personnelle, la génération "Y", qui entre actuellement sur le marché du travail, privilégie davantage la vie de famille, la vie privée et les loisirs. Symptôme de ce changement des mentalités, les employeurs doivent incidemment revoir tout leur mode de rémunération. "Ils offrent désormais une garderie en milieu de travail, une salle d’entraînement sur place et des aires de repos pour permettre aux individus d’avoir un plus grand équilibre dans leur vie. S’ils ne le font pas, les employés vont aller voir ailleurs", soutient le professeur des HEC.
NUAGES A L’HORIZON
Bien qu’elle fasse le bonheur des jeunes parents, cette personnalisation des salaires a cependant pour effet d’ébranler l’équilibre interne des entreprises. "On crée des disparités entre les employés", souligne André Sauvé, de chez Morneau Sobeco. "Cette pratique peut avoir des répercussions sur le climat de travail si quelqu’un apprend qu’un autre travailleur a reçu plus de choses que lui."
De façon plus générale, cette nouvelle tendance a également des répercussions néfastes sur tout le marché du travail. Puisque les petits extras offerts par les patrons n’ont pas de valeur monétaire, l’évaluation objective de la rémunération d’un emploi par rapport à un autre est devenue un véritable tour de force. Cette situation met d’ailleurs en péril l’application de lois sur l’équité salariale, qui a pour objet de corriger, à l’intérieur même d’une entreprise, les écarts salariaux dus à la discrimination. Lorsque les employés négocient leur chèque de paye et leurs avantages individuels en catimini, la frontière de l’équité devient de plus en plus difficile à tracer. La personnalisation des salaires pourrait donc s’avérer un douloureux casse-tête, plutôt qu’un remède efficace pour faciliter la conciliation travail-famille, pour le gouvernement québécois.