Le double combat du mouvement féministe
Société

Le double combat du mouvement féministe

Toutes les féministes sont du même avis: l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas encore un fait accompli. Avec une relève incertaine et des gouvernements moins réceptifs, le chemin risque d’être parsemé d’embûches.

"La condition des femmes a fait des progrès. La situation des femmes d’aujourd’hui n’est pas ce qu’elle était il y a 30 ans au Canada. Les progrès sont évidents, mais ça ne veut pas dire que c’est parfait", note Louise Langevin, titulaire de la chaire Claire-Bonenfant sur la condition des femmes. Pourtant, elle déplore que pour certains, la situation soit réglée, la bataille, gagnée. "En ce moment, il y a l’idée que l’égalité entre hommes et femmes a été atteinte, et pourtant ça n’est pas le cas. Il y a beaucoup de travail à faire", poursuit-elle.

C’est d’ailleurs pour poursuivre cette bataille que les groupes de femmes continuent à marcher à l’occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars. Cette année, le slogan est sans équivoque: Toute l’égalité, l’égalité pour toutes – Mission inachevée! Et le bât blesse dans plusieurs domaines: conciliation travail-famille, pauvreté, violence conjugale, iniquités salariales. À cet effet, les femmes gagnent actuellement, en moyenne, 29 cents de moins par dollar que les hommes. "Et nous sommes encore confinées dans le secteur des services, ainsi qu’une majorité à gagner le salaire minimum. L’égalité pour toutes est une mission inachevée, l’égalité économique, l’égalité politique ", note Émilia Castro, du Conseil central de la CNS Québec-Chaudière-Appalaches, et l’une des porte-parole de la Coalition des femmes contre la pauvreté et la violence.

Et les acquis du mouvement? Rien n’est moins sûr en ce qui concerne leur maintien actuellement. "Nous sommes dans une mouvance, une montée de la droite et des valeurs traditionnelles", relève Mme Castro. Cela sans oublier, bien entendu, les récentes coupes dans les programmes fédéraux liés à la condition des femmes. "Le gouvernement Harper a trop fait de compressions, note Louise Langevin, alors que le Canada avait une bonne réputation en tant que défenseur des droits de la personne." Ainsi, il reste essentiel de protéger les gains des dernières décennies. "Le progrès de la condition féminine est l’un des progrès les plus importants en matière de condition sociale au cours du siècle dernier. Mais ces acquis ne sont pas si solides que ça: on recule actuellement", fait-elle valoir.

Y A-T-IL UNE RELÈVE?

Dans tout ça, il reste aussi que le féminisme a souvent mauvaise presse, et cette situation se fait sentir chez les jeunes. "Les jeunes femmes ne s’identifient plus au mouvement féministe. Elles ont profité des batailles de leurs mères, elles ne voient pas les problèmes, elles ne voient plus nécessairement l’utilité du féminisme", déplore Louise Langevin. D’une certaine manière, ce sont les réalités du marché du travail qui pourraient bien éveiller la fibre féministe chez nombre de jeunes femmes. "Lorsqu’elles auront des enfants et qu’elles seront sur le marché du travail, ça changera la donne. Pour l’instant, elles n’ont pas de problèmes: elles ont accès à l’école, réussissent à l’université, mais lorsqu’elles seront avec un enfant sur le marché du travail, elles vont frapper un mur", estime Mme Langevin. C’est que, poursuit-elle, le marché du travail ne s’est pas adapté à cette nouvelle réalité. "À l’école, on pense que tout est beau, mais, à un moment donné, on entre sur le marché du travail, on se rend compte qu’il n’y a pas l’équité, et là, on se dit que ça n’a pas d’allure…" remarque de son côté Lyne Boissinot, autre porte-parole de la Coalition, travaillant au Centre des femmes de la Basse-Ville.

Il y a aussi le fait que les choses se font différemment aujourd’hui, selon Émilia Castro: le féminisme est associé aux autres mouvements sociaux. "Peut-être que les jeunes ne prendront pas les mêmes chemins que nous, mais ils veulent aussi changer le monde. Ils le font d’une autre façon", estime-t-elle. Ainsi, c’est d’abord la mission d’éducation qui prime, question de ne pas oublier les racines du mouvement. "Il faut partager cette histoire-là, pour bien faire comprendre que ce sont nos luttes qui ont mené à ces acquis", poursuit Mme Castro. Cette réalité en amène ainsi certaines à être plus optimistes en ce qui concerne la relève. "Il y a de plus en plus de jeunes femmes féministes: c’est la preuve qu’on fait un bon travail, de la bonne éducation", souligne Lyne Boissinot.

JEUNES FÉMINISTES

Malgré tout, il faut dire qu’à l’Université Laval, qui compte 35 000 étudiants, il n’y a plus de groupe féministe depuis deux ans déjà. Mais l’idée que l’intérêt n’est pas là pourrait bien être fausse. "Le problème, c’est qu’il y a cette idée ancrée qui dit que les jeunes femmes ne sont pas féministes", relève Laurence Fortin-Pellerin, étudiante au doctorat en psychologie. Entre 2002 et 2005, elle avait participé à la création d’un collectif féministe, qui, contexte d’études oblige, a fini par disparaître. "On est aux prises avec des inégalités depuis qu’on est nées. La conciliation travail-famille, c’est simplement quelque chose qui est visible. C’est que, jeunes, on s’est fait dire que tout était possible. On prend ça au mot, et, au final, on se rend compte que ça ne fonctionne pas comme ça", indique Mme Fortin-Pellerin. Selon elle, cette réalité peut ainsi être un moment de "prise de conscience", mais il peut aussi il y en avoir d’autres. "On se fait dire qu’il n’y a pas d’inégalité, alors que notre expérience personnelle nous dit que ce n’est pas le cas", ajoute-t-elle.

Bientôt, sur le campus, un nouveau groupe féministe pourrait bien voir le jour: Chantale Galimi, étudiante en études théâtrales, tente d’en démarrer un, axé sur la discussion, sur le partage. Cela, non sans difficultés. "J’ai l’impression que, de nos jours, c’est tabou de dire qu’on est féministe, parce que l’image que les gens en ont est quelque chose de négatif. Pour moi, être féministe, c’est l’égalité des chances, la liberté de choix", note-t-elle. Quant à l’avenir du féminisme, elle le voit plutôt sous l’angle de la collaboration. "Maintenant, il faut être capable de ne pas être en opposition avec l’autre sexe, mais plutôt en collaboration et en compréhension", suggère-t-elle, notant que c’est ainsi que l’égalité pourrait enfin devenir une réalité. Est-ce réalisable? "Être féministe, c’est vouloir changer le monde. Obtenir une parité où les hommes et les femmes vont être égaux… Parfois, on nous dit qu’on est utopistes, mais un autre monde est possible", répond Émilia Castro. "C’est utopique, mais pourquoi pas?" lance par la suite Lyne Boissinot.

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LES CITATIONS DE LA SEMAINE

Élections obligent, nos politiciens sont en mode "déclaration choc". Nos journalistes sélectionnent pour vous quelques-unes des nombreuses perles – surtout les plus navrantes – que nous réserve cette course au pouvoir. Cette semaine: un mea-culpa, une confrontation entre ADQ et PLQ, et l’amitié entre le PQ et la FTQ.

Sur les ondes de TVA, Jean Charest avoue ses erreurs… "Sur la question des impôts, effectivement, je n’ai pas livré ce que j’aurais voulu livrer", indique-t-il. Un peu plus tard, il ajoute: "On a fait autant qu’on a pu faire (…). J’avoue que non, on n’a pas pu faire tout ce qu’on voulait faire."

De son côté, Mario Dumont, dans la Presse canadienne (PC), se moque bien de la guerre des mots qui fait rage entre M. Charest et André Boisclair sur le thème référendaire: "Ils parlent d’un référendum dans leur aquarium; pour eux, c’est important, mais en dehors de l’aquarium, tout ce qu’on voit, c’est des bulles." Il ajoutera, concernant M. Charest: "Son thème de campagne était d’unir les Québécois. Là, il les divise en fonction de ce qu’ils ont voté au référendum il y a 15 ans."

La réplique de M. Charest ne se fait pas attendre et, dans la PC, il attaque le flou de la position de M. Dumont sur le sujet: "Sur une question comme celle-là, on ne peut pas être entre deux chaises. On est soit à un endroit, soit à l’autre. C’est le prix à payer pour être chef."

Dans La Presse, le président de la FTQ, Henri Massé, a donné son appui au PQ malgré un certain malaise envers l’idée d’un référendum "le plus tôt possible": "C’est dans le programme, et ça a l’air coulé dans le béton. À la FTQ, on n’était pas les plus grands supporteurs d’un référendum après la période électorale. Mais on voit que les militants du PQ en ont décidé ainsi. On va vivre avec."

Enfin, M. Boisclair, à Tout le monde en parle, revient sur le rôle de la lieutenant-gouverneur du Québec, Lise Thibeault: "On fait la souveraineté du Québec, puis on se débarrasse de cette institution ridicule qui nous coûte une fortune et qui n’a pas sa place. Cette personne-là n’est pas élue."