Le flanc gauche des verts
Société

Le flanc gauche des verts

Le Parti vert pourrait récolter une part importante du vote écologique le 26 mars prochain. De quoi faire fulminer les "solidaires", qui estiment que l’environnement est une valeur "de gauche". Il n’y a pas de fumée sans feu.

Vert émeraude, vert forêt ou vert pistache. Par les temps qui courent, tous les partis se mettent au vert. Avec des intentions de vote qui culminent entre 4 et 7 %, le Parti vert n’est pas assez important pour pousser les principaux partis à verdir autre chose que leur logo. Là où la tension monte, c’est lorsque la formation politique Québec solidaire, née de la fusion de l’Union des forces progressistes (UFP) et du mouvement Option citoyenne, invective les verts à serrer les rangs.

Il faut dire qu’avec seulement 6 % de l’appui populaire, Québec solidaire aimerait bien additionner ses bulletins de vote à ceux du Parti vert le 26 mars prochain. Dans un article publié sur le site partisan Presse-toi à gauche, l’intellectuel Pierre Mouterde, un membre notoire de Québec solidaire, condamne ce qu’il appelle "l’opportunisme vert" de Scott McKay.

Rappelant le refus du chef du Parti vert de former une coalition avec les "solidaires", le professeur de philosophie au collège de Limoilou se prend à rêver. "Imaginez seulement cette possibilité à l’aide de certains des sondages [9 % pour le Parti vert + 6 % pour Québec solidaire]. Sans même évoquer l’effet d’entraînement que cela aurait pu produire, vous auriez aujourd’hui une formation d’importance qui aurait pu – en talonnant l’ADQ et en concurrençant directement les grands partis – apparaître comme une véritable alternative."

Il n’est pas le seul à rêver. Au quartier général de Québec solidaire, on ne cache pas une certaine rancune à l’égard des verts. "Leur attitude est de dire qu’ils ne sont ni de gauche ni de droite. Nos associations locales existent! Contrairement à eux, ce qui fait toute la différence", colère Simon Tremblay-Pepin, membre du comité de coordination, le "Conseil des ministres" de la jeune formation politique. Au bout du fil, il qualifie le Parti vert de "parti champignon" qui apparaît avant les élections et disparaît ensuite. "Quand est-ce que vous avez entendu leur chef faire une déclaration entre deux élections? Nous, on est actifs même entre les élections."

La co-porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, n’hésite pas à tirer sur le flanc gauche des verts. "La différence entre les verts et nous, c’est qu’ils se disent écologistes, mais refusent de se dire à gauche. Alors que notre vision, c’est que si on veut être vraiment écologiste, on n’a pas le choix d’être de gauche." Pour réconcilier développement et environnement, il faut remettre en question les règles économiques, les modes de production et les appels à la surconsommation, défend-elle, et tout ça, "ça fait partie aussi des réflexions de la gauche".

Même si Françoise David reconnaît que le ton a monté d’un cran entre les deux formations, elle espère renouer le dialogue après les élections. "Nous appliquons la politique de la main tendue. Si le Parti vert veut discuter avec nous pour quelque collaboration que ce soit, nous sommes ouverts." Pour Simon Tremblay-Pepin, les verts ont fait un mauvais calcul en balayant la proposition de coalition avec Québec solidaire. "On leur a tendu la main à trois reprises, ce qui est à leur avantage. Pour l’organisation de terrain, ils ne sont pas forts comme nous."

Le problème, c’est que cette politique de la main tendue se bute à une fin de non-recevoir. De passage à Québec pour promouvoir la plateforme démocratique de son parti, Scott McKay s’est fait cinglant envers les revendications de Québec solidaire. "Tous les partis cherchent à récupérer le vote vert. Alors, c’est très important que les gens ne soient pas dupes de toutes ces belles promesses qui sont faites à gauche comme à droite", répond l’ancien conseiller municipal qui a réussi à présenter 108 candidats. En 2003, son parti n’avait brigué que 37 circonscriptions.

Scott McKay estime que l’urgence d’agir nous force à nous accommoder du système économique actuel. "La crise environnementale est devenue si préoccupante que si nous ne posons pas des gestes fermes et cohérents au cours des 10 ou 15 prochaines années, nous préparons un avenir extrêmement morose pour nos enfants. Ça implique qu’on arrête les vieilles chicanes droite-gauche, qu’on arrête ces vieilles chicanes sur la question nationale et qu’on prenne le virage écologique."

Parmi les solutions proposées par le Parti vert pour préserver l’environnement sans chambouler le système social, on compte l’écofiscalité, qui consiste à utiliser les taxes et les impôts pour encourager certains comportements et en décourager d’autres (comme baisser la TVQ sur les voitures hybrides et l’augmenter sur les biens non durables), l’installation du tramway à Québec afin de doter nos entreprises de transport propre, comme Bombardier, d’une vitrine internationale et la création d’un "fonds négaWatt", destiné à diminuer notre consommation d’électricité.

Le politicien est visiblement peu impressionné par les efforts des autres formations politiques. "Le Parti vert est un parti qui est là depuis une vingtaine d’années. Maintenant que nos efforts donnent des résultats, tous les autres partis veulent récupérer le vote vert. Je pense que la population ne sera pas dupe de ces petites manigances."

Françoise David répond que Québec solidaire n’a pas attendu le Parti vert pour se doter d’une plateforme écologique. Effet de mode ou pas, elle estime que ses partisans sont à l’avant-garde. "Notre commission thématique sur l’environnement, c’est celle sur laquelle nous avons le plus de militants."

Si le courant ne passe pas toujours entre Scott McKay et Françoise David, ce n’est pas le cas dans toutes les circonscriptions. À Bonaventure, les militants de l’association locale du Parti vert n’ont pas attendu le feu vert de leur chef pour copiner avec la candidate de Québec solidaire, Hélène Morin. Le 26 mars, ils ne présenteront pas de candidat afin de lui laisser le champ libre. Le président des verts de Gaspésie, Bob Eichenberger, n’y va pas par quatre chemins. "Les membres du parti ont fait valoir qu’on ne peut utiliser deux partis politiques en même temps pour promouvoir une même plateforme."

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LES CITATIONS DE LA SEMAINE

Élections obligent, nos politiciens sont en mode "déclaration choc". Nos journalistes sélectionnent pour vous quelques-unes des nombreuses perles – surtout les plus navrantes – que nous réserve cette course au pouvoir. Cette semaine: quelques attaques lancées au cours de ce dernier sprint avant les élections.

Un travailleur d’une usine de Varennes, Richard Lévesque, a apostrophé Jean Charest concernant ses promesses de baisse d’impôt. Au terme d’un échange coloré, le travailleur conclut: "Vous êtes mieux de ne rien dire parce que ça me coûte trop cher!"

De son côté, quelques jours avant le dépôt du budget fédéral, aussi dans La Presse, André Boisclair tirait à bout portant sur Mario Dumont… "M. Dumont, cette semaine, n’avait que des éloges au sujet de M. Harper. Il n’a même pas vu le budget, mais il l’a déjà couvert d’éloges. Ça s’appelle du jovialisme politique. Imaginez 30 secondes si c’était Mario Dumont qui devait négocier au nom du Québec à Ottawa le règlement du déséquilibre fiscal. Ce serait quoi, son rapport de force?" Quelques jours après le débat, dans la Presse canadienne, il rappelle l’un des bons mots qu’il avait lancé: "L’autonomie du Québec, si ça existait, on l’aurait!"

M. Charest a lancé, dans la PC, une attaque virulente qui, à mots voilés, semblait s’attaquer à Mario Dumont… "Ce que je sais, c’est que pour gouverner le Québec, ça prend une équipe très forte. Ça ne se fait pas avec une personne seule qui ne sait ni lire ni compter et qui présente des engagements mal ficelés."

Mario Dumont, lui, critique, dans le Journal de Québec, la décision de Boisclair d’aller de l’avant avec un référendum, coûte que coûte: "Avec peut-être 30 % d’appuis et 70 % des gens qui ne veulent pas d’un référendum, lui, il s’imagine, dans ses rêves, pouvoir le faire quand même. Quelqu’un qui pense comme ça, qui ne saisit pas les enjeux et les intérêts du Québec, c’est quelqu’un qui est susceptible de nous amener à foncer dans un mur avec l’avenir du Québec."

Et la veille du vote par anticipation, Jean Charest a lancé une critique sévère envers M. Dumont dans le Journal de Montréal: "À la veille du vote par anticipation, M. Dumont fait un déni de démocratie quand il refuse de dire le chiffre de ses engagements. Il demande aux Québécois de lui signer un chèque en blanc." (Propos recueillis pas Raymond Poirier)