Si tu t’étais demandé comment faire pour arriver à écrire la pire chronique de l’année, transformer un simple exercice d’écriture plutôt amusant – vide-coeur ou crève-coeur – en cauchemar, tu aurais attendu au début de janvier pour écrire cette chronique. Et tu aurais probablement commencé l’année avec ta pire chronique.
La fatigue, le brouillard éthylique se dissipant à peine, tu ressens comme un coup de fouet ce soudain état de lucidité: c’est le premier de l’an, tu es à mille lieues de chez toi, tu n’as aucune idée de ce qui a pu se passer dans les derniers jours dans la sphère culturelle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, et il faut que tu écrives ta chronique d’ici demain. Vingt-quatre heures top chrono.
Dans le néant absurde auquel se butte n’importe quel chroniqueur ayant juste un peu trop procrastiné, n’arriver à écrire que des mots mortifères. Sentir son crayon balancer au bout de tes doigts comme un corps de diktat au bout d’une corde, horrifique image dont on t’a dardé la pupille, te serrant la gorge. Tu te dis que ça prend un barbare pour reconnaître un barbare et pour lui servir cette médecine qu’on lui reproche.
Facile de s’égarer… Au début de 2006, le Pop culture n’avait pas cette forme. Tu n’avais pas encore de véritable chronique. Jeune plume, tu n’avais pas encore eu le désir de mordre. Depuis, chaque jour t’amène un chapelet de sujets qui te glisse entre les doigts.
Tu aurais pu dire que tu avais craint que le Bye-Bye de RBO soit un flop. Que tu as finalement trouvé qu’il s’agissait de belles retrouvailles télévisuelles. Qu’il a réussi à te faire rire avant que ne se termine 2006. Mais que ce n’était pas un Bye-Bye. Qu’il te semble que, par tradition, il aurait fallu qu’il y ait au moins un peu de direct. Peut-être l’expérience de Lepage à l’ADISQ a été trop marquante. Qu’il n’a pas voulu s’exposer de nouveau au danger du direct. Il est vrai qu’avec le travail de montage de Tout le monde en parle, il s’est habitué à un contrôle chirurgical de son image.
Tu vois bien que tu as pris goût à l’amertume; tu bois ton café noir et tu rumines, acide, en regardant autour de toi. Tu as développé le réflexe de la morsure, que tu retiens tout de même un peu. Tu as simplement appris à grafigner comme un jeune minou. Il faudra peut-être que tu te retiennes un peu moins. Peut-être.
Au moins dans ton blogue. Déjà, il a évolué beaucoup, depuis que tu as commencé à y accumuler des billets. Quand tu les relis, plus ou moins en diagonale, tu vois tes bons coups, quelques faux pas. Mais entre les lignes, tu lis trop souvent ce que tu n’as pas osé écrire. Parfois, tu te serais mis le pied dans la bouche jusqu’au genou. D’autres fois, tu aurais eu raison.
Dans l’article intitulé "Les Résolutions culturelles", tu dresses la liste de ces résolutions qu’espèrent tenir différents acteurs de la scène culturelle régionale. Si tu avais une résolution à prendre, ce serait probablement celle-ci: te donner le droit de te tromper. Aller un peu plus loin, juste un peu plus loin. Un peu trop loin, peut-être.
Lorsque tu as écrit "je" pour la première fois dans le journal, tu espérais faire une critique chirurgicale des sujets touchant la culture. Force est d’admettre que ton scalpel pourrait souvent être plus incisif. Il faudrait y voir.
LE "JE" EN VAUT LA CHANDELLE
J’y verrai. C’est donc avec grand plaisir que je vous convie encore cette année pour ce rendez-vous hebdomadaire sans cesse renouvelé, au cours duquel nous partagerons coups de coeur et coups de gueule. À mon grand plaisir, plusieurs nouveaux internautes ont fait entendre leur voix dans les derniers mois. Je vous espère encore plus nombreux à aiguiser vos réflexes critiques en 2007 pour contribuer à l’évolution du fait culturel. Chaque prise de parole a son effet. Chaque "je" en vaut la chandelle.