L’heure est à l’évaluation pour les églises de Québec
Réaménagement. Rénovations. Mise aux normes. Tout un défi attend les 63 églises du diocèse de Québec, avec, au bout du compte, une facture qui risque bien de s’élever à 23 M$. Mais ce défi, elles comptent bien le relever.
Pour l’instant, les différentes paroisses du territoire préparent un plan directeur, question de bien cibler leurs besoins pour les années à venir, et aussi d’appréhender les moyens qui seront mis en oeuvre pour y arriver. Pour 2007, on prévoit deux fermetures, soit Sainte-Maria-Goretti, dans la paroisse Saint-Charles-Borromée, et Bon-Pasteur, à Charlesbourg. Il s’agit des troisième et quatrième églises qui sont reconverties depuis l’an 2000. "Les paroisses qui possèdent beaucoup d’églises font le constat qu’elles en ont peut-être trop pour leur propre utilisation", explique Rémi Dion, responsable du Département des fabriques du diocèse de Québec. Il faut dire que, côté budget, plusieurs paroisses font face à une hausse quant aux coûts d’énergie ou d’assurances.
Malgré tout, pour l’instant, elles réussissent à présenter des budgets équilibrés, tout en perdant peu à peu leur marge de manoeuvre financière. Actuellement, 29 fabriques voient un surplus dans leurs opérations budgétaires courantes, contre seulement neuf qui sont déficitaires. "Bon an, mal an, la plupart réussissent à équilibrer leur budget", note M. Dion. Budget qui, pour la grande majorité, se situe entre 200 000 $ et 500 000 $ par an.
Toutefois, la grande partie de ce financement, soit 80 %, provient des campagnes de dons et d’offrandes. "La population et les catholiques répondent assez bien aux demandes d’aide annuelles. Les gens sont généreux. Mais, lorsqu’on doit s’occuper d’un bâtiment important, ça demande un effort considérable, et, quelquefois, la paroisse n’a pas la capacité de le faire", remarque Rémi Dion. Ainsi, pour des réfections ou des rénovations d’envergure, nombre de paroisses doivent faire appel aux enveloppes issues du ministère de la Culture et des Communications (MCC), par l’intermédiaire de son Fonds du patrimoine religieux, appuyé par la Ville de Québec.
L’ENTENTE DE 1999
Il faut dire qu’en 1999, le diocèse a signé une entente avec ces deux parties, stipulant notamment que le Ministère "fournira l’aide financière nécessaire à la conservation et à la restauration de l’intérieur et de l’extérieur des églises de catégorie 1, et de l’extérieur des églises de catégorie 2, en tant que biens patrimoniaux, tant qu’elles sont ouvertes au culte ou jusqu’à ce qu’une autre fonction y soit logée". "Le Ministère aide à la restauration des églises dont la valeur patrimoniale est élevée", indique Claude Rodrigue, conseiller en communication au MCC. Sur le territoire, des églises comme Saint-Roch ou Saint-Jean-Baptiste, ou encore Notre-Dame-des-Victoires, sont cotées 1. Une église comme Sainte-Geneviève, à Sainte-Foy, sera cotée 2, alors que, dans la même paroisse, La Visitation recevra une cote 3. Ces évaluations permettent ainsi d’orienter les priorités.
Le Fonds du patrimoine religieux a fourni, depuis sa création en 1995, près de 150 M$ pour les églises de la province, soit environ 12,5 M$ par an. "Le Québec est la seule province à avoir un programme pour la restauration du patrimoine religieux", ajoute M. Rodrigue. Toutefois, pour avoir une valeur patrimoniale élevée, et donc être admissibles au programme, les églises doivent avoir été bâties avant 1945. Les autres peuvent être aidées par le Fonds du patrimoine culturel, dont un volet touche les bâtiments religieux. "Il s’agit d’une enveloppe provinciale de 10 M$ annuellement, créée en bonne partie grâce à la taxe sur le tabac", continue-t-il.
Le Fonds du patrimoine religieux, dont les orientations sont déterminées par les acteurs du milieu, est par la suite complété financièrement par la Ville de Québec. "Nous ne sommes pas maîtres d’oeuvre dans ce dossier: on suit les décisions du Fonds", souligne François Moisan, conseiller en communication pour la Ville. Pour cette année, un montant de 300 000 $ a été inscrit au budget.
FINANCEMENT À LA PETITE SEMAINE
Toutefois, ces fonds et leur renouvellement ne s’appuient pas nécessairement sur une vue à long terme. "Il n’y a pas d’aide qui est projetée dans le futur. Elle est accordée annuellement", souligne Claude Rodrigue. Ainsi, selon Rémi Dion, la Ville et le Ministère devront éventuellement se doter d’une politique d’investissement à long terme afin d’aider les fabriques à assurer la survie de leurs infrastructures. "Ce qu’on demande, c’est un programme d’aide pour les bâtiments. Il y a déjà des efforts de faits, mais je pense qu’il va falloir augmenter le rythme de l’aide fournie", considère-t-il.
D’après lui, au cours des 10 à 15 prochaines années, 23 M$ devront être investis sur le territoire du diocèse, simplement pour garder les édifices en état. "Là-dessus, les fabriques vont assumer leur part", précise M. Dion. Elles ne pourront toutefois en assumer la totalité, mais contribueront plutôt pour une moyenne de 50 % à 60 % du budget nécessaire, selon les fabriques. "Chaque église est un cas particulier", commente-t-il.
DE NOUVEAUX BESOINS
Il faut dire, pour ajouter à la réflexion, que les besoins des églises ont bien évolué au fil des années. De plus en plus, les fabriques louent des espaces à des organismes communautaires, par exemple. "Et ce sont souvent des organismes de services, ils ont besoin de lieux d’accueil", précise M. Dion. Les activités des paroisses ont, elles aussi, progressé. "C’est sûr qu’elles ont besoin d’un lieu de culte, mais elles en ont aussi de plus en plus besoin pour des activités de catéchèse", poursuit-il. Le défi, pour lui, est ainsi de prendre l’édifice et de lui permettre de mieux répondre aux besoins et à l’usage d’aujourd’hui.
Selon Rémi Dion, il faudrait ainsi cesser de voir l’église uniquement comme un endroit où l’on va à la messe. "Il y a d’autres pratiques de nature pastorale. Aussi, déjà, il y a une grande participation entre les paroisses et beaucoup de petits organismes sociocommunautaires", note-t-il, citant en exemple, entre autres, les Alcooliques anonymes, la Saint-Vincent-de-Paul, des organismes de distribution de vêtements. "Il y a beaucoup de petits groupes qui ont besoin d’un lieu de rassemblement, et les églises servent à ça. En prenant soin d’un bâtiment, on s’assure que les gens auront des lieux de rencontre. Parfois, c’est pour 5 ou 6 personnes, parfois c’est plutôt pour 500 ou 600 personnes", considère M. Dion.
Et, pour le moment, l’état de ces bâtiments est acceptable. "Règle générale, ils sont en bon état, bien entretenus, mais ce qui fait peur à tout le monde, c’est que si on veut continuer à ce rythme-là avec les infrastructures, avec les coûts pour remettre aux normes, tout seuls, on n’est pas capables de relever ce défi-là", déplore Rémi Dion. Reste à voir si, autant du côté public que privé, on répondra à l’appel.