Nicolas Hulot : Le pacte vert de Nicolas Hulot
Le Pacte écologique proposé par le militant environnementaliste Nicolas Hulot est rapidement devenu en France un phénomène social, à tel point que les deux principaux candidats à l’élection présidentielle hexagonale, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, l’ont entériné sans rechigner.
Vous voulez conférer à votre Pacte écologique une vocation mondiale, afin que d’autres pays adhèrent à votre action pour sauver la planète Terre?
"Tout à fait. Pour l’instant, le Pacte écologique est une initiative qui s’inscrit dans un espace franco-français. Mais nous aimerions aussi que notre action fasse tache d’huile outre-Atlantique. C’est très important parce qu’il va bien falloir à un moment ou à un autre que le monde se réveille et regarde lucidement la réalité en face, pas pour s’en effrayer, mais pour se responsabiliser vis-à-vis de ce nouveau paramètre incontournable qu’est le défi climatique et écologique."
Comment comptez-vous mettre en oeuvre les grandes lignes de ce Pacte écologique?
"Nous avons formulé cinq propositions concrètes pour mettre en oeuvre ce Pacte. 1- Mettre l’environnement au coeur de l’État avec la nomination d’un vice-premier ministre chargé du développement durable. 2- Instaurer une taxe carbone en croissance régulière jusqu’à la réduction par quatre des émissions de gaz carbonique. 3- Offrir un marché à l’agriculture de qualité en réorientant progressivement les subventions agricoles vers une restauration collective à base de produits certifiés. 4- Soumettre systématiquement les orientations du développement durable au débat public. 5- Promouvoir une grande politique nationale d’éducation et de sensibilisation à l’écologie et au développement durable."
Instaurer une taxe carbone, est-ce une initiative réaliste politiquement et viable économiquement?
"Oui. Cette taxe carbone aurait pour particularité de croître de manière régulière chaque année, jusqu’à ce que l’objectif d’une division par quatre des émissions de gaz carbonique soit atteint. Elle s’appliquerait à tous: administrations, collectivités territoriales, agriculture, pêche, industrie, services, ménages… Le but d’une taxe carbone est de provoquer la baisse de la consommation d’énergie fossile (pétrole, gaz et charbon) de manière progressive, pas de remplir les caisses de l’État."
Selon vous, la crise écologique va nous contraindre à réhabiliter la démocratie participative.
"De gré ou de force, nous allons vers des mutations profondes. Il y a des gens qui pensent qu’on va pouvoir continuer à vivre comme avant et qu’on a toujours le choix entre changer ou ne pas changer. Mais diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre, ça ne pourra pas se faire avec des mesures légères, mais lourdes. Il y a aujourd’hui un certain nombre de ressources naturelles qui arrivent à épuisement, dont le pétrole. Il va donc falloir faire jaillir ensemble une société de modération. Ça ne pourra se faire qu’avec des changements de logique profonds. On ne peut pas organiser cette mutation, ni la décréter d’autorité. Il va bien falloir que les gens se l’approprient. Le meilleur moyen pour y arriver, c’est de mettre en place des principes de démocratie participative ou des débats publics, et de les rendre obligatoires pour un certain nombre de choses. Nous proposons de recourir à des procédures de démocratie participative, en soumettant systématiquement en amont au débat public toutes les grandes décisions nationales en matière de développement durable, afin d’éclairer les choix des élus, d’informer et de responsabiliser la société."
Que pensez-vous de l’accord de Kyoto?
"L’accord de Kyoto est essentiel, mais insuffisant. Ceux qui ont ratifié cet accord ne se mettent pas toujours, du moins pour l’instant, dans des postures qui leur permettent de mettre en oeuvre ses principaux objectifs. Il faut se méfier des idées simplistes. Ceux qui apparaissent vertueux ne sont pas forcément ceux qui le seront.
Ceux qui n’ont pas ratifié l’accord de Kyoto ont pris un risque énorme: démotiver des pays émergents. Sur les plans symbolique et psychologique, la non-ratification de cet accord a un effet désastreux. Mais le protocole de Kyoto a une vertu, c’est d’inverser des tendances. Gardons à l’esprit que Kyoto ne représente que 5 % ou 7 % de l’effort qu’il faudra que nous fassions tous pour arriver à une division par deux ou par quatre, selon les pays, de nos émissions de gaz à effet de serre. Gardons à l’esprit qu’aux États-Unis, le principal pays pointé du doigt, tout le monde n’est pas sur la ligne Bush. Mon sentiment, c’est qu’aux prochaines élections présidentielles américaines, en 2008, ce dossier capital devrait basculer positivement."
Êtes-vous pessimiste ou optimiste en ce qui a trait à l’avenir de la planète?
"Je dis souvent que je suis d’un optimisme désespéré, c’est-à-dire que selon le regard que je porte, je suis optimiste ou très inquiet. Je suis pessimiste quand je vois l’inertie de notre système, mais je suis optimiste parce que je sais qu’on a les solutions. En tout cas, on ne peut pas se dédouaner en disant que c’est le rôle des politiques de gérer seuls cette grave crise. Le but du Pacte écologique, c’est de créer une synergie entre la volonté populaire et la capacité politique. Ce n’est plus un enjeu sectoriel, c’est un enjeu partagé."
Pour un Pacte écologique
de Nicolas Hulot
Éditions Calmann-Lévy, 2006, 279 p.
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