Étudier l’humain
Plusieurs regards peuvent être posés sur l’être humain, plusieurs facettes peuvent être explorées. Mais, dans la plupart des cas, le parcours pour y arriver s’étendra sur de longues années, au cours d’études de deuxième et troisième cycles.
C’est donc un parcours de longue haleine qu’a emprunté la Dre Francesca Cicchetti: baccalauréat, maîtrise, doctorat, puis études postdoctorales. Au fil des études, il y a beaucoup de travail de laboratoire, souvent rémunéré, soit par l’employeur, soit par des bourses. Aujourd’hui, elle se retrouve à la tête d’un laboratoire au Centre de recherche du CHUL.
Après toutes ces années, sa formation se poursuit toujours… "L’apprentissage est constant: c’est comme si j’étais à l’école toute ma vie", lance-t-elle. Sa recherche, elle la fait dans le domaine du cerveau, alors qu’elle traite de l’élaboration d’approches thérapeutiques neuroprotectrices et réparatrices pour les maladies neurodégénératives. "J’ai toujours eu le désir de pouvoir participer au développement d’applications cliniques", poursuit-elle.
Tout cela, pour Francesca Cicchetti, avant d’être un métier, c’est une vocation. "La recherche, c’est relever des défis au quotidien. Si on aime le challenge, alors c’est le travail à faire", note-t-elle. D’ailleurs, elle souligne qu’il ne s’agit pas d’un travail routinier, loin de là: la variété est à l’honneur. La polyvalence se trouve d’ailleurs parmi les qualités qu’elle considère importantes chez un chercheur, aux côtés de la ténacité et de la curiosité. "Il n’y a pas un matin où je n’ai pas le goût d’aller travailler. Je ne compte jamais mes heures car c’est trop tripant", poursuit-elle.
Selon la position qu’on occupe dans le laboratoire, les tâches seront différentes. Certaines plus axées sur l’expérimentation, d’autres sur la gestion. Au menu? Demandes de subvention et de bourses, gestion du personnel du laboratoire, préparation des expériences et de la méthodologie, examen des résultats, préparations d’articles scientifiques. Et parfois, préparer le champagne, alors qu’on est à l’aube d’une avancée importante…
MULTIDISCIPLINARITÉ
Plusieurs métiers dans le domaine de la recherche font appel à la multidisciplinarité. C’est le cas de la génétique des populations, qui allie à la fois une étude sur les plans linguistique, culturel et biologique. "Jusqu’à maintenant, c’est l’outil le plus fiable pour connaître l’évolution de l’être humain", explique Claude Bhérer, qui a complété une maîtrise dans le domaine à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), avant de poursuivre vers le doctorat du côté de l’Université de Montréal. Par cette recherche, on vise à décrire, d’une part, la diversité qu’on trouve entre les différentes populations ainsi qu’à l’intérieur des populations elles-mêmes, tout en déterminant les facteurs qui ont mené à cette diversité.
C’est un baccalauréat en anthropologie qui l’a menée à cette maîtrise. Toutefois, d’autres voies peuvent conduire à ce domaine: certains viennent d’histoire, de sciences, de mathématiques. C’est le programme BALZAC qui les réunit à Chicoutimi. C’est qu’on y retrouve, archivés, tous les actes de baptême des débuts de la colonie jusqu’à 1940, ce qui crée un outil d’une valeur inestimable. Mme Bhérer considère aussi la curiosité comme une qualité incontournable de quiconque veut se lancer dans le domaine. "Il faut également être capable de s’intéresser à plusieurs choses. Puis, une fois lancé, c’est plutôt facile. Ça devient même intéressant. Bien entendu, il faut aimer tout ce qui a trait à la recherche, que ce soit la lecture, l’écriture, ou encore les mathématiques et les statistiques", ajoute-t-elle.
PASSÉ ET PRÉSENT
Bien entendu, quand on pense à l’étude de l’humain, on pense aussi à deux domaines incontournables: l’anthropologie et l’archéologie. La richesse du second, dans la province de Québec, est plus grande qu’on pourrait le croire initialement. Frank Rochefort, étudiant à la maîtrise en archéologie à l’UQAC qui travaille actuellement sur un site au Saguenay-Lac-Saint-Jean, a eu, lui, le coup de foudre pour l’archéologie québécoise lors de son baccalauréat, à l’Université Laval.
"Tout ce qui reste à découvrir au Québec est immense. Il s’agit de voir comment les cultures préhistoriques du Québec se sont adaptées à un terrain qui a tant changé, comment elles se sont adaptées à un si grand nombre d’environnements", explique M. Rochefort, relevant que la culture préhistorique qu’on découvre dans la vallée du Saint-Laurent est loin d’être la même que celle qu’on voit dans le secteur de la baie James.
Ces recherches archéologiques doivent être faites avec minutie, par des gens curieux qui possèdent un bon esprit d’analyse: il s’agit de pouvoir bien interpréter ce que l’on trouve, de porter attention aux détails. "Le but de l’archéologie, ce n’est pas de présenter un outil, c’est d’apprendre à connaître la personne qui a utilisé ou construit l’outil", continue Frank Rochefort. D’ailleurs, le travail de fouille ne représente qu’environ 30 % de la tâche de l’archéologue, le reste étant laissé à l’analyse.
L’arrivée sur les nouveaux terrains de fouille reste souvent grisante. "C’est toujours le fun de couvrir un nouveau terrain. La première journée, tu ne sais pas ce que tu vas trouver", souligne M. Rochefort. Et une fois le projet terminé? Soulagement et satisfaction, selon lui. "Peut-être aussi un peu de regret, car on ne trouve pas toujours les réponses auxquelles on s’attendait. Mais aussi de la surprise, car on trouve des réponses auxquelles on ne s’attendait pas", dit-il.
Alors que certains étudient l’homme à travers les vestiges qu’il laisse derrière lui, d’autres préfèrent jeter un coup d’oeil à son côté social, par l’anthropologie. Ici également, les études supérieures restent un incontournable. "Le baccalauréat est assez général. Pour pouvoir faire de la recherche, il faut pousser jusqu’à la maîtrise ou encore au doctorat", remarque Suzie Gagnon, qui termine une maîtrise à l’Université Laval. Pour elle, l’anthropologie offre une vision "un peu plus globale, qui tient compte des différents facteurs qui influencent la manière dont l’humain vit en société".
Selon le sujet d’études, le domaine pourra mener à différents travaux. Ainsi, avec un sujet portant sur l’éthique des pratiques de soins en Martinique, Mme Gagnon espère pouvoir se lancer du côté de la santé publique. "Certains CLSC ont des équipes de recherche qui s’intéressent à des questions socio-économiques qui peuvent influencer la santé des gens. L’anthropologie permet une approche plus globale de ces problématiques", explique-t-elle. Il faut dire que, selon elle, c’est la qualité de la formation des anthropologues en méthodes quantitatives qui peut mettre le cursus en valeur. "Il n’y a pas beaucoup d’autres programmes qui forment les gens avec ça", fait valoir Suzie Gagnon.
RÉALITÉS COMMUNAUTAIRES
Outre ces différents domaines, l’étude de l’humain passe aussi par la psychologie. Différents champs de pratique peuvent attirer les candidats intéressés, que ce soit l’aspect clinique, la recherche ou encore la psychologie communautaire. C’est d’ailleurs ce qu’a choisi Caroline Thibodeau, étudiante au doctorat à l’Université Laval. "On travaille dans l’environnement et la famille, on fait de l’intervention de groupe, on amène une pratique qui est plus intégrée dans son milieu", explique-t-elle. La dynamique du psychologue communautaire se situe également dans une démarche de prévention. "Nous pouvons travailler dans les cégeps, auprès des jeunes, dans des dossiers comme la prévention du suicide", cite en exemple Mme Thibodeau.
Pour faire ce métier, selon elle, il faut d’abord être ouvert aux autres, être intéressé, être patient. L’avantage de la psychologie communautaire? "Nous, c’est surtout de la prévention. On voit moins la satisfaction à court terme, mais on peut voir l’effet à long terme. Il faut agir avant que le problème n’arrive", indique Caroline Thibodeau. Le domaine est d’ailleurs assez nouveau, les cohortes, petites: dans son année, elle est la seule. Mais la pratique existait auparavant, tout en étant moins organisée, précisée. "L’image du métier est encore à bâtir", estime-t-elle.
Étant donné la nouveauté, de même que les particularités de son travail, elle conseille à ceux qui pourraient être intéressés d’aller y jeter un coup d’oeil. "Vous pouvez aller faire du bénévolat, voir si vous aimeriez ça. S’impliquer dans les laboratoires, ça aide à voir si le travail est pour nous, si on est à l’aise", conclut-elle.
Université Laval
Département d’anthropologie
www.ant.ulaval.ca
École de psychologie
www.psy.ulaval.ca
Maîtrise ou doctorat en archéologie
www.fl.ulaval.ca
Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Maîtrise en médecine expérimentale – génétique des populations humaines
Mineure en archéologie
www.uqac.ca
Université du Québec à Rimouski (UQAR)
Maîtrise en éthique
www.uqar.qc.ca