André « Dédé » Fortin : Hymne à la vie
Société

André « Dédé » Fortin : Hymne à la vie

André "Dédé" Fortin s’enlevait la vie il y a près de sept ans. Ce geste tragique se transforme aujourd’hui en un générateur d’espoir dont la première manifestation prendra la forme d’un grand spectacle-bénéfice s’inscrivant dans la Semaine de prévention du suicide.

Le triste événement survenu au mois de mai 2000 aura irrémédiablement remué le milieu artistique, le public québécois et, évidemment, les membres de la famille de l’ancien chanteur des Colocs: "Quand un tel événement survient, c’est comme une grosse claque que tu reçois en pleine face", affirme Hélène Fortin, la soeur de Dédé. "Tu clignes des yeux, et la vie est à tout jamais changée. Un suicide n’est pas une mort banale. Tu ne t’y attends pas, et la journée où ça arrive, tu te demandes comment faire pour vivre avec ça."

Sylvie Fortin

Les frères et les soeurs du défunt (ils sont 10) ont d’abord choisi de ne pas vivre leur deuil publiquement et de ne pas étaler leur histoire dans les médias. Puis, tranquillement de leur douleur a émergé une volonté de transformer le décès de leur frère en une action positive et constructive. C’est ainsi qu’au mois de novembre dernier, ils ont mis sur pied la Fondation André Dédé Fortin, bien conscients que la popularité de leur frère constituait un puissant moteur pour soutenir la cause de la prévention du suicide. Hélène et Sylvie Fortin en sont les porte-parole. "Même si on a pris notre temps, ça brasse encore à l’intérieur, confie cette dernière. Ça faisait quelques années qu’on recevait des demandes de toutes sortes pour ce genre d’action, mais il fallait d’abord se laisser le temps de retrouver une certaine forme de paix."

Tristement reconnu pour son taux élevé de suicide, le Québec compte 1 200 personnes qui commettent l’irréparable chaque année. Cela représente de trois à quatre suicides par jour. Et c’est sans compter les tentatives ni les personnes qui y songent.

La fondation André Dédé Fortin n’apportera pas de soutien direct. Elle s’est plutôt donné comme mission de contribuer aux efforts déjà entrepris de prévention du suicide et des maladies mentales en faisant d’une part la promotion des services d’aide existants et de l’importance de s’y référer et, d’autre part, en sollicitant des dons. Les fonds recueillis auprès de la communauté et lors d’événements comme le grand spectacle-bénéfice qui aura lieu le 7 février seront donc versés à des organismes déjà implantés au Québec.

Il semble que ce genre d’initiative s’inscrive dans le cours le plus naturel des choses: "Dédé était un homme qui pensait aux autres et qui s’impliquait dans toutes sortes de causes. Avec les Colocs, on a quasiment fait plus de spectacles-bénéfices que de spectacles payants!", lance Mike Sawatsky, un ancien membre du groupe qui a participé avec la famille Fortin à la mise sur pied de la fondation. "Je suis longtemps resté bouleversé après sa mort, poursuit-il. Ma vie a été à l’envers pendant quelques d’années, mais à un moment donné, j’en ai eu assez d’être triste et j’ai décidé de ne garder en mémoire que le positif." C’est d’ailleurs l’un des buts du spectacle, qui se voudra d’abord une rencontre festive: "On veut insister sur la vie de Dédé et non sur sa mort, ajoute-t-il. Mais bien sûr, il faut parler de la mort si on veut arriver un jour à briser le tabou."

Voilà, le mot est lâché: "tabou". Celui-ci reviendra sans cesse dans la bouche des personnes interrogées au sujet du suicide. Si on préférera en général contourner le sujet en parlant de "disparition" ou de "départ", c’est que cette détresse fait peur. Mais c’est bien cette détresse qu’il faut affronter à la base pour prévenir les désastres. Et plus on en parlera, plus cela sera possible.

Les soeurs Fortin souhaitent que ce spectacle soit le premier d’une longue série et imaginent cette soirée à l’image de leur frère: "On veut danser et donner aux gens le goût de continuer à vivre!", lance Sylvie. "Dédé sera en quelque sorte parmi nous et viendra taper du pied!"

PLACE À LA FÊTE

Richard Séguin

Produit par Guy Latraverse et sous la direction musicale d’Éric Goulet, ce spectacle réunira sur la scène du Spectrum Michel Rivard, Antoine Gratton, Jonathan Savage, Damien Robitaille, Richard Séguin, Marc Déry, Richard Petit, Xavier Caféïne, Stéphane Côté, Jean Arsenault et les ex-Colocs. À ceux-ci se joindront la troupe de danse "gumboot" Bourask ainsi que 30 percussionnistes.

DE L’IMPORTANCE D’Y PRENDRE PART

Richard Séguin: "J’étais à la campagne quand j’ai appris sa mort. Ce fut un choc. On ne sait pas comment réagir dans ces moments-là, car ceux qui partent nous laissent avec un terrible silence. Dans ces situations tellement tristes et tellement révoltantes, il y aura toujours des "pourquoi" auxquels on ne trouvera pas de réponse. Surtout quand le geste est posé par quelqu’un comme lui qui, en apparence, avait autant de joie de vivre et qui brûlait de passion. C’est par ce genre d’événements qu’on parviendra à faire parler les silences."

Xavier Caféïne

Xavier Caféïne: "J’étais dans mon local de pratique, on allait faire une répète et mon bassiste est entré dans le local en disant: "Dédé est mort". Ça a scrapé le jam. Que quelqu’un s’inflige lui-même la mort, c’est toujours dérangeant. La fin n’est pas à 16 ans, 30 ans ou à 40 ans. C’est important que ceux qui y pensent puissent savoir que des issues existent, mais il faut que ces portes de secours soient visibles… et c’est le but de ce projet."

Pour faire des dons:
Fondation André Dédé Fortin
www.fondationandrededefortin.com/
[email protected]
514 916-3333 (916-DÉDÉ)
Le spectacle Dédé… pour la vie!
Le 7 février, 20h
Au Spectrum