Pop Culture : La Culture québécoise: Miroir et tain
Société

Pop Culture : La Culture québécoise: Miroir et tain

Alors que les sondés se sentent encore floués par les tentatives nauséeuses d’une coalition de gratte-papiers et de hauts parleurs alarmistes, le temps ne pouvait être mieux choisi – même s’il s’agit d’une coïncidence – pour se questionner sur l’identité des Québécois, concept indissociable de la culture, qui en est le symptôme le plus flagrant.

Que devient la culture québécoise? Que voulons-nous qu’elle devienne? Ces questions seront à l’honneur pour le troisième rendez-vous stratégique organisé par l’Institut du Nouveau Monde. Ce rendez-vous permettra aux Québécois de toutes les régions de se prononcer simultanément quant à la perception qu’ils ont de leur culture. Deux rencontres sont prévues, qui se dérouleront les 2 et 3 février, ainsi que les 16 et 17 mars, et c’est au Patro de Jonquière que nous sommes conviés, dans la région, pour faire entendre notre voix et pour partager nos angoisses et nos rêves sur le sujet. (Consultez le site www.inm.qc.ca pour vous inscrire.)

Dernièrement, on nous a fait reluire comme une arme à deux tranchants des situations où l’accommodement raisonnable était discutable. On nous a dit que ce n’était que la pointe de l’iceberg, et que – conséquence d’un réchauffement culturel plutôt que climatique – ces icebergs sont de plus en plus nombreux à ponctuer notre horizon proche. Dans ce contexte, gageons que le rendez-vous sera couru partout à travers la province.

Alors, quelle est-elle, cette culture québécoise où s’enracinerait notre identité?

Celui qui cherche à circonscrire l’identité se bute toujours aux mêmes problèmes. Si elle est trop spécifique, on ne s’y reconnaîtra jamais totalement. Et si on cherche plutôt à être inclusif, il y a des chances qu’on ne s’y reconnaisse plus tout à fait, le sentiment d’appartenance se voyant délavé à la même mesure que les critères de cette appartenance.

Cela ne prouve-t-il pas qu’il soit vain de s’interroger sur l’identité? Parce que celui qui tente de se définir n’a pour cela que son expérience. Difficile, très souvent, de ne pas se résigner à une attitude passéiste, donc nécessairement limitée et stérile. Mais rien n’empêche certaines personnes d’alimenter cette fâcheuse propension à regarder derrière pour mieux s’enfarger.

En fait, il me semble que tout projet de société qui cherchera dans le passé des justifications identitaires pour nous tracer un destin fatalement immuable se trompe. Est-ce que ça signifie qu’il faut mettre notre identité au ban? Non. Si on ne se définit pas soi-même, d’autres pourraient s’en charger. Et on sait ce que ça donne…

Les modèles politiques qui nous sont proposés sont rongés par une tare postmoderne, un cancer dont ils ne semblent pas vouloir se débarrasser. Que l’on parle des projets souverainiste ou fédéraliste, chacun présente une entité – respectivement le Québec et le Canada – qui se donne comme une totalité impossible, un magma qu’on voudrait homogène, une glace étrange et morcelée qui chercherait à réfléchir notre VÉRITABLE image. Il est peut-être temps de rafraîchir le tain de ces miroirs pour qu’enfin on puisse véritablement s’y reconnaître…

Comment le rapport entre la culture et l’État ne devrait-il pas être une patate chaude pour les Ségolène Royal de ce monde alors que nous-mêmes, échaudés, ne savons quoi en faire?

Tous les grands enjeux actuels, l’économique et l’écologique en tête de lice, sont devenus anationaux, ne se bornant pas aux frontières arbitraires que nous avons tracées sur le paysage. Peut-être les concepts d’identité et de culture devraient-ils aussi être dissociés de l’État? La question se pose.

Avec la génération numérique, on assiste à l’émergence du principe d’une identité à la carte, de plus en plus virtuelle et détachée du réel. L’intérêt n’est-il pas marqué pour la blogosphère, les MySpace et autres communautés virtuelles qui permettent à l’individu de devenir son propre avatar, un golem moderne autocréé à partir de boues virtuelles?

L’Institut du Nouveau Monde, puisque c’est de ça dont il est question, a évité de nombreux pièges avec son projet de consultation. En effet, les questionnements mis en lumière écartent entre autres une masturbation un peu malsaine autour des "racines" (et autres déclinaisons de la race) en se tournant plutôt vers une culture en pleine actualisation: "Que DEVIENT la culture québécoise?" Relevant différents faisceaux d’influence possibles (la religion, la technologie, les clivages entre les régions et l’incessant travail des artistes qui s’appliquent justement à nuancer les couleurs de notre culture), on ne cherche pas à circonscrire ce que notre culture a été jusqu’ici, mais plutôt à prendre conscience de notre pouvoir sur son devenir.

Pour une fois que la région n’est pas laissée pour compte, j’espère que nous serons nombreux à participer à cette réflexion.