Gel des frais de scolarité : Consensus à bout de bras
Le 16 février dernier, 2 % des étudiants de premier cycle ont pris position pour le gel des frais de scolarité, entraînant dans leur sillage les 98 % qui ne se sont pas prononcés. Peut-on parler de position représentative?
Les résultats sont éloquents, pourrait-on croire, en observant que 77 % des étudiants présents à l’assemblée générale ont voté pour "un gel complet des frais de scolarité dont les frais afférents, les frais de gestion, les frais technologiques et les frais de toute autre nature". Mais 77 % de 2 %, ça fait pas beaucoup de monde. Seulement 451 étudiants présents pour "débattre", sur un ensemble de 28 000, est-ce que c’est tout ce que ça prend pour avoir une position officielle et légitime? Que dire alors de la décision de l’assemblée de refuser de tenir un référendum sur la question? "Un référendum dans ce cas aurait été plus juste", dénonce M. Jaison Lehoux, trésorier de l’Association des étudiants en sciences et génie de l’Université Laval (AESGUL). "Le débat était déjà fait et l’information avait circulé, les étudiants étaient au courant. Il y aurait eu plus de votes qu’à l’assemblée générale." Malgré tout, l’idée est rejetée. M. Marc-Olivier D’Amour, président de l’Association des étudiants en sciences de l’administration de Laval (AESAL), voit la situation de manière pragmatique: "Un référendum est plus légitime, mais l’assemblée générale est plus pratique; en référendum, les résultats auraient pu être 30 % pour la gratuité, 30 % pour le gel et 30 % pour l’indexation, qu’est-ce qu’on aurait fait avec ça?"
LA GAUCHE S’EXCITE ENCORE
Pourtant, l’idée du référendum ne s’est pas transformée spontanément en assemblée générale. "[Le référendum] était notre plan de match initial", avance M. Nicolas Fontaine, président de la Confédération des associations des étudiants de l’Université Laval (CADEUL). "Si le caucus des associations ne pouvait pas prendre position, nous organisions un référendum." Une pétition surprise de 500 noms déposée aux bureaux de la CADEUL a toutefois contraint à la tenue d’une assemblée générale sur la question des frais de scolarité. C’est ce qu’exigent les règles démocratiques de la CADEUL. C’est la même assemblée qui a refusé de tenir un référendum.
Qui est présent lors de cette assemblée? Tous les secteurs d’études ne sont pas également représentés. "Nos étudiants ne se déplacent pas dans ces assemblées générales, explique M. Lehoux. Le stéréotype, c’est que ce sont les étudiants en sciences sociales qui sont présents." Ceux-ci seraient plus favorables au gel des frais de scolarité que d’autres venant de différentes facultés. "Nous, en sciences et génie, on subit les manques de financement, soutient M. Lehoux. Nos laboratoires sont rendus virtuels au lieu d’être matériels." L’AESGUL défend la position de l’indexation des frais de scolarité au coût de la vie. M. Fontaine reconnaît que "certaines facultés étaient sous-représentées", en ajoutant toutefois qu’"il n’y a pas eu de "paquetage" d’assemblée. La preuve est qu’un amendement sur la gratuité scolaire a été rejeté." Malgré cela, M. Fontaine constate que les facultés de lettres, de sciences sociales et de sciences et génie étaient les plus représentées lors de l’assemblée. Est-ce à dire que la position tenue en assemblée générale vaut pour l’ensemble des étudiants? Les absents ont toujours tort et les facultés plus militantes se font entendre.
L’INDEXATION BÂILLONNÉE!
La situation s’enchevêtre davantage si on regarde les résultats du vote tenu une semaine auparavant, le 9 février, au caucus des associations. Cette instance de la CADEUL réunit l’ensemble des représentants étudiants de toutes les facultés de l’université. Une majorité d’associations se sont prononcées pour l’indexation en opposition au gel (34 contre 31). Par contre, la position pro-indexation n’a pas été adoptée parce qu’elle n’a pas obtenu l’aval des deux tiers des associations présentes. Il est vrai que nous sommes loin du 2 % de participation de l’assemblée générale.
Le caucus des associations a été le théâtre d’une sortie pour le moins controversée du président de la CADEUL. Juste avant le vote sur la proposition départageant l’indexation et le gel, M. Fontaine a exprimé publiquement sa position résolument pour le gel des frais. Certains représentants des associations étudiantes n’ont pas apprécié ce comportement. Prononcées à ce moment, ces paroles ont créé un certain malaise, certains y voyant une volonté de la présidence de forcer une position de gel. "Ce n’est pas le meilleur geste qu’il a fait, raconte M. Lehoux, c’était plus ou moins maladroit et plusieurs délégués ont demandé des excuses." De son côté, M. Fontaine rétorque: "J’ai décidé d’intervenir à ce moment parce que les délégués ne pouvaient pas changer leur vote, je ne pouvais pas les influencer. C’est par intégrité et transparence que l’exécutif a décidé de se prononcer."
Pourtant, en une semaine, les positions se sont transformées. Certains ont changé leur fusil d’épaule. M. Fontaine explique cette situation: "Après le caucus, il n’y avait pas de prise de décision, les gens ont alors fait une réflexion. Devant le besoin de prendre une position, plusieurs ont opté pour le gel." Pourquoi ne pas favoriser l’option qui a reçu le plus d’appuis lors du caucus? "Il est plus facile de rassembler les gens autour du gel que de l’indexation", remarque M. Fontaine.
L’AESAL a fait ce saut lors de l’assemblée. Sa position, votée par ses étudiants, est pourtant l’indexation, et c’est ce qui a été défendu au caucus. Cependant, lors de l’assemblée générale, l’AESAL a pris parti pour le gel. "L’indexation était minoritaire et nous voulions outiller efficacement la CADEUL pour les élections", explique M. D’Amour. Il nous assure cependant que son association tient toujours à sa position pour l’indexation, malgré son appel pour le gel lors de l’assemblée. L’AESGUL n’a pas suivi ce ralliement. "Notre mandat était de défendre l’indexation et nous n’avions pas de deuxième choix, soutient M. Lehoux. Nous avons décidé de le respecter."
Cette volonté de rassembler le plus de gens autour d’une position s’est fait entendre promptement. Une panoplie d’intervenants ont martelé l’importance de s’unir, l’objectif étant de pouvoir défendre légitiment cette position devant les partis en élection. "Nous voulions une position qui rallie une bonne partie des étudiants, soutient M. Fontaine, et nous ne pouvions pas être sans position." Le consensus s’est révélé être le gel des frais de scolarité. Est-ce que ça représente ce que les étudiants pensent vraiment? À qui devons-nous nous fier: aux représentants étudiants en caucus ou à 451 étudiants réunis en assemblée générale? Un référendum aurait eu au moins le mérite de fournir une réponse précise…( A.Goutier)
Les citations de la semaine
Élections obligent, nos politiciens sont en mode "déclaration choc". Nos journalistes sélectionnent pour vous quelques-unes des nombreuses perles – surtout les plus navrantes – que nous réserve cette course au pouvoir. Cette semaine: un concours de métaphores culinaires, animalières, et beaucoup de confusion concernant les couleurs et les slogans.
– Mario Dumont, en réaction au programme du Parti québécois dans la Presse canadienne: "Les carottes ne sont peut-être pas cuites, mais le programme est mou comme des carottes trop cuites."
– Toujours tiré de la Presse canadienne, un dialogue épique entre Marc Laviolette, du Parti québécois, et Jean Charest. Au sujet du remplacement du terme référendum par l’expression consultation populaire, M. Laviolette a indiqué: "Moi, je ne ferai pas de religion des mots. Chat blanc, chat noir, l’important, c’est qu’il attrape la souris." La réponse de M. Charest? "Voilà ce que pense André Boisclair de vous, les citoyens du Québec, de chacun d’entre nous, comme si nous étions une souris qu’on doit attraper. Ça ressemble à Jacques Parizeau qui, rappelez-vous, avait dit que c’est comme la trappe à homard. Une fois que le homard entre dans la trappe, quand il parlait des Québécois, il est pris."
– André Boisclair, dans La Presse, au sujet du nouveau slogan du PLQ: "Après avoir passé quatre ans à nous diviser, à nous dresser les uns contre les autres, le Parti libéral, comme un pompier pyromane, veut maintenant nous unir."
– Scott McKay, du Parti vert, à Radio-Canada, sur les nouvelles couleurs du PQ: "Lorsque le Parti québécois affiche des couleurs vertes, nous estimons qu’il nous aide dans notre campagne." (R.Poirier)