L’écho, comme vous le savez, c’est la réflexion du son.
En grandissant, comme pour le reste, on s’habitue à ce phénomène physique et cela entre dans l’ordre des choses de la nature auxquelles on prête rarement attention. Mais les enfants qui découvrent l’écho, eux, en profitent comme des p’tits fous. Avec la même ardeur qu’ils mettent à faire splasher les trous d’eau à pieds joints, lorsqu’ils trouvent l’endroit propice, ils peuvent gueuler comme des perdus à s’en casser la voix, juste pour voir si l’écho va se tanner avant eux.
Le plus souvent, ils le découvrent dans une église, pendant des funérailles ou un mariage, ou alors pendant que vous en visitez une, genre cathédrale monstrueuse aux confins de l’Europe, et là, vous devez sortir après que tout le monde vous ait fait les gros yeux. Même si le groupe de touristes allemands derrière vous beugle plus fort encore.
Tout cela pour dire que l’affaire de Hérouxville et son code de vie, c’est un peu comme l’écho.
Un écho lointain, faut-il spécifier.
Depuis leur village, les élus de Hérouxville ont entendu parler des accommodements raisonnables, des demandes ridicules de quelques illuminés concernant les sapins de Noël, et les voilà qui répondent. Mais comme c’est souvent le cas du son d’origine et de son écho, la nature des inquiétudes provenant principalement de la métropole a subi une profonde distorsion dans le processus de réflexion des ondes.
Ainsi, la défense de certains droits fondamentaux devant les demandes de communautés culturelles et/ou religieuses est devenue pure niaiserie alimentée par l’ignorance, pour ne pas dire la bigoterie.
Et comme si ce n’était pas assez, ce pénible écho se mêle à quelques autres.
L’écho opportuniste de Mario Dumont qui reprend l’idée pour en faire un cheval de bataille électoral. L’écho populiste de quelques animateurs de radio. L’écho médiatique d’une journaliste affublée d’une burqua qui nous la joue "témoignage depuis le terrain".
Puis il y a l’écho de l’écho. Les courriers de lecteurs qui affluent dans les quotidiens, et qui félicitent les gens de Hérouxville "de se tenir debout", de "mettre leurs culottes", ou qui annoncent, sans craindre le ridicule: "Je déménage à Hérouxville", en spécifiant sous leur signature qu’ils viennent de ce haut-lieu de la mixité culturelle qu’est Granby.
Ce vacarme frauduleusement déguisé en exercice démocratique ne vous donne pas mal à la tête, vous?
Bon, je vous vois venir, vous allez me dire que les élus de Hérouxville sont comme des enfants qui gueulent dans la cathédrale des tenants de la Vérité, et qu’on les tire par le bras vers la sortie. Justement, oui, des enfants. Et qui hurlent des gros mots sans toutefois comprendre ce qu’ils signifient. Ils répètent. C’est l’écho, je vous disais.
Aussi, il ne s’agit pas de gronder, mais d’expliquer. Expliquer que, oui, on parle ici du "vivre chez nous", mais aussi du "vivre ensemble". Que les deux ne sont pas nécessairement incompatibles. Faut juste trouver le mode d’emploi, comme je l’ai déjà écrit ici, et ce mode d’emploi, je ne le vois nulle part dans ce "code de vie" dont on parle depuis quelques jours.
Je n’y vois que peur, réaction démesurée, et surtout, une profonde incompréhension de l’autre qui n’est jamais très loin du racisme. Se tenir debout et faire un bras d’honneur, c’est pas exactement la même chose, savez.
Sauf qu’en attendant, les autres, tous ces échos à l’écho, vous pourriez pas vous la fermer deux secondes et réfléchir un peu avant de dire des conneries et d’en rajouter?
Anyway, pour l’instant, je ne vois pas comment vous pourriez arriver à penser convenablement avec tout ce bruit.
Une sorte de bruit blanc.
Parlant de bruit, je ne pensais pas en provoquer autant avec mes deux dernières tartines. La première sur le film L’Illusion tranquille, la seconde sur le néopuritanisme.
Seulement avec les courriers et les réactions en ligne des semaines passées, je pourrais vous concocter au moins une dizaine de chroniques consacrées à vos réponses. N’ayez crainte, on y viendra. En attendant, la suite d’une histoire dont je vous parlais avant Noël. Vous savez, celle de ce survivant du cancer qui s’est retrouvé sans le sou pour recevoir sa famille aux Fêtes.
Eh bien non seulement a-t-il trouvé un peu d’aide -notamment grâce à deux lecteurs que je tiens à remercier pour leur don -, mais en plus, il me raconte cette courte histoire qui parviendra peut-être à apaiser les quelques coincés du cul qui m’écrivent des bêtises depuis une semaine.
C’est tout simple, il n’y a rien à ajouter. Je le laisse donc raconter.
"Une dizaine de jours après Noël, je suis allé prendre une bière dans un petit bar du Vieux-Québec. Il y avait là une joyeuse bande de femmes de Charlevoix. J’étais le seul mâle dans la place. J’ai dansé, chanté, et j’ai trouvé une belle amie de 60 ans, Mireille. Pour la première fois, depuis si longtemps, j’ai osé faire l’amour et redécouvert le parfum et la douceur du corps d’une femme. Le cancer m’avait tellement éloigné de la vraie vie. Je l’ai revue à Charlevoix et chez moi. Je revis."