Pop Culture : La Pub illicite
Confortablement enlacé à l’être aimée, tu te gaves de ce que la télé a à vous offrir ce soir-là (choisissez votre émission, et votre chaîne préférée). Tu arrives presque à te convaincre que tu as bien fait de te permettre une soirée de pantouflard. L’émission n’est pas mauvaise, tu rigoles juste assez – et vlan! Une publicité vient te péter dans le front, te faire grincer des dents dans un interminable frisson que tu aurais envie de transformer en un long hurlement.
La publicité télévisée régionale est à l’art publicitaire ce que la pornographie la plus brute est à la séduction.
À ce titre, notre région n’est pas pire qu’une autre. Je me souviens même d’avoir frémis, les yeux révulsés par le décalage horaire, en zappant devant le petit moniteur d’une chambre d’hôtel à Lyon. Et quiconque a de la parenté à visiter ailleurs au Québec pourra tâter le pouls de cet art arythmique et inégalement exploité.
Cela étant dit, il ne faudrait pas pour autant croire que je rejette en bloc toute la publicité. Nuançons.
En fait, j’aime la publicité comme j’aime être séduit.
Un jour, alors que j’avais la carcasse secouée dans tous les sens par l’autobus qui me menait à l’université, une jeune femme était venue s’asseoir devant moi. Pas tout près, ni à côté. Juste en face.
Je ne suis pas misanthrope – j’aime foncièrement la race humaine malgré tous ses travers. Je suis seulement un peu farouche (je crois) et je n’ai aucun mal à vivre ainsi. C’est juste qu’en général, et bien malgré moi, le regard d’un étranger me fait tourner de l’oeil. Ce qui ne m’empêche pas d’apprécier qu’on vienne à ma rencontre.
Mais cette jeune femme avait si bien planté son regard dans mes yeux – rebondissement pour le moins inattendu en cette lointaine matinée -, que je n’avais pu m’en détourner. Et du coup, je remarquais le détail de ses cheveux, cette charmante manière qu’avaient ses mains de reposer sur son sac, presque entrelacées. Et voilà qu’elle me souriait d’une façon telle que je ne pouvais que lui répondre.
Arrêt suivant, je descendais. Cette rencontre fugace avait été vaine et pourtant m’avait impressionné.
Je ne l’ai jamais revue ensuite.
C’est ça, la publicité, pour moi. C’est un jeu de séduction à la fois percutant et tout en nuances. Une amorce qui peut être vaine, mais qui impressionne. Et qui reste en mémoire comme la lumière sur un papier photosensible, baignant dans une émulsion d’hormones argentique.
UN GALA?
S’il y avait un gala visant à célébrer l’excellence de la publicité régionale, je ne crois pas que nous aurions besoin d’une très grande salle…
Faisons l’exercice.
Dans la catégorie Publicité s’étant le plus illustré à l’échelle nationale, le lauréat est…
En novembre dernier, le festival Regard a été mis en nomination entre autres pour la publicité télé de sa 10e édition au Prix Coup d’Éclat! 2006. Ça se souligne. Et sa plus récente publicité, réalisée par Sébastien Pilote, attirait aussi l’attention.
Dans la catégorie Meilleure amélioration du concept publicitaire, le lauréat est…
Dans cette catégorie, c’est sans aucun doute la publicité de l’UQAC qui remporterait la palme. Beaucoup plus séduisante cette année que l’année dernière. HEUREUSEMENT, car pour une université qui forme en cinéma et qui offre un baccalauréat interdisciplinaire en arts…
Pour ce qui est de la catégorie poubelle Publicité nauséeuse et bâclée…
Il y a trop d’ex æquo pour en dresser la liste. Peut-être avez-vous des suggestions qui vous semblent incontournables?
Pour ma part, de l’événement à la formule immuable qui se permet de nous harceler de la même publicité insipide année après année, jusqu’au vendeur qui épargne de l’argent en se montrant la face dans sa publicité, je trouve que le choix est grand. Quand je vois qu’on ne prend même pas la peine de se payer des comédiens, ou que lorsqu’on le fait, on sous-exploite leur talent…
Je trouve aberrant que, dans une région où pullulent les jeunes comédiens, réalisateurs et scripteurs talentueux, si peu de commerces et d’organismes se donnent la peine de solliciter les services d’artistes qui ne demandent qu’à travailler dans ce domaine.
Aucune entreprise ne gagne à se payer – même à rabais – une publicité qui écoeure le monde. Qu’on légifère! Il faut que ça cesse, que ces publicités deviennent illicites. Ça me semble pourtant clair, c’est une erreur de lésiner sur l’image.
Si une séance collective de moquerie sur le dos de la mauvaise publicité vous intéresse, l’organisation des Soirées de la vidéo indépendante présente pour une deuxième année consécutive son concours Parodie la pub!, qui se déroulera dans le cadre de la Longue Nuit du court, le 31 mars prochain, à la galerie Séquence. D’ici là, ceux qui sont plus incisifs que moi peuvent se permettre de faire leur propre parodie (vous avez jusqu’au 21 mars pour le faire) – informez-vous: [email protected].