Pop Culture : Les voleurs d’enfance
Les artistes profitent d’une tribune privilégiée. Si quelques-uns l’utilisent d’une drôle de manière, d’autres s’en servent pour faire avancer des combats qui leur tiennent à coeur. En discutant avec l’un des membres de la famille d’EricPanic, j’ai eu vent de leur nouveau cheval de bataille. Les propos tenus étaient si troublants qu’ils ne pouvaient rester dans l’oubli…
Après un deuxième album (Le combat est au jardin) sorti à l’automne et un petit saut en Europe, la formation rock EricPanic avait décidé de souffler un peu. Trois mois de silence plus tard, elle redémarre la machine avec un premier spectacle au Bistro Côté Sud de Gentilly le vendredi 2 mars et un clip coup de poing, réalisé en animation, Soldat de plomb ou d’argent, qui devrait être lancé au cours des prochains jours. Le sujet de ce dernier donne le vertige: les enfants soldats.
Si le problème ne nous touche pas de manière directe, il touche une corde sensible. Du coup, on pense à tous les enfants qu’on aime et on les imagine habillés en petits militaires. On les voit sympathiser avec la violence, embrasser la mort. L’image est terrible, insupportable. On comprend alors pourquoi Julie Panic, auteure de plusieurs chansons du groupe, s’anime quand on la joint pendant son heure de lunch pour discuter de l’utilisation illégale des enfants dans les conflits armés. "Ça me crève vraiment le coeur de voir ça! C’est d’actualité, mais on n’a pas fait exprès…" dit-elle en faisant référence à la sortie du clip et à la Conférence internationale consacrée aux enfants associés aux groupes et aux forces armés qui se tenait les 5 et 6 février à Paris. "Je suis contente que les gens se réveillent un peu. Notamment, avec la conférence de Paris, on sent qu’il y a une volonté politique pour changer les choses. Mais il y a encore du monde qui ne sait pas que ça existe, ce phénomène-là. Donc, j’espère que la chanson va contribuer à ça." Elle poursuit d’une voix douce: "C’est certain que c’est quelque chose qu’on ne peut pas enrayer à 100%. Mais, en ce moment, on estime qu’il y a à peu près 300 000 enfants soldats dans le monde. C’est énorme! Ça a pris des proportions épouvantables. Ça fait quand même des années qu’on en parle, mais rien n’a été fait. Il est temps que ça diminue et qu’on prenne des mesures pour essayer de comprendre pourquoi il y en a autant. Bon, il y en a qui sont enrôlés de force, mais il y en a aussi qui sont volontaires. Ça, ça veut dire qu’il y a des conditions sociales dans ces pays-là qui font en sorte que ces enfants sont laissés à eux-mêmes. Il faut essayer de changer ces conditions-là et mettre en place des mesures pour réintégrer ces enfants dans la société. Car ils ont des traumatismes. On a réussi à en faire des machines à tuer. Ce sont des enfants de 10 ou 12 ans qui sont complètement "brainwashés". Pour eux, prendre un AK-47 et tuer un autre enfant, c’est aussi banal que se lever et prendre un verre d’eau." Par ailleurs, 40% des enfants soldats sont des filles. Un fait qui étonne. "C’est beaucoup. Et ces filles-là ne vont pas toujours au front. Elles deviennent des esclaves, la plupart du temps, sexuelles. Il y en a plusieurs qui sont engrossées par des soldats et qui sont après abandonnées dans des villages."
EricPanic ne se donne pas pour mandat de faire de la musique engagée. Cependant, si les valeurs qu’il véhicule font réfléchir, c’est tant mieux. Car il y a des problèmes qui ne doivent pas être niés. Et avec le clip Soldat de plomb ou d’argent, les membres du band espèrent susciter maintes réactions. "Si on en parle de plus en plus, les gouvernements n’auront pas le choix de faire des pressions", conclut la jeune femme. Effectivement. Car qui ne dit mot consent.