Montréal Diversité : Vive la différence!
En 2007, l’organisme Vision Diversité invite les Montréalais de toutes origines à bâtir un modèle de société où la diversité, loin d’être un écueil, serait une chance et un outil de développement global. Entretien avec sa présidente, Aïda Kamar, une rêveuse qui a les pieds sur terre.
"J’ai une ambition énorme pour ma ville. Montréal peut devenir un modèle d’ouverture en Amérique du Nord, à l’opposé de l’image que notre continent véhicule dans le monde entier aujourd’hui. La société québécoise est pacifique, la recherche du consensus est une de nos valeurs fondamentales: nous devons montrer au monde qu’il est possible de vivre dans le dialogue et la paix durable. La diversité doit devenir notre image de marque!", s’enthousiasme la présidente de l’organisme Vision Diversité, Aïda Kamar. La journaliste d’origine libanaise, devenue montréalaise il y a près de 16 ans, se considère avant tout comme une citoyenne de notre métropole.
"Pour moi, Montréal, c’est l’endroit où j’ai choisi de vivre. Une ville plurielle, fondée sur le creuset de la culture québécoise francophone, enrichie par l’héritage anglophone et les multiples apports des générations d’immigrants venus du monde entier pour s’installer ici", souligne-t-elle. "Pourtant aujourd’hui, de nombreux Québécois "pur laine" se sentent menacés dans leur identité dès qu’on leur parle de dialogue interculturel. Traumatisés par les politiques "d’accommodement raisonnable", ils ont l’impression de devoir abandonner leurs valeurs les plus chères pour faire de la place aux autres. Comment bâtir une société dans ces conditions? Cela fait quatre ans que le Québec se bat pour la ratification de la convention sur l’expression de la diversité culturelle à l’UNESCO. Il est urgent de concrétiser ce principe de société dans notre ville", affirme la militante.
40 ANS DE DIVERSITÉ
Pour mener à bien ce projet, Vison Diversité lance cette année une vaste concertation dans les milieux des affaires, les universités, les écoles, les organismes culturels et les médias en vue de l’organisation d’un colloque intitulé Montréal Diversité au printemps. "En 2007, nous fêtons les quarante ans de l’Expo 67, l’événement qui a fait découvrir Montréal à la planète entière et qui a permis aux Québécois de découvrir toute la richesse des cultures du monde. Il est temps pour notre société de dresser un bilan, de constater ce qui a été accompli ces quarante dernières années pour gérer la diversité et de se fixer des objectifs pour nous améliorer", analyse-t-elle.
Près de 92 personnes, issues des horizons les plus divers, de la Chambre de commerce à la Cité des arts du cirque, du conseil exécutif de la ville à la gérance de la Place des Arts, de la Commission scolaire au Carrefour des communautés du Québec, ont déjà répondu présents. À l’Université de Montréal, la Chaire de recherche en Pluralisme et Globalisation fera travailler ses étudiants autour du thème "Diversités en dialogue", et partout dans la ville, une foule d’activités et de conférences dont le programme sera bientôt publié seront organisées.
MONTRÉAL, VILLE OUVERTE
"Il ne s’agit pas seulement d’affirmer de grands principes. Pour moi, la diversité est un axe de développement économique, social et culturel concret qui peut créer de la richesse matérielle. C’est un projet pour l’ensemble de la société civile, pas une revendication des communautés culturelles! Je parle d’intégrer la vision de la jeunesse, de la relève, de donner une tribune à l’ensemble des composants de nos sociétés et de nous développer. La plupart des chaînes de télévision québécoises affirment qu’elles ont atteint un plafonnement de leur taux d’écoute. Parallèlement plus de 60 % des Montréalais utilisent un dispositif câblé pour capter les émissions de télévision de leurs pays d’origine! Il y a un marché à gagner! Les gens sont confinés dans leur lien culturel à leur pays d’origine et notre ville se transforme en parking! Il y a aussi la question de l’emploi: actuellement, une foule de personnes extrêmement compétentes gaspillent leur expertise dans des petits boulots de survie: c’est un frein pour notre développement économique", remarque Aïda Kamar.
À quelques mois de la conférence Montréal, métropole culturelle – Rendez-vous novembre 2007, Vision Diversité entend surtout concentrer ses efforts sur les échanges culturels en incitant les lieux de diffusion, les organisateurs des grands festivals et les artistes à se concerter davantage. "Chacun des acteurs du paysage culturel montréalais doit prendre conscience de l’énorme potentiel d’ouverture de notre métropole: au Festival du Monde Arabe, 70 % des spectateurs sont d’origine québécoise. Pour continuer d’exister, les théâtres doivent élargir leur public, s’interroger sur leurs programmations mono-couleur et monolithique… le Théâtre d’Aujourd’hui présente Bashir Lazhar, d’Evelyne de la Chenelière, une pièce relatant l’histoire d’un immigrant algérien, c’est formidable! La diversité est en germe, à nous de lui donner sa place!"