Pop Culture : Conte à rebours
Si le conte jouit d’une cote d’amour et de reconnaissance grandissante au Québec – spécialement avec sa coqueluche Fred Pellerin -, il est encourageant de constater que l’Outaouais est une de ses fières ambassadrices. En effet, en observant l’évolution de cet art de la scène ces dernières années, force est de constater que la région est un joli nid pour qui veut se raconter le patrimoine. Et cela est particulièrement notable depuis les cinq dernières années, soit depuis la tenue des Jeux de la francophonie de 2001 et la mise sur pied des Contes du mardi du Troquet. Évidemment, qui veut aborder la scène locale du conte ne peut passer sous silence l’apport du visionnaire Jacques Falquet, à l’origine de ces soirées, qui mangeait des contes pour le petit-déjeuner et qui avait espoir en son épanouissement dans sa région. Petite idée qui a fait du chemin puisqu’en plus des huit mardis au Troquet, l’organisme qu’il a fondé administre maintenant annuellement quatre soirées de Contes nomades à la Quatrième Salle du CNA ainsi que trois représentations des Contes du musée au Musée de l’auberge Symmes. Et comme une traînée de poudre, ces initiatives auront en quelque sorte influencé les manifestations artistiques environnantes, comme peut en témoigner la programmation du Salon du livre de l’Outaouais, qui accorde une place de choix aux conteurs.
Et j’ai comme l’impression que le conte n’a pas fini d’exploser dans la région, puisque le fervent Jacques Falquet a été récemment élu président du conseil d’administration du Regroupement du conte du Québec (RCQ) (http://conte-quebec.com), qui a été mis sur pied en 2003 et qui voit au soutien et à la promotion du conte dans la Belle Province. En plus de regrouper des membres, de construire un bottin électronique et d’assurer le lien entre diffuseurs et artistes, le RCQ engage une réelle réflexion sur cette forme d’art via son site Internet et différents événements qu’il encourage, comme la Journée mondiale du conte (20 mars).
L’engouement d’aujourd’hui pour cette tradition orale qui a déjà été menacée, avec l’arrivée du théâtre, puis du cinéma, de la radio, de la télévision et de l’humour, est on ne peut plus surprenant et réjouissant. Ces manifestations orales qui rejoignaient autrefois les illettrés dans un divertissement édifiant rallient maintenant un public de tous les âges et de tous les milieux. Qu’est-ce qui explique cette remontée? Peut-être est-ce une "pause santé" en réponse aux orgies de bruits, de lumière et de sons que nous offrent les médias technologiques? Peut-être voulons-nous nous défaire un tant soit peu de notre dépendance aux machines électroniques qui meublent nos maisons et notre quotidien?
Ce retour aux sources semble désiré par plusieurs d’entre nous. C’est que le conte demande un certain investissement de la part du spectateur, qui doit pratiquer une "écoute active", tout en laissant aller son imagination. Rien à voir avec plusieurs formes d’art modernes qui imposent comment regarder, quoi entendre, que ressentir. Les conteurs permettent cette liberté, cette détente intellectuelle dans les sentiers sinueux de l’imaginaire. Ils proposent les prémisses, les images, les symboles ou les codes; le reste se déroule entre les deux oreilles du spectateur. S’il y a autant de styles de performance qu’il y a de conteurs – certains empruntent au théâtre, à la danse, ou s’accompagnent de musique -, c’est que cet art vieux comme le monde jouit d’une liberté d’expression sans pareille, d’une diversité enviable parce qu’il a du vécu.
Et si les spectateurs de la région ont compris le charme de cette parole conteuse, moi, je demande: à quand un festival du conte en Outaouais?
En attendant, voici les prochains rendez-vous du conte: Contes du mardi avec Éric Gauthier le 13 mars au Troquet et Fred Pellerin à la Maison de la culture de Gatineau les 12 et 13 juin.