La télé en mutation
Société

La télé en mutation

Notre télé n’a plus d’argent pour faire des séries lourdes. En revanche, ses patrons nous proposent encore des feuilletons à rebondissements. L’avenir de la télé, la saga…

La crise que traverse actuellement l’industrie de la télé a atteint un sommet récemment lorsque, dans un geste inattendu, deux câblodistributeurs canadiens (Shaw et Vidéotron) ont suspendu le versement de leurs contributions mensuelles au Fonds canadien de télévision (FCT). Résultat: plusieurs productions qui dépendent de ce Fonds ont vu leur avenir menacé.

Fin janvier, en entrevue au Devoir, le vice-président principal des services français de Radio-Canada, Sylvain Lafrance, a réagi au geste en traitant de "voyou" le patron de Quebecor Media (et propriétaire de Vidéotron), Pierre Karl Péladeau. Les couteaux volent bas.

M. Péladeau a répondu par une poursuite de 2,1 millions $ pour dommages moraux…

Bref, un feuilleton.

Derrière cette crise se cache toutefois une réalité que personne ne nie: notre petit écran est en pleine mutation.

D’une part, les téléspectateurs désertent les grandes chaînes généralistes au profit des spécialisées ou d’Internet. Les généralistes ont de plus en plus de mal à rejoindre de vastes auditoires. Les revenus publicitaires sont en baisse. Il y a moins d’argent à mettre à l’écran. La qualité générale de la programmation s’en ressent.

D’autre part, les réseaux de télévision sont aussi dans le train des nouvelles technologies. Tout un bouquet de plates-formes de diffusion émergent: télé sur Internet, sur le cellulaire, sur iPod; télé à la demande, haute définition… Le paysage télévisuel dépasse désormais le simple cadre du petit écran. Pour s’y adapter, il faut des investissements et un nouveau cadre réglementaire.

Voilà où nous en sommes.

En ce qui concerne l’avenir du financement de notre télé, plusieurs visions s’entrechoquent.

Le 12 février dernier, Pierre Karl Péladeau présentait sa proposition pour régler la crise actuelle. Son idée: plutôt que de verser 19 millions $ par année au Fonds canadien de télévision, Quebecor Média s’engagerait à verser 108 millions $ sur trois ans dans un nouveau fonds, le Fonds Quebecor. Cet argent servirait à financer les productions destinées à TVA, à Canoë, à Illico sur demande… En somme, aux membres de la famille Quebecor Media. Pierre Karl Péladeau veut donc investir plus d’argent dans ses poches.

Bien que l’idée de Quebecor ait été unanimement rejetée par le milieu de la télé, le CRTC a néanmoins annoncé qu’il se pencherait sur la proposition. Ce signe d’ouverture a poussé Quebecor à reprendre ses versements au FCT. "Nous sommes ouverts à aller discuter de notre proposition avec le CRTC", dit le porte-parole de Quebecor, Luc Lavoie.

Pour le patron des services français de Radio-Canada, Sylvain Lafrance, ce sont les règles actuelles du FCT qui posent problème, et non l’existence même du Fonds. "Le fait de devoir passer par le Fonds nous oblige à maintenir une grande diversité en télévision, souligne-t-il. Sinon, qui produirait des documentaires ou des émissions pour enfants? Il est beaucoup plus rentable d’acheter un jeu télévisé basé sur un concept américain…"

Remarquez, Le Banquier aurait peut-être des idées pour venir à bout de cette crise…