Slimane Benaïssa : Les lumières de l'islam
Société

Slimane Benaïssa : Les lumières de l’islam

L’Algérien Slimane Benaïssa prend part au Festival Séfarad de Montréal, 16 jours de musique, d’expositions, de théâtre et de colloques sur la culture juive séfarade et francophone. Discussion avec un intellectuel dont les lumières sont plus indispensables que jamais.

Né dans l’Est algérien, Slimane Benaïssa est auteur, metteur en scène et acteur. En 1993, après 20 ans d’activité théâtrale en Algérie et à la suite de menaces de mort, il a trouvé asile en France.

Ses pièces – Prophètes sans dieu, Les Confessions d’un musulman de mauvaise foi – et ses romans – La Dernière Nuit d’un damné, Les Colères du silence – sont autant de réponses à la myriade de questions posées à l’Islam depuis le 11 septembre 2001.

À ce jour, le théâtre, la littérature et les idées ont amené Slimane Benaïssa à visiter le Québec une dizaine de fois. "J’ai appris à connaître et à aimer les Québécois. Je sens un véritable intérêt de leur part pour le problème des relations entre les religions musulmane, juive et chrétienne, et pour l’islam en particulier. Ayant une double culture, française et arabe, je pense que je suis bien placé pour faire le pont entre les peuples et les idées. Je parle de l’islam aux Occidentaux, en français, j’essaie de dissiper leurs inquiétudes, de leur dire ce qu’est la véritable religion. En même temps, de l’autre côté, j’essaie de faire évoluer mon propre peuple."

Selon l’intellectuel algérien, l’ignorance est la cause de bien des incompréhensions en ce qui a trait à l’islam. "Pour avoir des préjugés, il faut connaître, au moins un peu. Le problème, c’est que l’islam est une inconnue non connue et que les événements qui suscitent l’intérêt pour lui ne sont pas des plus joyeux. Ce qu’il faut, c’est ramener la discussion sur un terrain de sérénité, de curiosité et d’intérêt intellectuel. Il faut que les gens comprennent que tous les musulmans ne peuvent pas être des terroristes. Oui, l’islam s’oppose à tout, c’est un système fermé sur lui-même qui gère la société dans son ensemble et non pas seulement la spiritualité des humains. Mais il s’agit là d’une lecture très ancienne, une vision qui date du 12e siècle. Il y a aujourd’hui de nombreux rénovateurs de l’islam, de nouveaux penseurs. Malheureusement, ceux-ci butent souvent contre des pouvoirs arabes, des gens qui vivent au moyen âge par rapport à l’époque où nous sommes."

Voilà pourquoi, contre vents et marées, l’intellectuel continue de placer la religion au centre de son oeuvre. Ses prises de parole, artistiques ou non, démontrent la pertinence de l’islam, mais aussi la grande complexité des questions qui l’entourent. "Dans mon oeuvre, j’essaie d’avoir un regard critique sur la religion, je la discute. Je crois que l’héritage religieux est très simple: on hérite d’une religion pour la faire vivre à notre époque. Si on doit hériter d’une religion qui nous fasse vivre au moyen âge, je ne suis pas d’accord."

ÉCHANGES PUBLICS

Slimane Benaïssa participe au Festival Séfarad de Montréal, un événement consacré à la culture séfarade, avant tout pour échanger. "Je ne vais pas faire un prêche. Je vais dire ce que contient l’islam, les problèmes de la fixation du texte, et ensuite je discuterai des points nodaux aujourd’hui, par exemple la problématique du voile, c’est-à-dire l’islam et la laïcité, l’islam et la symbolique moderne et, à la fin, les kamikazes et l’islam. L’idée, c’est de dire où le point de vue islamique se situe et où il devrait se situer."

Qu’est-ce que le Québec, à une époque où les accommodements raisonnables sont de toutes les discussions, peut apprendre de la situation française? "Je suis pour la laïcité et l’intégration à la française. Je pense que c’est le système le plus juste. La France se reconnaît dans les lois de la République, dans les droits de l’Homme, dans sa laïcité. Les accommodements, c’est bien, mais on est en droit de se demander si, à long terme, les accommodements de chacun vont permettre de construire une nation qui aura les mêmes projets, les mêmes objectifs et les mêmes points de reconnaissance."

En somme, Slimane Benaïssa prône la constante remise en question de nos sociétés. "Une société, par définition, évolue. Même au paradis, je pense qu’on ne sera pas figé pour l’éternité. J’essaie de voir les religions comme une chose vivante. Tout ce qui est vivant évolue, se transforme et change. On doit changer la religion, la relire, la faire évoluer. Nous sommes responsables de l’évolution de l’islam, ce n’est pas l’islam qui est responsable de notre évolution. Il est plus que temps d’inscrire l’islam dans le monde actuel." www.sefarad.ca.

Divers lieux
Jusqu’au 18 juin
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