Pop Culture : L’indescriptible musicalité de l’être
S’il y a un festival qui m’excite particulièrement parmi ceux qui se déroulent dans la région, c’est sans aucun doute possible le Festival des musiques de création. Je garde un souvenir impérissable des quelques soirées passées en communion avec ces artistes parfois un peu étranges qui réussissent plus souvent qu’autrement à défricher les broussailles de territoires musicaux qu’on découvre avec un émerveillement sans cesse renouvelé.
Ce que j’aime de telles rencontres, c’est que sans le travail des organisateurs du Festival, elles seraient plus qu’improbables. Des musiciens viennent de l’autre bout du monde pour partager – VÉRITABLEMENT partager – l’expérience de leur musique. Lorsque la magie opère, il ne s’agit pas seulement d’un spectacle gardé distant par une scène au limès fortement exacerbé; c’est bien connu, la musique fait s’effondrer les frontières. Le spectateur vit alors en même temps que l’artiste l’expérience d’une grisante découverte, au gré de la ligne créatrice de celui qui orchestre la soirée.
Il y a ce qu’on pourrait appeler les curiosités. Des instruments créés de toutes pièces, au son inédit, étrange et beau. P.O.W.E.R., cette année, en fera certainement partie puisque la formation promet de recycler nos vieux appareils électroniques, les utilisant dans leur performance.
Même les instruments les plus traditionnels sont plus souvent qu’autrement réinventés. J’aime particulièrement découvrir l’inventivité des instrumentistes qui détournent, avec une délinquance assumée, une guitare, un piano, un saxophone, ne se résignant à aucune des conventions établies.
Et il y a la justesse de l’exécution. Des musiciens qui nous offrent des performances inoubliables. Des instants qui ne se vivent qu’une fois dans une vie, et qu’on voudrait pourtant multiplier.
Ces musiciens invités par le Festival ne créent pas de chansons moulées à même les plages horaires des radios commerciales. On développe plutôt de nouveaux langages musicaux, un vocabulaire foisonnant, une langue universelle qui, si elle est sans doute moins efficace que l’espéranto – ou moins utile que l’anglais, force est de l’admettre -, ouvre tout de même grandes les portes d’un rapport complexe, profond et surtout profondément humain. Car si on reconnaît chez certains animaux une quelconque capacité à communiquer, il n’y a, à ma connaissance, que l’être humain qui soit véritablement musical.
Bernard Falaise présente le concert Vache qui veut vole, le 26 mai, au Côté-Cour. |
De moins en moins social, peut-être, à notre époque, mais encore et toujours un être musical.
Gilbert Talbot, poète et philosophe, après avoir assisté à un numéro de slam de poésie aux intonations particulièrement musicales – c’était lors de la dernière soirée des Poèmes Animés -, me proposait après coup cette hypothèse selon laquelle le langage serait né de la musique. Car avant de signifier, il aura bien fallu faire des sons, et les organiser.
Ainsi le langage serait musique, d’abord et avant tout. Pas fou. Il s’agit bien de sons contrôlés, jaugés, mesurés. Les musiques de création se rapprocheraient donc, à leur façon, de ce cri primal, de ce désir primordial de partager les sons et leur musicalité. Une langue universelle et millénaire dont le vocabulaire n’aurait de cesse d’être inventé.
Lorsqu’un rédacteur s’applique à décrire les musiques de création, il est aussitôt confronté aux limites de son propre langage. Il verse alors dans les métaphores les plus obscures ou se perd dans les détours de paraphrases étranges. La raison en est simple: il s’agit d’une expérience, par définition indéfinissable. Il se produit là quelque chose d’éthéré, comme si on effleurait de l’oreille une volute d’éternité. Le monde entier s’efface autour de la salle de spectacle qui seule existe encore, temple souverain où retentit une poésie sonore sublime, totalement libre, et folle.
Deux semaines seulement pour y goûter.
SAGUENAY/ALMA: À PERTE DE VUE
DEJA UN AN
Avec le retour du Festival des musiques de création, je fête le premier anniversaire du blogue Saguenay/Alma: À perte de vue. En effet, c’est le 16 mai 2006 que s’ouvrait pour nous ce point de rencontre virtuel, cet espace abstrait permettant la médiatisation de nos intérêts, de nos coups de coeur, de nos coups de gueule. J’y ai vécu des moments forts, voyant confrontés mes points de vue aux vôtres avec un plaisir presque coupable, découvrant votre intarissable passion pour la chose culturelle. Si j’ai parfois essuyé quelques virulentes critiques – les dernières semaines m’ont fait goûter aux propos désobligeants de lecteurs ponctuels particulièrement belliqueux, en particulier depuis la saga Champagne -, vos encouragements et les quelques correspondances qui ont découlé de nos prises de bec virtuelles ont très souvent apporté beaucoup à un travail déjà fort stimulant. Je tiens à remercier nos plus fidèles lecteurs pour leurs marques d’intérêt et pour leur assiduité. Puisse le blogue Saguenay/Alma: À perte de vue nous permettre de traiter encore longtemps, sans détour ni distance, des sujets chauds de notre vie culturelle!