En couverture d’un Journal de Québec lock-outé, Sam Hamad part en guerre contre les assistés sociaux aptes au travail. Pour les désigner, le nouveau ministre de la Solidarité sociale emploie le terme BS.
Évidemment, devant cette dérogation à la langue de bois, il y en a qui capotent.
Moi? J’applaudis comme un dingue.
Pas le contenu de sa déclaration qui pue la récupération du programme adéquiste. Pas non plus la technique suggérée pour y parvenir, tellement floue que la seule chose qui ressort ici, c’est la volonté de mettre au pas, de couper dans la dépense, mais jamais de valoriser le travail, l’effort, le sentiment du devoir accompli et la fierté de gagner sa vie en pratiquant un métier que l’on aime.
Ce que j’applaudis ici, c’est l’emploi du terme BS par Sam Hamad.
En politique plus que partout ailleurs, la rectitude a gommé la véritable nature des gens. Non seulement dans la vie de tous les jours, elle dissimule le racisme, le sexisme et toute forme d’intolérance que la bienséance commande désormais de refouler dans le langage public, mais dans la sphère politique, elle a aussi alimenté une culture de la langue de bois qui, d’un côté, est conspuée parce qu’elle permet de surfer sur un sujet sensible sans jamais se mouiller, alors que de l’autre, on condamne aussi tout manquement à cette langue de bois qui laisserait poindre une opinion licencieuse.
Généralement plus obsédé par les apparences que par ce qui se tapit dessous, on préfère le maquillage à la réalité. C’est plus rassurant, paraît-il.
Je ne sais pas pour vous, mais moi, si je n’étais qu’un sale nègre dans la tête de celui qui me parle, j’aimerais encore mieux le savoir. De même si j’étais un fif, un gros crisse, un importé, une gouine, une crisse de chienne (allo Jean!) ou un BS. Au moins, je saurais à quoi m’en tenir.
Que Sam Hamad ait échappé cette expression lors d’une entrevue permet donc de faire tomber le masque. Du même souffle, voilà qui révèle l’ignorance volontaire de ceux qui croient qu’il suffit de deux coups de baguette sur les doigts pour mettre fin aux abus de l’aide sociale.
Faudrait qu’on lui présente cette femme monoparentale, que j’ai rencontrée l’automne dernier et qui malgré ses deux jobs doit tout de même fréquenter les banques alimentaires pour subsister. Pourquoi donc? Parce qu’elle bosse au salaire minimum, un salaire indécent que l’on hausse timidement de peur que les lobbies de PME ne crient à l’apocalypse économique, et qu’à 50 heures de boulot par semaine pour ce pécule de misère, elle n’arrive juste pas à joindre les deux bouts. Elles sont combien à vivre ainsi? Des milliers, sans doute. Des milliers qui songent à tout laisser tomber, parce que c’est vrai, sur le BS, elles auront le dentiste gratuit, trois jours à la garderie payés, sans doute autant sinon plus de fric, et en échange, une imperceptible drop dans l’échelle de la dignité alors qu’elles frôlent déjà le degré zéro.
Aussi, j’applaudis doublement cette entorse à la rectitude politique du ministre Hamad, puisqu’elle contribue d’abord à mieux connaître le personnage, à mesurer son ignorance, son aveuglement, son mépris, mais aussi parce qu’elle m’autorise du coup au même genre d’écart, me permettant jusqu’à la fantaisie d’une rime en usant du terme connard.
Tiens, puisqu’on parle du Journal de Québec, dans le sympathique petit quotidien que publient ses journalistes en lock-out depuis mardi, on peut lire cet article d’une indiscutable pertinence concernant l’historien Russel Bouchard qui a récemment fait son coming out et se travestit en femme, transgenre à la manière d’une Micheline Montreuil.
À peine 24 pages à remplir, et c’est le genre de nouvelle que les scribes du JdQ choisissent de couvrir. Comme quoi on peut bien sortir les journalistes du Journal, mais pas toujours le Journal de ses journalistes.
Dans l’article, on peut donc lire que le brave homme qui voulait être une femme était malheureux comme une pierre, avait jusqu’à planifié son suicide, que ce changement d’identité essentiellement cosmétique lui apporte bonheur, que famille, amis et collègues lui donnent tout leur soutien. Bingo.
Et là, sous la photo, je lis son nouveau nom… Fuck. Il s’appelle maintenant Aurore Boréale.
Si son entourage était vraiment sincère, il aurait au moins pu lui suggérer autre chose. Se promener habillé en femme, je veux bien, pourquoi pas, mais pouvoir choisir son nom et faire preuve d’un tel mauvais goût, ça, c’est un scandale. Des suggestions? Je sais pas trop. Pour rester dans le même esprit, pensons donc à quelque chose de mignon, évoquant la nature, un peu nunuche, mais sans que ça paraisse trop…
Que diriez-vous de Marguerite Blais?