Les Productions du Rapide-Blanc : Vers des films verts
Société

Les Productions du Rapide-Blanc : Vers des films verts

Le cinéma vert n’est plus tellement loin. Et c’est à Montréal, à la maison indépendante Les Productions du Rapide-Blanc, que le greencode project (en anglais seulement pour l’instant) est né. Rencontre avec ses instigatrices.

Le Cabaret Rupert, du nom de la rivière menacée par la soif de grandeur d’Hydro-Québec, se tenait ce soir-là. Et c’est dans ses parages que Sylvie Van Brabant, cofondatrice des Productions du Rapide-Blanc, boîte de "films à contre-courant" (À force de rêves, Pas de pays sans paysans), nous a convié. Pas étonnant: cette militante de longue date y était pour tourner des scènes de son prochain documentaire, La Dernière Planète. Titre sinistre. La cinéaste respire pourtant l’optimisme. Sa dernière bonne idée, développée avec sa comparse Marie-France Côté, vise à verdir le cinéma. En lançant le greencode, série de mesures écologiques pratico-pratiques, elles espèrent provoquer une sorte de mini-Kyoto menant à des films certifiés verts.

Comment est née l’idée du greencode?

Sylvie Van Brabant: "Je me suis dit qu’il me fallait être conséquente avec mon cinéma. C’est le principe du "walk your talk". Je fais un film sur l’écologie, il faut que je fasse attention à comment je le fais. Il faut agir selon nos paroles. On s’est ensuite dit qu’on devait intéresser les compagnies qui sont dans la production médiatique."

Marie-France Côté: "Le festival Elektra, par exemple, a répondu à notre appel. Ils imprimeront moins d’affiches et s’annonceront par le moyen de projections sur les murs."

Le cinéma est-il particulièrement polluant?

MFC: "Oui, c’est une industrie polluante, surtout dans le cas des grosses productions de fiction qui emploient des centaines de personnes. Mais on peut tous faire notre part. Lorsqu’on a commencé à parler du projet il y a deux ans, on nous disait que ce serait impossible, que ça coûtait trop cher. Mais depuis An Inconvenient Truth, le film d’Al Gore, on sent que les gens sont prêts à faire des sacrifices."

SVB: "Les Oscars s’annonçaient comme un greenshow. Je suis allée voir, mais sur leur site, il n’y avait qu’une liste de recommandations. Tu ne peux pas dire que c’est un greenshow. C’est du greenwash, c’est devenu une mode. Ça prend plus que ça."

En quoi consiste exactement le greencode?

MFC: "Pour l’instant, on demande un minimum de cinq actions. On publie sur Internet (www.greencodeproject.org) une trentaine de propositions, des choses simples à faire (remplacer la paperasse par des courriels, opter pour des employés locaux afin d’alléger l’équipe en déplacement, faire de la distribution on-line…). On commence, mais c’est un work-in-progress. Après, ou poussera la recherche plus loin. On voudrait faire une certification, comme celle de l’American Humane qui assure qu’aucun animal n’a été blessé dans la réalisation d’un film."

Vous avez commencé par appliquer le greencode au Rapide-Blanc. Quand est-il devenu plus que l’affaire d’une seule entreprise?

MFC: "À l’automne 2006, quand on a discuté avec l’Office national du film, qui cherchait un genre de projet comme celui-ci."

SVB: "On est arrivé au bon moment puisque d’autres producteurs de documentaires se sont aussi associés. L’ONF, lui, assume 20 % de notre budget. De plus, ses avocats nous aident à partir une OSBL, Greenmedia, qui pourrait, par exemple, faire pression pour que le gouvernement émette des crédits d’impôt aux entreprises vertes."

Greenpeace aussi vous appuie. Ça se traduit comment?

MFC: "Je suis allée à Amsterdam, au siège social, après avoir envoyé un courriel d’ici. Tout de suite, Greenpeace nous a donné 2000 euros. En deux jours. Quand tu ne cherches pas de l’argent pour faire des films, ça va bien."

Comment comptez-vous évaluer un film greencode?

SVB: "Il devra respecter des critères, ça prendra des rapports pour le surveiller. Mais c’est encore à construire."

MFC: "Ce qui est important, c’est que les critères soient flexibles. Les gens doivent apprendre à le faire, sans compter que tous n’ont pas les moyens. On aimerait peut-être avoir plusieurs degrés de vert: vert foncé, vert pâle… Nous-mêmes, petite compagnie, on ne pourrait pas respecter le code. Si quelqu’un m’arrivait avec un tel projet, peu flexible, je serais désolée parce que je ne pourrais pas atteindre le niveau vert. Tandis que là, on ouvre la porte à tout le monde. C’est important."

Faudra-t-il s’abstenir de consommer les films qui ne sont pas verts?

MFC: "Pourquoi pas. Laure Waridel dit que même un film est un achat. Mais l’idée, c’est ça: des festivals verts, des films verts, des maisons de production vertes."

Le greencode est né à Montréal. Pourtant, la terminologie, la documentation et le site Internet ne sont qu’en anglais. L’écologie ne connaît pas la diversité culturelle?

MFC: "C’est le manque de ressources qui ne connaît pas la diversité culturelle."

SVB: "On a deux pages en français, mais ça nous a pris tout notre petit change. On l’a fait en anglais parce que l’on visait une clientèle internationale. On nous répond de Séoul, d’Australie, d’Angleterre."

MFC: "Traduire une page nous demande tellement de travail. Mais c’est un projet bilingue. À Hot Docs (le festival de documentaires de Toronto où le greencode sera officiellement lancé), le logo sera dans les deux langues."

www.greencodeproject.org