Pop Culture : Salut Marleau!
C’est en toutes intimité et convivialité que Denis Marleau a voulu rencontrer les médias mardi dernier pour présenter sa septième et dernière saison, et ainsi dresser le bilan de ce qu’aura été son passage à la direction artistique du Théâtre français du Centre national des Arts (CNA). Eh oui, dès septembre de cette année, le metteur en scène de renommée internationale Wajdi Mouawad occupera le siège prisé de directeur afin de concocter des saisons théâtrales à son image.
Mais en attendant, Marleau a une dernière saison dans le fourneau, et on pourra dire qu’il aura été efficace jusqu’au bout, puisque la saison 2007-2008 du Théâtre français n’est pas piquée des vers, mêlant avec brio oeuvres du passé et du présent.
Ainsi, cette saison marque le retour dans son Ontario d’origine de Jean-Marc Dalpé, avec une pièce qui a eu un succès considérable à Montréal et que l’on attendait avec l’empressement d’un enfant: Août – un repas à la campagne, dans une mise en scène de Fernand Rainville. Notons aussi la présence de joueurs qui ont passé par le CNA ces dernières années, soit Alexis Martin, qui revient avec une audacieuse adaptation de L’Iliade d’après Homère, faisant le plein d’acteurs surdoués (Jacinthe Laguë, Jean Maheux, François Papineau, Vincent Bilodeau…). La pétillante Evelyne de la Chenelière revient au CNA avec Bashir Lazhard, adapté par son mari de metteur en scène, Daniel Brière. Le fascinant metteur en scène bulgare Galin Stoev revient nous éblouir avec Genèse n° 2, une autre oeuvre de l’auteur Ivan Viripaev (après Oxygène), co-écrite cette fois avec Antonia Velikanova et réunissant à nouveau les lumineux interprètes Antoine Oppenheim et Céline Bolomey.
Shakespeare sera à l’honneur et marquera la saison 2007-2008 avec, dans un premier temps, l’adaptation d’Othello, dans une traduction de Normand Chaurette, à laquelle s’attaque Denis Marleau avec, au nombre des comédiens, Pierre Lebeau, Christiane Pasquier et la magnifique Éliane Préfontaine (La Fin de Casanova, novembre 2006). Aussi, l’attendu La Rose et la Hache de Shakespeare nous arrive d’Europe en exclusivité nord-américaine, dans une mise en scène de Georges Lavaudant. Le duo Marleau-Chaurette récidive ensuite avec Ce qui meurt en dernier, un monologue ramenant la comédienne des Reines, Christiane Pasquier.
Autrement, notons les spectacles qui sortiront certainement du lot tels Moi chien créole, du jeune écrivain martiniquais Bernard Lagier, dans une adaptation du directeur du Théâtre du Grand Jour, Sylvain Bélanger (Cette fille-là avec Sophie Cadieux). Finalement, Jacques et son maître de Milan Kundera est inspiré de Jacques le Fataliste de Denis Diderot, dans une mise en scène de Martin Genest qui intègre l’art de la marionnette.
Le volet pour l’enfance et la jeunesse de la saison compte pour sa part cinq bijoux de pièces, alors que les spectacles-midi convieront les dîneurs aux mots de Montaigne, Pascal, Voltaire et Balzac, couchés sur des sonates de Scarletti. Info: www.nac-cna.ca
LE GRAND FINALE
Tout entouré de son équipe, c’était un Denis Marleau fébrile, confiant, serein, content et… "quand même un peu triste!" qui faisait le bilan des sept saisons qu’il a signées en tant que directeur artistique. Il en retient principalement des rencontres bienheureuses, des découvertes opportunes, des nouveaux paysages à explorer, des surprises…
Et si l’arrivée de Wajdi Mouawad est résolument remplie de promesses et amènera un vent nouveau sur Ottawa, c’est tout de même à un grand artiste que l’on dit "au revoir". Poursuivant sans cesse une réflexion sur le langage, Denis Marleau a toujours su joindre intelligemment les incontournables du répertoire théâtral à des oeuvres contemporaines, sans oublier les spectacles "hors norme" ou "plus radicaux" qui nous permettaient d’ouvrir nos horizons. Il a aussi mis sa confiance en des artistes qui, au fil des ans, ont évolué sous nos yeux, contribuant à nous faire la démonstration d’une parole théâtrale vivante et foisonnante.
Le départ de Marleau, c’est aussi dire "salut!" à un metteur en scène hors pair qui marque déjà son époque avec des productions toutes en subtilité, en poésie et en complexité, appuyées par des distributions irréprochables. J’ai personnellement été profondément marquée par les pièces Le Moine noir (Tchekhov) et Nous étions assis sur le rivage du monde (José Pliya), par leur hymne à la contemplation et à la beauté des mots. Et qui n’a pas été complètement obnubilé par ses fantasmagories technologiques qui nous amenaient à voir la représentation théâtrale autrement? Dans ce registre, Les Aveugles (adaptation du texte de Maurice Maeterlinck) demeurera toujours pour moi une expérience sensorielle exceptionnelle. Espérons que Mouawad gardera une place pour Marleau dans ses futures saisons! En attendant de découvrir ses prochaines confections, je dis "salut Marleau!", et à très bientôt!