Pop Culture : Le vide et l’échec
Mon dernier week-end a été teinté par deux oeuvres dans lesquelles j’ai trouvé une certaine parenté: le roman Le Vide de Patrick Senécal et le nouvel album de Daniel Bélanger, L’Échec du matériel. Les deux créateurs ont été inspirés par le même constat: notre société matérialiste nous fait voguer tout droit vers le vide existentiel. La télé est symptomatique de cet ennui généralisé.
"Et je suis seul dans mon salon / Live devant la télévision." (Daniel Bélanger, Télévision)
Dans le roman de Senécal, Maxime Lavoie, un milliardaire désabusé, met sur pied une émission intitulée Vivre au Max, où les participants ont la possibilité de réaliser leur plus grand rêve. Pour un ou deux candidats aux aspirations humanitaires, des milliers d’autres souhaitent accomplir des actions insignifiantes, mais qui leur feront vivre un grand moment d’excitation: plonger dans une piscine remplie de bestioles, parcourir les rues de Montréal en formule 1, faire un trip à trois avec une star de porno, insulter son patron en direct…
"Je n’ai jamais plongé au fond que de moi-même / Je n’ai jamais sauté plus haut que de moi-même / Mais je n’ai jamais volé personne / Que moi-même." (Daniel Bélanger, Sports et Loisirs)
L’émission devient le plus gros succès de la télévision québécoise avec trois millions de spectateurs qui s’agglutinent devant le petit écran.
"Les semaines font comme des billes sur un chapelet / Ce drôle de collier morbide et laid / On les égrène et sans surprise / En rétrospective, on a tourné en rond." (Daniel Bélanger, Télévision)
En lisant le roman, je me disais que l’auteur avait un peu poussé la note. Mais c’était avant que je zappe sur l’émission The Great American Dream Vote. Malgré quelques différences de concept, cette émission ressemble étrangement à celle imaginée par Senécal. Les désirs que les participants confient à l’animateur chromé sont tout aussi désolants d’égocentrisme: un homme souhaite enrayer sa calvitie, une dame veut ouvrir un sanctuaire de bassets, un quinquagénaire espère être recruté par la NFL, un autre monsieur rêve de courir l’Ironman et deux femmes participent à l’émission pour se débarrasser de leurs enfants-Tanguy. À part peut-être l’Ironman, qui implique un réel dépassement de soi, rien de bien valorisant pour l’humain dans tout ça. Comme dans Le Vide.
"Je sens le vide chaque jour / De ne pas avoir valu la peine." (Daniel Bélanger, Relié)
Bref, en terminant le roman ce week-end et en écoutant L’Échec du matériel en boucle, j’ai réfléchi à ma vie. Avec le câble inclus dans le prix de mon loyer, je perds beaucoup de temps devant la boîte à images plutôt qu’à accomplir quelque chose de plus constructif. C’est sûr qu’un peu de télé ne cause pas de tort, mais pourquoi ne pas utiliser quelques-unes des heures passées devant l’écran cathodique pour lire plus, faire du bénévolat, m’initier à la méditation ou jardiner, tiens.
"Faire marche arrière / Entreprendre un demi-tour / Est bien au-dessus / De mes forces déployées / À faire ce que doit / Ce que les choses attendent de moi / À maintenir le monde / Avant qu’il ne s’effondre." (Daniel Bélanger, L’Échec du matériel)
Allez, je ferme la télé!
MAIS, QUOI FAIRE?
Il y a vernissage à la Maison de la culture de Brompton vendredi, 13 avril, à 17h, pour l’exposition de gravure Un monde en noir et blanc. En présence du maître imprimeur Alain Piroir.
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Le pianiste Alain Lefèvre est en concert au Granada samedi, 14 avril, dès 20h30, pour présenter ses Fidèles Insomnies, l’album qui lui a valu le Félix du meilleur album instrumental. Il interprétera aussi ses grands succès de Lylatov et Carnet de notes.
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Après y avoir fait la première partie d’Ariane Moffatt l’automne dernier, la chanteuse d’origine brésilienne Monica Freire est de retour à la salle Maurice-O’Bready mercredi à 20h.